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sède encore, ne contiennent aucune pièce, aucune indication qui puisse faire présumer le fait (1). Il est permis d'ajouter que pendant les guerres civiles qui avaient désolé cette province, les tombes royales avaient été bouleversées par les protestants, et qu'il y avait peut-être quelques raisons judicieuses, même pour un fils pieux, de laisser reposer en paix les cendres de la reine à Vendôme.

En résumé, le point certain, indéniable, c'est que Jeanne d'Albret fut transportée et inhumée à Vendôme, dans l'église collégiale de Saint-Georges, à côté de son mari et de son premier né, le duc de Beaumont, qui était décédé un peu moins de deux ans après sa naissance, au château de La Flèche, le 20 août 1553 (2). Quant à la seconde inhumation à Lescar, elle reste à l'état de conjecture.

Mais aucun doute ne saurait subsister en ce qui concerne la prétendue tradition limousine.

Les restes informes du vieux château d'Aixe qui montrent encore quelques ruines croulantes et rongées de lierres, au dessus des eaux limpides de la belle rivière de Vienne, ont assisté sans doute à bien des événements de notre histoire locale; mais leurs échos ne sauraient redire le nom de la célèbre reine qui a été pour eux une étrangère dans sa vie comme dans sa mort.

Camille JOUHANNEAUD.

(1) Ces renseignements nous ont été fournis par M. Raymond, ancien archiviste de Pau, puis secrétaire général de préfecture des Basses-Pyrénées, qui consulté par nous sur la question, nous a déclaré que son opinion était que le corps de la reine était resté à Vendôme.

(2) M. le narquis de Rochambeau a donné le texte de l'épitaphe de la reine qui se trouvait dans le caveau du chœur de l'église, à la suite de l'épitaphe de son mari. (Galerie des hommes illustres du Vendômois Vendôme, typ. Lemercier, 1879).

DU TITRE DE BOURGEOIS ET DU TITRE DE SIEUR

Suivi d'un nom de Fief ou de Domaine

ARTICLE PREMIER

Du titre de Bourgeois

Dans les trois derniers siècles, il y avait dans la société française quatre classes distinctes: 1° la noblesse, à laquelle on peut rattacher le clergé ; 2° la bourgeoisie; 3° la classe marchande ou artisane aisée; 4 le peuple proprement dit, c'est-à-dire la classe ouvrière et les paysans.

Le degré le plus bas de la noblesse était le titre d'écuyer; au dessus, on comptait les chevaliers, les barons, les vicomtes, les comtes, les marquis, les ducs, les princes.

Les bourgeois pouvaient parvenir à la noblesse, au titre d'écuyer, par exemple, par certaines fonctions administratives, telles que celles de trésorier général, qui conféraient la noblesse à la troisième génération; c'est ce qu'on appelait vulgairement savonnette à vilain. Les bourgeois pouvaient être anoblis par le souverain pour faits d'armes ou services rendus à l'Etat.

En quoi consistait le titre de bourgeois et comment les vilains ou gens du peuple pouvaient-ils arriver au titre de bourgeois ? Quelle est l'origine de la bourgeoisie ?

Au moyen âge, et dans certains documents de cette époque, ce mot bourgeois indiquait les habitants d'une bourgade ou d'une cité, sans distinction de classe; mais, depuis la fin du xve siècle, ce mot a reçu une signification particulière et désigne une certaine classe de la société.

L'origine de la bourgeoisie, comme classe sociale, nous paraît remonter à la seconde moitié du xve siècle. C'est Louis XI qui en

T. XLV.

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serait le patron. C'est lui qui, en cherchant un point d'appui contre la noblesse rebelle, trouva ce point d'appui dans le Tiers-Etat, composé de marchands et de riches roturiers. C'est lui qui, en donnant aux roturiers le privilège d'acquérir à prix d'argent des fiefs nobles, comme il le fit dans son voyage à Limoges et dans son pèlerinage à Saint-Junien, créa une nouvelle classe sociale inférieure à la noblesse, mais se rapprochant de la noblesse et s'élevant au dessus du peuple proprement dit.

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Dans les actes authentiques et officiels de la province du Limousin, à partir de la fin du xve siècle, et pendant les trois siècles suivants jusqu'à la Révolution, dans les actes de baptême, de décès, de mariage, dans les listes des consuls de Limoges, de Saint-Junien, de Bellac, de Saint-Léonard, nous trouvons ce titre de bourgeois ajouté au nom de famille. Donnons des exemples: Jacques Benoît, bourgeois. (Acte de 1511, dans les Registres consulaires de Limoges, t. I, p. 55.)

A partir de la fin du xvre siècle, ce titre de bourgeois revient plus fréquemment dans les actes administratifs et officiels; il semble que, à partir de cette époque, on attache plus d'importance à ce titre. Exemples:

Consuls de Limoges: 1597: Jehan Colin, bourgeois. (Reg. cons., t. III, p. 39.)

1603 Jehan Boyol, bourgeois; (Ibid., p. 73.)

Pierre Du Bois, bourgeois.

1604-1605 Grégoire Decordes, bourgeois de la dite ville; Jehan Vidault, aussi bourgeois; Pierre Dubois, bourgeois. (Ibid., p. 79.) 1607-1608 Sire Jacques Benoit, bourgeois; sire Martial Dubois dit Mouriquet, bourgeois. (Ibid., p. 117.)

1648-49 Sieur Jehan de la Fosse, bourgeois; sieur Jehan David, aussy bourgeois; sieur Pierre Sarrasin, aussy bourgeois. (Ibid., p. 354).

Consuls de Saint-Junien: 1677, Martial Lamy, bourgeois; 1688, Jean Roussillon, bourgeois; 1683, Pierre Maisondieu, bourgeois ; 1736, Martial Simon, bourgeois. (Documents historiques sur la ville de Saint-Junien, 1847, p, 249 et suiv.)

Bellac 1694, 2 août, inhumé proche le banc de la Fabrique; Jean Arbellot, bourgeois, âgé de 61 ans. (Mairie de Bellac.)

Saint-Léonard 31 juillet 1792, mariage de François Arbellot,

fils de sieur Simon Arbellot et de dile Jeanne Mallebay, bourgeois, demeurant en la ville de Bellac. (Mairie de Saint-Léonard.)

Quelle était la signification et la valeur de ce titre de bourgeois ? Ce titre était distinctif et honorique: il indiquait qu'on appartenait à une classe sociale au-dessus des artisans et du peuple, mais au-dessous de la noblesse. La bourgeoisie formait une classe à part. Quelle était l'origine de cette distinction? Dans le principe on était bourgeois, quand sans être noble on possédait un franc-fief, un domaine noble, qui permettait de vivre noblement, c'est-à-dire de vivre du produit de son domaine ou du fruit de ses rentes, sans s'adonner au commerce, sans se livrer à un travail manuel.

Ce n'était pas par un séjour plus ou moins prolongé dans un bourg ou dans une ville qu'on acquérait ce titre de bourgeois un manant, un ouvrier pouvait séjourner vingt ans, trente ans, dans un bourg ou une ville sans acquérir ce titre.

On devenait bourgeois, soit par l'acquisition d'un fief noble ou d'un domaine roturier, soit par l'exercice d'une profession libérale par exemple, d'avocat, de médecin, de chirurgien. L'élection aux fonctions de consuls, dans certaines villes, conférait le droit de bourgeoisie.

On était bourgeois, quand on portait le titre de sieur de tel ou tel domaine, titre dont nous parlerons dans l'article suivant.

On était bourgeois, quand, sans posséder de domaine noble ou roturier, on appartenait à une famille bourgeoise.

Nous avons vu, dans le premier tiers de notre siècle, les bourgeois faire une caste à part ils avaient entre eux des rapports de société, en évitant de se mêler au peuple.

Ce titre de bourgeois était-il conféré officiellement par l'autorité supérieure ?

Nous ne connaissons pas de réglement administratif sur ce sujet. Ce titre était plutôt conféré par l'usage et la coutume. La classe bourgeoise admettait dans ses rangs tous ceux qui, par leur fortune honnêtement acquise, pouvaient vivre noblement, c'est-à-dire de leurs revenus, tous ceux qui, par leur profession ou leur

éducation libérale, s'étaient élevés au dessus de la condition arti

sane.

§ 2.

Bourgeois et marchand

On ne pouvait pas être tout à la fois gentilhomme et marchand, à moins d'être gentilhomme verrier ou maître de forges; mais on

pouvait être tout à la fois bourgeois et marchand. Dès la fin du xv° siècle et pendant les trois siècles suivants, on trouve très fréquemment ces deux locutions accolées l'une à l'autre dans les actes officiels tels que actes de baptême, de mariage et de sépulture, dans les listes des consuls de Limoges, de Saint-Junien, de Bellac et de Saint-Léonard. On était tout à la fois bourgeois et marchand lorsque, par exemple, on possédait à la campagne un domaine noble, un franc-fief qu'on avait acquis à prix d'argent, et que, en même temps, on se livrait au commerce, en ville. On était bourgeois et marchand, quand on avait une grande maison de commerce, occupant un certain nombre d'ouvriers. Nous voyons encore aujourd'hui cette distinction on appartient à la société bourgeoise, quoiqu'on se livre au commerce, quand on fait le négoce en grand; de là cette locution: le bourgeois, dont se servent les ouvriers, quand ils parlent de leur patron.

On trouve ces termes bourgeois et marchand dans des titres manuscrits de la famille Petiot, analysés par M. Bourdery dans une séance de la Société archéologique (1) ces titres datent de l'an 1500. On les trouve également dans un inventaire de la sacristie de Saint-Pierre, analysé par le même, et daté de 1555. 1543 Martial de Cordes l'aisné, et Jehan Gergot, bourgeois et marchands de Limoges (Registres consulaires, t. I, p. 353).

Si nous consultons la liste des consuls de Limoges, publiée dans les Registres consulaires, nous trouvons :

1593 François Alier, bourgeoys et marchand.

Jehan Moulinier, id.

Bartholome Chartaignac, id.
Jehan Lafosse, id.

Jacques Martin, id.

Pierre Boudet, dit Bauge, id.

Pierre de Plenasmeijoulx, id. (t. III, p. 20, 21). 1597 François Vidaud, bourgeoys et marchand.

Joseph Croisier, id. (ibid. p. 39).

1601 Sire François Nantiat, sire François Sellière, sire Guillaume Roulhac, sire Gérald de Proges, sire Pierre Martin, sire Jehan Navières, bourgeois et marchands (ibid., p. 57).

1611 Sire Joseph Decordes, sire Pierre Du Boys, de la Ferrerie, bourgeois et marchands (ibid., p. 60).

1615 Sire Pierre Veyrier, sire Jehan Maledent, bourgeois et marchands (ibid., p. 190).

(1) Bulletiu de lo Société archéologique, t. XLV, p. 269.

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