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les traces laissées par les hommes du Nord en Normandie, avaient été inscrits sur nos listes comme membres correspondants étrangers.

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Les patoisants ont toujours été ici l'objet d'une faveur particulière; c'est dire que la brochure de M. de Guer, par cela même qu'elle traite des façons paysannes de parler, devait piquer notre curiosité et ne pouvait passer inaperçue. Cet opuscule de 75 pages a pour titre Le Patois normand. Introduction à l'étude des parlers de Normandie. Il a pour nous le mérite d'être bien écrit et d'exposer les faits avec méthode et clarté. C'est, à vrai dire, une sorte d'introduction à une œuvre plus considérable sur l'ensemble des parlers de Normandie. D'après les indications du titre, on nous donne aujourd'hui un programme dans le but d'arriver à réunir les informations nécessaires pour la rédaction de la publication définitive. Chacun est invité à apporter sa pierre pour la construction de l'édifice en projet. L'entreprise est délicate, elle a certainement ses grandes difficultés, mais nous la considérons comme tout à fait digne d'encouragement.

Les patois ne sont pas en effet ce qu'un vain peuple pense:

La région de langue d'oil, dit très bien M. de Guer, se subdivisait en trois groupes étroitement appa«rentés le dialecte du Nord-Est ou dialecte Picard;

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celui de l'Ouest, ou Normand; celui du Centre-Nord, << ou Poitevin; celui du Nord, ou Bourguignon; enfin, « au milieu, le dialecte du duché de France, ou Français proprement dit. Tous ces dialectes eurent à l'origine une importance égale, une valeur littéraire

effective. Mais le Français, pour les raisons que l'on sait, prit le pas sur ses congénères; il se substitua par tout le pays d'Oil, dans les relations commerciales, politiques, sociales aux autres dialectes et revendiqua pour lui seul la dignité de langue littéraire.

Toutefois, les dialectes détrônés ne cessèrent pas ‹ d'être parlés. Il n'y eut plus à vrai dire de littérature normande, picarde, etc., il y eut toujours un parler < normand, un parler picard, et ces parlers sont dits ⚫ patois.

Les patois sont donc les frères, les petits frères du Français; ils ont assisté à la croissance de leur aîné, ils l'ont vu s'ennoblir, s'enrichir, souvent se déformer, suivre les vaines fluctuations des modes littéraires et des engouements des salons. Pour eux, << moins fortement troublés par ces contingences, sans perdre leur belle pureté phonétique, ils continuent souvent d'obéir aux règles de leur évolution naturelle. »

Nous pouvons nous arrêter ici et conclure que les patois et le patois normand en particulier nous offrent des formes dialectales anciennes fidèlement conservées par le parler des paysans el qui sont contemporaines du vieux français, bien loin d'être la déformation barbare et grossière de la langue d'aujourd'hui. Cette considération suffit pour faire comprendre l'ardeur que l'on met à l'heure présente à en déterminer les éléments dialectoniques et l'intérêt que présentent les résultats de ces recherches lorsqu'ils sont sérieusement et scientifiquement constatés.

C'est pour arriver à ces constatations que M. de

Guer, sans s'arrêter aux raisonnements a priori, sollicite le concours de toutes les bonnes volontés.

Nous ne pouvons entrer dans toutes les recommandations de détail inscrites dans l'instruction préliminaire nécessaire d'une pareille enquête, mais nous voudrions essayer de faire savoir en quoi consiste l'originalité du mode d'investigation préconisé par M. de Guer.

Tout d'abord, il a limité à un territoire peu étendu et nettement défini le champ de ses opérations. Ce point bien établi, il n'a exigé des collaborateurs dont il a sollicité le concours, ni longue préparation, ni connaissances spéciales. Toute personne habitant la campagne et vivant au milieu des paysans peut devenir un patoisant de grand secours, de grande utilité. Il suffit, pour cela, d'écouter, de recueillir les mots et les formules tels qu'on les entend, en notant toutes les particularités, même les plus légères, de la prononciation. Un peu d'attention et une absolue sincérité dans la transcription des formules et des phonèmes, tout est là. C'est cette simplicité de procédés qui rend pratiquement possible l'entreprise tentée par M. de Guer.

« L'auteur, écrit le rédacteur du Journal des Débats, s'adresse aux adeptes des études patoises pour exciter «<leur zèle et solliciter leur coucours en vue de re«cherches communes dont les résultats seraient cen«tralisés dans un Bulletin des parlers du Calvados. « L'idée semble excellente et mérite d'être propagée « et mise à exécution dans toutes nos autres pro«vinces. (V. Journal des Débats, 18 janvier 1897).

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La lettre de M. Gillieron met d'ailleurs en pleine évidence le caractère exact de ces investigations, en en indiquant les chances de succès :

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Il m'est bien agréable de vous voir embrasser avec autant d'ardeur la cause des patois.

<< Dans l'entreprise telle que vous la proposez, vous <évitez deux écueils qui ont contribué, pour une large part, à l'insuccès de la Revue des patois gallo

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romans.

En vous limitant à l'exploration d'un petit domaine, vous embrassez peu pour mieux étreindre et « vous devez exciter un intérêt bien plus immédiat « auprès de votre public; d'autre part, en n'exigeant point de vos collaborateurs une longue préparation << scientifique, vous vous en assurez de précieux qui « nous ont manqué, en même temps que vous rendez ale Bulletin des parlers du Calvados accessible à « tous.

« Vous présentez au public l'étude des patois dans « des conditions d'investigations nouvelles.

Puisse votre entreprise avoir plus de succès que celles qui l'ont précédée. Je le souhaite de tout cœur.

« Tout à vous,

« J. GILLIERON. »

La lettre du savant professeur de dialectologie gallo-romane pose nettement les données du problème. Nous n'avons rien à ajouter.

E. B.

NOUVELLES DIVERSES

Campanologie normande :

Les Recherches de M. Louis Régnier.

Notre confrère, M. Louis Régnier, a publié récemment un très intéressant travail sur la Campanologie. Ce travail, accueilli dans le Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques, est intitulé : Cloches et fondeurs de cloches. Notes recueillies dans les départements de l'Eure, de l'Oise, de Seine-etOise.

Ces recherches, où se retrouvent l'esprit critique et la méthode dont l'auteur a déjà fait preuve dans ses précédentes publications, s'attachent plus à la personne des fondeurs qu'à leurs œuvres. Elles permettent de reconstituer ces familles de fondeurs qui ont disséminé leurs cloches, clochettes et carillons dans un rayon de territoire assez étendu. Tous ces noms, que l'on retrouvera certainement ailleurs, M. Régnier les a relevés avec un soin scrupuleux, et ce n'est pas là un des moindres mérites de son travail. Il y en a un autre qui nous frappe peut-être davantage il consiste dans la reproduction des légendes qui, pour le XVIe siècle tout au moins, présentent une certaine originalité.

Dans la région où M. Régnier a circonscrit ses investigations, il n'a eu à signaler que trois cloches du

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