Page images
PDF
EPUB

fonctions, et par suite les sorties nocturnes ou irrégulières étaient-elles rendues impossibles? Le Bidois l'atteste et en affirmant, à l'encontre des insinuations de son adversaire, que l'on opère les inspections prescrites dans les chambres pour y découvrir armes ou livres défendus, il remarque malignement que celui-ci n'en a fait aucune durant son rectorat. Le port des armes, longtemps autorisé à Orléans, surtout hors de l'enceinte scolaire, s'y justifiait par la présence d'étudiants, souvent gentilshommes, appartenant à la nation de Germanie, professant la religion réformée et qui, circulant de France en Allemagne, pouvaient demander à leur épée, signe apparent de leur noblesse, une protection efficace contre les attaques auxquelles les exposaient leur origine et leur culte. Il était interdit à Caen, où, malgré des habitudes de tolérance dont les traces se retrouvent dans les délibérations relatives à l'établissement du collège des Jésuites, le catholicisme exerçait aux écoles une prépondérance assez exclusive pour que, le 28 juin 1656, l'on proposat de priver de son office le papetier, accusé, ainsi que le parcheminier, de pratiquer le protestantisme. La messe, d'ailleurs, était dite chaque matin à six ou sept heures, suivant la saison, et contrairement à une tradition, à des prescriptions même datées de 1586, qui paraissent avoir été de bonne heure intentionnellement négligées par la sage direction des écoles caennaises, l'assistance.

des élèves y était constatée par le principal, et non par un condisciple chargé d'une surveillance, toujours suspecte à ses maîtres, infailliblement odieuse à ses camarades. L'on agissait de même pour assurer l'exacte observation de la règle qui interdisait de parler « françois tant en l'églize, salle, <«< chambre, classe, court, que autres lieux », défense qui explique la facilité de nos pères à exprimer couramment leur pensée en latin. C'est ainsi que Montaigne s'était, grâce aux précautions paternelles, « latinisé sans art et sans peine », et Madame de Genlis, qui se loue d'avoir, pour l'éducation des princes d'Orléans, appliqué cette méthode à l'enseignement des langues vivantes, en devançant un usage universellement adopté de nos jours, aurait triomphé avec moins d'orgueil, si elle s'était souvenue que rien n'est nouveau sous le soleil.

[ocr errors]

J'omets volontiers les critiques dirigées contre le costume des professeurs, qui ne paraissent pas fondées, et les reproches faits aux étudiants de porter, au lieu de «manteaux à manches vestues «ou passées avec la ceinture par dessus et de toques ou bonnets », des «< chapeaux et manteaux « sans manche, n'ayant pas la commodité de faire <«< la despense »; je ne m'arrête pas davantage à l'allégation démentie que l'on ne représenterait pas deux fois l'an, au collège des Arts, « les églogues, « dialogues, comédies ou tragédies », visés par les règlements, et je relève un grief plus sérieux qui a

«

trait à la présence de temmes dans les ecoles. Le factum de l'adversaire de l'Université contient à re sujet des articulations dont on est contraint de reconnaître la précision: une fille qui aurait demeure au collège du Bois en seran sortie enceinte, le college du Cloustier logerait des femmes et le college des Arts, gouverné par Le Bidois, donnerait asile a une matelassière, sans compter une femme orcupée au service du principal, qui adibi estre faict par de pauvres garcons qui pouroient par ce moyen profiter aux lettres»: des marchandes y seraient admises et un enseignement commun aLx deux sexes y serait donné. I faut avouer que ces récriminations ne sont pas absolument contredites par les réponses du mandataire de l'Universite, qui reconnait « qu'au colege du Bois il y a des maisons dont l'ouverture est sur la rue, dans lesquelles < maisons ont demeuré et demeurent encore des ⚫gens de mestier qui ont des femmes et servantes. A ouy dire qu'il y eut une fille de l'une desd. maisons qui eut un enfant, laquelle fut inconti«nent expulsée, il y a du moins six à sept ans et depuis n'a cognoissance qu'il y soit arrivé aucun « scandalle ». L'explication relative au collège du Cloustier n'est guère plus satisfaisante, et Le Bidois déclare qu'il ne sait quelles personnes y de<< meurent et s'il y a eu du désordre, le d, de Saint-Martin comme recteur l'a deub corriger led. colège estant sous la direction du recteur ».

«

«

«

[ocr errors]

Il repousse plus péremptoirement les autres reproches, en disant qu'il ne demeure aucune femme << dans la maison; qu'il est bien vray qu'une femme « de soixante et dix ans pour le moins vient quel<«<ques fois aider à son valet au mesnage de sa maison, sans jamais y avoir couché; dict aussy << qu'en une classe qui sert de sixième, dont la << porte ouvre sur la rue et où l'on enseigne les plus petits enfants croid qu'il y a peu venir quel« que petite fille de quelque honeste maison voi<< sine; méconnoit avoir jamais loué aucune chose, << mais luy a permis charitablement à une paouvre « fille dévote qui sert et a travaillé chez led. de <<< Saint-Martin de reserrer dans un grenier quelque << peu de layne et luy a racommodé des matelas <«< dans led. grenier et que lors qu'il a esté deub quelque argent à des boulengères ou paticières, ilz ont peu le venir demander et mescognoit qu'il y ayt jamais eu aucun scandale. » Le soleil luimême a ses taches, et l'on doit juger sans rigueur les légères négligences d'une Université qui a eu la gloire de former, entre autres disciples, les poètes Malherbe, Chandeville, Garaby de La Luzerne, remis au jour par l'un de vous, Sarrasin, l'historien de la maison d'Harcourt André de La Roque, Huet, dont la reconnaissance pour ses maitres s'épanche en une effusion si sincère, et son devancier dans la rédaction de l'histoire locale, Charles de Bourgueville, qui nous apprend avec une naïve satisfaction

[ocr errors]

comment, au collège du Bois, la mère vénérée prodiguait à ses nourrissons le pain du corps avec l'aliment de l'esprit : « Me recorde que pour lors « étions bien soixante pensionnaires; et ceux de la plus grande pension ne payoient que trente francs, qui estoient traictez comme au plat des Régens, et trois fois la sepmaine du rotty à souper, mouton, poullets ou pigeons ».

[ocr errors]
[ocr errors]

Admis à jouir de ce régime réconfortant, après un examen de capacité renouvelé au changement annuel de classe, l'écolier étudiait les humanités, pour suivre ensuite les cours d'une ou plusieurs des cinq facultés, jusqu'au moment où, muni de lettres << testimoniales » attestant le « commencement et « continuation d'estudes en Université fameuse », il se présentait pour prendre ses degrés. Le travail d'ailleurs ne subissait guère de chômage et, sans craindre de surmener les élèves, les leçons partaient du 10 octobre, lendemain de la Saint-Denis, des dionysiales », disait-on, avec l'affectation de latiniser qui était alors à la mode, en risquant une confusion entre les fêtes de l'évêque et du dieu païen des vendanges; sauf pour les écoles des droits, où elles se terminaient au mois d'août, elles cessaient le 7 septembre, ne laissant qu'un mois de vacances aux étudiants, et ne réservant le congé du lendemain ou « crastinum » qu'aux solennités de Pâques, de la Pentecôte et de Noël.

>>

Le jeudi parait cependant, excepté quelquefois

« PreviousContinue »