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dû produire des ouvrages postérieurs au Missel de 1505? On le pourrait à la rigueur, puisque le texte est précis, plus explicite même que ceux de 1504 et de 1523 qui ne donnent à notre typographe que le titre de «libraire ». Quoiqu'il en soit, en 1528, Jean Berthon n'avait plus le monopole de l'imprimerie, et son parent Paul est installé, de même que lui, dans la rue Fourie, deux ans après, comme son concurrent ou son associé, sinon comme son

succcesseur.

Le texte que nous allons citer fournit encore une indication dont il y a lieu de tenir compte.

L'abbé Legros constate que Jean Berthon était dit « Prucly », surnom que rectifie M. Poyet, en le remplaçant par « Poucly ». M. Louis Guibert croit devoir relever, à ce sujet « une erreur évidente»; il suppose qu'il y a eu simple confusion avec le nom de Paul ou Pauly, le successeur de Jean, et que l'on doit rejeter le surnom donné à ce dernier.

On verra que s'il y a variante dans un surnom dont la forme donnée ici, et exactement lue, parait d'ailleurs plus admissible ce surnom n'en a pas moins existé, et qu'il vient confirmer l'identité de « Jean Berthon, dict de Prelhy, libraire et imprimeur » en 1528, avec l'introducteur de l'imprimerie à Limoges.

Voici le sommaire et l'extrait de l'acte qui nous a fourni ces divers renseignements :

30 Janvier 1527 (v. s. 1528) — (1) Contrat de mariage de Antoine Fournier, bourcier de Limoges, avec Marie Vigier.....

<«< Et par expres led futur a obligé une sienne vigne contenant cinq journaulx d'homme ou environ, assise au territoyre de Limoges et au claud de las Palissas (2), confrontée entre la vigne de Jehan Berthon, dict de Prelhy, libraire et imprimeur, d'une part.......................... Limoges, le 1er février 1896. (3).

(4) Minutes de l'ancien notaire Deschamps, à Limoges.

L. BOURDERY.

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(2) Le clos des Palisses était à peu près à l'emplacement de la rue CroixMandonnaud actuelle et de la Nouvelle-route-d'Aixe.

(3) Après avoir remis cette note au Secrétariat de la Société, pour être insérée au Bulletin, nous avions communiqué à M. Claudin le texte découvert par nous. On a pu voir, sur ces entrefaites, le parti qu'en a tiré le savant auteur, dans sa Notice sur les origines de l'imprimerie à Limoges (Le Bibliophile Limousin, avril 1896, p. 56). La constatation la plus importante que lui permet notre acte est que l'assertion de l'abbé Legros, qui donnait au prototypographe de Limoges la Touraine pour patrie, se trouve confirmée. En effet, lorsque Jean Berthon est dit de Prelhy, a celte désignation s'applique, suivant la mode du temps, à son lieu de naissance, PREUILLY, gros bourg de Touraine, près Loches ».

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Après les Barbou de Lyon et de Limoges, dont il a été question dans les chapitres précédents, il nous reste à dire un mot de ceux de Paris, pour en terminer avec cette famille d'imprimeurs.

Le nom de Barbou ne paraissait pas pour la première fois parmi ceux des imprimeurs-libraires de la capitale, lorsque Jean-Joseph vint s'y établir en 1704. Dans le chapitre consacré à la Famille, on a pu voir qu'un Nicolas Barbou exerçait à Paris de 1530 à 1542; mais il ne paraît pas qu'il ait fait souche d'imprimeurs (1).

La Maison de Paris n'a eu qu'un siècle de durée (1704-1808) et pendant cette période, elle n'a eu à proprement parler que trois chefs, tous trois nés à Limoges :

Jean-Joseph Barbou (par abréviation Jean) fut seulement libraire de 1704 à 1717; il s'associa ensuite avec son jeune frère Joseph, qui acheta une imprimerie en 1723 et mourut en 1736. Seul en nom de 1736 à 1752, Jean-Joseph n'en était pas moins puissamment secondé par son neveu Joseph-Gérard, reçu libraire en 1746 el imprimeur en 1750.

Joseph-Gérard, successeur de son oncle Jean-Joseph, a exercé de 1752 à 1790. C'est pendant son exercice que la maison atteignit sa plus haute prospérité.

Joseph-Hugues (par abréviation, Hugues) neveu et successeur du précédent, a exercé de 1790 à 1808, d'abord avec ses jeunes

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frères, jusqu'en 1796 et enfin seul de 1797 à 1808. A cette dernière date, il céda son établissement à M. Auguste Delalain.

La similitude des prénoms des Barbou, et de l'initiale de leur premier prénom J, a occasionné de fréquentes erreurs chez les bibliographes, qui ont souvent confondu les frères et les neveux entre eux, ou qui ont fait vivre tel ou tel de ces imprimeurs beaucoup plus longtemps qu'il n'avait vécu en réalité.

Ce qui a fait la réputation des Barbou de Paris, ce n'est pas, comme on le pense, leurs livres classiques, qui ne sortaient pas de l'ordinaire, mais bien leur Collection des auteurs latins du format in-12.

Dans une notice sur l'Origine de l'art typographique et les principaux imprimeurs, M. Gabriel Peignot déclare que les Barbou, les Didot, les Crapelet, etc., immortalisèrent le xvme siècle, par la beauté de leurs éditions, par la netteté et la perfection de leurs caractères (1).

Les Barbou avaient acquis dans le milieu littéraire et artistique de la capitale, une connaissance approfondie du livre; ils savaient quels étaient les désiderata des amateurs. Par leurs premiers essais, on voit qu'ils avaient conçu le projet de former une collection d'auteurs latins soigneusement imprimée, ornée de belles eauxfortes; mais bien des causes les forçaient à l'ajourner. Une pareille entreprise exigeait de grands capitaux; car aux frais de l'impression proprement dite, il fallait ajouter la rémunération des annotateurs, des dessinateurs, des graveurs et des relieurs et, au fur et à mesure que la collection s'augmenterait, il faudrait engager une mise de fonds plus importante. Les Barbou se buttaient aussi à une entrave presque insurmontable : les privilèges possédés par leurs confrères. L'idée de la collection des auteurs latins avait germé aussi dans l'esprit de quelques libraires, soit naturellement, soit à l'instigation de l'abbé Dufresnoy. Le premier qui la mit à exécution, en 1743, fut Coustelier (Antoine-Urbain II) fils d'un très savant libraire du même nom (2) qui avait déjà publié (de 1683 à 1712) Pline et Catulle. D'après G. Peignot (3), Coustelier avait composé plusieurs romans ou brochures frivoles, tout à fait oubliés aujourd'hui; mais

(1) Gabriel PEIGNOT, Manuel bibliographique de l'an IX, p. 89 et 221. (2) Henri STEIN, Antoine-Urbain I Coustelier, imprimeur-libraire à Paris, d'après des fragments de sa correspondance avec Dom Calmet. (Paris, 1892, in-8 de 9 p.)

(3) Gabriel PEIGNOT, op. cit.

il retira plus d'honneur de la publication de quelques volumes de la collection d'auteurs latins. Antérieurement à 1743, il avait publié Quinte-Curce, Pline le jeune, Martial. En même temps que lui, les libraires David, Grangé, Robustel, Le Loup et Mérigot publièrent quelques auteurs.

Le zèle des premiers imprimeurs semblant se ralentir en 1754, Joseph-Gérard Barbou jugea le moment favorable pour continuer l'œuvre commencée. Il acheta donc à ses confrères les ouvrages déjà publiés par eux, et à partir de cette époque jusqu'en 1780, il ne cessa d'ajouter chaque année de nouveaux volumes à la Collection des auteurs latins. Au moment de sa mort, vers 1790, cette collection comprenait 34 ouvrages formant 68 volumes, tous ornés de gravures, têtes de chapitres, vignettes, culs de lampe, dessinés par Cochin, Eisen et les autres principaux artistes de l'époque.

Lorsque Antoine Urbain II Coustelier entreprit la collection des auteurs latins, dans le format in-12, il ne fit que céder aux désirs des bibliophiles, qui, depuis la disparition des Elzévirs, recherchaient leurs éditions «< avec une convoitise ardente (1). » Il s'efforça de suivre les traces de ces « imprimeurs émérites». C'est ce qui ressort de l'avis qu'il plaça en tête de ses premiers volumes (du Catulle, notamment), avis que Barbou s'empressa de reproduire dans son prospectus et sur quelques unes de ses éditions. Mais tout en confiant la direction à un savant éditeur, Etienne-André Philippe, connu aussi sous le nom de Philippe de Prétot, tout en veillant à ce que les livres « soient exempts de toute erreur d'impression », il subit, pour la forme, la mode du jour; le livre se ressentait alors des « fadeurs et des bergeries » du règne de Louis XV (2).

(1) « Les E!zévirs (1592-1712) étaient à peine descendus dans la tombe, et déjà leurs productions étaient, de la part des bibliophiles, l'objet d'une convoitise ardente..... »

La collection élzévirienne résiste toujours victorieusement aux fluctuations du caprice, à la satiété des temps. D'un format commode, d'un caractère aussi purement gravé que purement dessiné, d'un tirage parfait, elle joint la grâce à la correction..... » Gustave BRUNET, Recherches sur diverses éditions elzéviriennes, p. 11 et 12 (Paris, 1866, in -12).

« Les Elzévirs, les Elzévirs! Voilà ce qui fait le fond et le grand prix des anciennes bibliothèques; les Elsévirs! c'est là le mot sacramentel, le véritable mot de passe des amateurs, et c'est aussi celui qui leur est habituellement jeté dans le monde avec l'ironie si plaisamment caractéristique des ignorants par ceux qui veulent faire semblant de rire des jouissances qu'ils ne sont pas en état de partager. » (p. 10.) TENANT DE LA TOUR, Mémoires d un bibliophile (Paris, 1861, in-18).

(*) Henri Bousпor, Le Livre (p. 19) (Paris, Quantin, 1886, in- 8).

<«< On n'imprimait presque plus de livres dans les formats in-folio et in-4°, dit Paul Lacroix : on se rejetait sur les petits formats depuis l'in-8° jusqu'à l'in-24, en rehaussant le peu d'importance des publications nouvelles, dites nouveautés, par des estampes, des vignettes et des culs-de-lampe en taille douce. Là était la mode. avec son engouement passager. Un auteur n'eût pas fait imprimer une héroïde ou une poésie sans y ajouter quelques figures dues au au crayon de Gravelot, d'Eisen, de Moreau, de Marillier ou de Saint-Aubin. Une école de gravure pour les estampes de livres s'était formée parmi les élèves de Lebas, et l'on crut voir renaître les beaux jours de la librairie, lorsqu'on offrit aux amateurs, et surtout aux femmes du monde, une série de collections volumineuses accompagnées de charmantes gravures, telles que le Cabinet des Fées, les Voyages imaginaires, etc..... » (1).

M. Paul Lacroix, aurait pu dire que, lorsque les gravures venaient rehausser un texte aussi élevé que celui des auteurs latins, elles en augmentaient considérablement la valeur.

Joseph-Gérard n'eut qu'à suivre l'exemple des libraires qui l'avaient précédé après avoir choisi les éditeurs les plus experts et les dessinateurs les plus habiles, i! imprima sur les beaux papiers du Vivarais ou de l'Angoumois, avec les meilleurs caractères de Fournier le Jeune. Ses livres étaient convenablement reliés, et on peut dire qu'ils avaient un aspect très chatoyant. Dans ces conditions, ils ne pouvaient manquer d'être accueillis favorablement par les amateurs d'alors.

La meilleure preuve que la Collection des auteurs latins fut bien accueillie en son temps, et qu'elle répondait à un réel besoin, c'est que les Barbou durent rééditer certains auteurs jusqu'à trois ou quatre fois.

Ses contemporains ne lui marchandèrent pas les éloges. Si on parcourt la Bibliographie parisienne de 1770, on y trouvera fréquemment les appréciations les plus flatteuses extraites des journaux de l'époque (Journal des savants, Journal historique de Verdun, Affiches-Annonces, Mercure de France) (2).

(1) Paul Lacroix, xvme siècle, Lettres, Sciences et Arts, p. 271 (Paris, Firmin Didot et C, 1878, in-8).

(2) Bibliographie parisienne ou Catalogue d'ouvrages de science, de littérature et de tout ce qui concerne les beaux-arts... imprimés ou vendus, à Paris, avec les jugements qui en ont été portés dans les écrits périodiques... Par une Société de gens de lettres (Hurtault d'Hermilly, etc.), année 1770.- (Paris, Desnos, 1770, 2 vol, in-8).

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