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en Normandie des représentants, est, tout à la fois, instructif et réconfortant; il explique, mieux que ne pourraient le faire toutes les dissertations, le rôle éminemment moralisateur joué par la colonisation française, les résultats qu'elle a produits, les souvenirs qu'elle a laissés.

Les personnes étrangères aux études linguistiques, qui habitent notre pays, ne se doutent certainement pas des discussions passionnées auxquelles le nom de Caen a donné lieu. Les étymologies proposées sont innombrables parmi ces interprétations, il y en a de sérieuses, il y en a d'amusantes, il y en a même de grotesques. Leur énumération nous entraînerait trop loin. Que seraitce s'il nous fallait les apprécier et les discuter. A toutes ces explications, notre savant confrère, M. Charles Joret, professeur à la Faculté des lettres d'Aix, vient d'en ajouter une nouvelle. Je n'ai pas besoin de vous dire que celle-là est très sérieuse, cela va de soi; mais elle paraît de plus rigoureusement scientifique, et, dans tous les cas, elle est abondamment documentée. Ralliera-t-elle tous les suffrages? Nous l'espérons, sans trop y compter. Nous savons par expérience que c'est surtout en matière étymologique que les discussions s'éternisent et que les conversions sont difficiles.

Quand notre ancien directeur, M. le marquis de Chennevières, entreprenait sa croisade généreuse en faveur des anciens peintres provinciaux, in

connus ou injustement dédaignés, il ne se doutait certainement pas que toute une légion de travailleurs se lèverait à sa voix, et que sur tous les points de la France notre passé artistique serait exploré, fouillé et mis en lumière avec le zèle le plus empressé et le plus consciencieux. La semence avait été lancée par une main vaillante et avisée; presque partout elle a germé, et à l'heure actuelle elle nous donne la plus abondante, la plus fructueuse des moissons. Le succès a dépassé les espérances pour l'honneur de nos villes et au grand profit de la justice et de la vérité. M. Fernand Engerand est un des disciples les plus agissants et les plus convaincus du maître; ses efforts ont eu déjà d'heureux résultats. Grâce à lui, nous sommes en possession de renseignements précieux, non seulement sur La Champagne la Faye, l'auteur des cartons des tapisseries des Bénédictines, mais sur tout un groupe d'autres artistes caennais dont les noms méritaient de sortir de l'oubli.

C'est aussi de la vie provinciale qu'il est question dans les lettres piquantes de Daniel Huet, éditées el commentées avec un soin judicieux par M. Armand Gasté. Quelles vives lumières, quand on sait la lire, jette cette correspondance sur l'état social, sur les habitudes du temps, sur le personnel ecclésiastique et aussi sur le caractère très particulier du prélat. M. Gasté a déjà rendu bien des services à notre histoire normande; cette communication,

avec les explications qui l'accompagnent, en est un nouveau que nous nous plaisons à enregistrer ici.

Votre Secrétaire vous a entretenus des pierres tombales de l'église de l'abbaye de la Trinité, d'après l'album de dessins conservé à la collection Mancel, de La Bataille-Auvray. Ce mémoire, auquel avaient été jointes des photographies dues à l'obligeance de M. le comte d'Osseville, a été présenté au Congrès des Sociétés des Beaux-Arts, en même temps que le travail de M. Fernand Engerand, sur La Champagne la Faye.

Au Congrès des Sociétés savantes, M. Raulin, délégué de notre compagnie, a donné lecture d'une étude sur le droit de plancage, qui a été très favorablement accueillie par la réunion.

Un de nos membres correspondants les plus distingués, M. Swen Sondeberg, professeur à l'Université de Lund et conservateur du musée archéologique de cette ville, nous a communiqué un mémoire sur l'origine de l'ornementation animale dans les bijoux de l'époque mérovingienne. Les observations de ce savant antiquaire, qui a étudié avec beaucoup de soin les fibules de notre musée, sont d'autant plus intéressantes pour nous, qu'elles s'appliquent à la décoration animale dans les modillons et les chapiteaux de l'époque romane.

Notre président, M. Langlois, en nous rendant compte de certains ouvrages publiés par la Société de l'Histoire de Paris, nous a signalé d'assez nom

breux passages d'inventaires de libraires contenant des indications précieuses pour l'histoire de l'industrie et du commerce de la ville de Caen au XVIe et au XVIIe siècle.

M. des Hameaux nous a donné lecture d'une monographie étendue sur une commune rurale du département de la Manche et sur les particularités architecturales qui se remarquaient dans son église, particularités déjà signalées par M. de Caumont.

Nous ne nous sommes pas absorbés d'une manière exclusive dans les questions de pure théorie. Saisis par la Commission des antiquités de la SeineInférieure des réclamations auxquelles donna lieu · le projet de démolition de la Chapelle du Lycée Corneille à Rouen, nous n'avons pas hésité à protester énergiquement contre une mesure que rien. ne justifie et qui diminuerait sensiblement le patrimoine artistique de la ville de Rouen. Notre démarche a eu tout l'effet que nous pouvions en attendre. Elle a obtenu l'adhésion, non seulement de la presse locale, mais encore des organes les plus importants de la presse parisienne. Il faut donc espérer qu'en présence de cette manifestation significative des archéologues, des artistes et de tous les gens éclairés, le projet qui nous avait émus ne recevra pas d'exécution.

Nous avions protesté également, il y a quelques années, contre l'enlèvement de la pierre tombale de Jean Baillehache, à qui est due la conservation

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du chœur de l'église Saint-Étienne. Cette injustice est sur le point d'être réparée. Prochainement, l'épitaphe de cet homme d'intelligence et de cœur sera rétablie sur une plaque de marbre placée dans la chapelle où il dort son dernier sommeil. Les frais de cette restitution seront supportés par M. le curé-doyen, par la Société française d'Archéologie et par la Société des Antiquaires de Normandie.

Pendant toute sa vie, M. de Caumont n'a pas cessé un seul instant de s'intéresser à la vieille église de Thaon, dans laquelle il voyait un des plus précieux monuments de l'art roman en Normandie. On connait les doléances insérées par lui dans le premier volume de la Statistique monumentale du Calvados, à propos de la construction de la nouvelle église de cette commune. Sur ce point, la Société des Antiquaires de Normandie partageait les sentiments de son fondateur.

A plusisurs reprises, elle est intervenue auprès de l'administration préfectorale et des ministres pour conjurer sa ruine. Aussi est-ce avec une réelle satisfaction que nous avons appris tout récemment que des travaux de réparation allaient être faits au vieil édifice, sous la direction de M. Benouville, architecte du gouvernement. C'est la conservation du monument assurée. C'est le salut. Malheureusement, la quote-part dans la dépense mise à la charge de la commune dépasse

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