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AVIS

à MM. les Membres de la Société

La Société archéologique et historique du Listiusin rappelle à tous ses Membres qu'elle reçoit avec reconnaissance et examine avec le plus grand soin et le plus grand intérêt toute communication relative à l'histoire de la province, aux mœurs, aux monuments, aux traces de toute nature qu'ont laissées les divers âges sur le sol de notre Limousin. Elle recommande à l'attention de ses Membres non seulement les vieux registres des paroisses, les minutes des études de notaires, les archives des mairies, des bureaux d'enregistrement, des confréries religieuses, des châteaux, les chartriers, les collections particulières, mais tous les anciens papiers, livres de comptes, procédures, inventaires, actes de notaires, etc. Il s'y trouve souvent des indications dignes d'intérêt.

La Société prie tout spécialement ses Membres de rechercher et de lui communiquer les procès-verbaux ou mentions d'assemblées de communautės paroissiales antérieures au XVIe siècle et tout document se rapportant au commerce et à l'industrie du pays avant 1790.

Les réunions de la Société ont lieu invariablement le dernier mardi de chaque mois. L'ordre du jour de la réunion est publié dans les journaux de Limoges, mais il n'est pas envoyé de lettres de convocation.

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Nous ne saurions trop engager ceux de nos confrères qui changeraient de domicile ou dont l'adresse n'est pas exactement indiquée à la Liste des Membres de la Société, à faire connaître leur adresse actuelle soit au Secrétaire général (M. Louis Guibert, rue Sainte-Catherine, 8), soit au Trésorier (M. Louis Bourdery, rue Pétiniaud-Beaupeyrat, 32), de façon à éviter toute erreur dans la présentation des reçus de cotisation et tout retard dans l'envoi du Bulletin.

MM. les Membres de la Société sont instamment invités à adresser ou à faire verser au Trésorier chaque année, avant le 20 montant de la cotisation de l'année en cours (15 fr. pour les Membres résidants et 10 fr. pour les correspondants). Passé ce délai, le Trésorier fera encaisser par la poste les cotisations non payées, en ajoutant au montant de la cotisation 50 centimes pour frais.

A moins qu'ils n'en témoignent le désir, il ne sera pas envoyé de quittance aux Sociétaires qui auront adressé leur cotisation par mandat ou lettre chargée au Trésorier, le reçu de la poste pouvant en tenir lieu.

Ceux des Membres de la Société qui n'ont pas encore retiré leur diplôme voudront bien le réclamer à M. L. Bourdery, Trésorier, rue Pétiniaud-Beaupeyrat, 32, en lui envoyant, s'ils ne l'ont déjà fait, le montant du droit d'entrée fixé à 10 fr. Ce droit n'est exigible que des Sociétaires résidant dans le département. Membres titulaires.

Les démissions doivent être adressées au Président par écrit et avant le 1er janvier.

MADAME DE MIRABEAU

Madame de Mirabeau appartenait au Limousin par ses ancêtres, par sa naissance, par ses biens; de la famille des Pierrebuffière, de celle des De Ferrière-Sauveboeuf et des De Vassan elle avait sa page indiquée dans les annales de cette province. Moins illustre que les Rochechouart-Mortemart, les aïeux de Madame de Mirabeau eurent cependant leur temps de célébrité, et sa famille joua un rôle que savent tous ceux qui connaissent un peu l'histoire de notre Limousin.

Il y a quelques années, M. Louis de Loménie, de l'Académie française, sous la signature par trop humble: Un homme de rien, fit paraître dans le Correspondant une série d'articles très remarqués sur les Mirabeau. Ils ont été réunis en volume et ont formé le commencement de l'histoire de cette famille, que vient de terminer M. Charles de Loménie (1).

Dans ces articles où l'homme de rien révèle un homme de grand esprit et ce n'est pas rien, — l'académicien nous parle des Mirabeau avec un charme de style qui rend intéressants ceux de ses personnages qui le furent le moins; et quand arrive le tour du physiocrate, du marquis économiste, de l'ami de Turgot et du docteur Quesnay, il est obligé de nous dire un mot de sa femme Marie-Geneviève de Vassan, qui le rendit célèbre d'une certaine façon en partageant ses torts, mais en lui laissant la plus grosse part; car, disons-le tout d'abord, si Madame de Mirabeau ne fut pas le modèle des épouses, le marquis fut loin d'être le plus excellent des maris, comme le plus dévoué des pères.

Marie-Geneviève, seconde fille de Charles, marquis de Vassan, par sa femme comte de Saint-Mathieu, baron de Pierrebuffière

(1) Les Mirabeau. (Paris, Dentu, 8 vol. in-8", 1879-92).

T. XLV.

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première baronnie du Limousin, seigneur de Brie, Chéronnac et autres lieux, et d'Anne-Thérèse de Ferrière, marquise de Sauveboeuf, naquit le 3 décembre 1725 au château de Pierrebuffière (1).

Le marquis abandonna exclusivement à sa femme l'éducation de leurs enfants, et tout en restant dans de très bons rapports avec sa famille, il vivait séparé d'elle lui à Paris, où l'existence était plus gaie, les plaisirs plus faciles; elle en province, dans ses châteaux du Limousin. Ce n'est que de loin et pour un temps relativement court (2) qu'il venait la rejoindre.

C'était une manière tout à fait Régence de comprendre la famille ; mais telles étaient les idées reçues dans la noblesse d'alors qu'il n'y avait que les gens de petit esprit et de mince fortune qui restassent à la campagne. Tous ceux qui se croyaient un peu de talent, quelque noblesse, de la fortune, s'en allaient à Paris, à Versailles, préférant, les plus favorisés, l'étroite mansarde du palais du roi aux vastes châteaux bien aérés de leurs terres.

L'éducation de Mademoiselle de Vassan ne fut pas, comme littérature, conforme à sa haute naissance. Les lettres que nous avons lues d'elle et dont nous publierons quelques extraits ne ressemblent en rien à celles de certaines de ses contemporaines, dont quelques-unes furent ses rivales (3). Rien d'ingénieux dans son style, aucun de ces tours gracieux, délicats, qui font le charme du style féminin. Ce sont, il est vrai, des lettres d'affaires, mais là, néanmoins, peut-être autant qu'ailleurs, elle eut pu se montrer femme d'esprit. Elle ne savait pas écrire sa langue. Sa phrase embrouillée laisse difficilement deviner sa pensée ses répétitions fréquentes fatiguent bien vite. Ne parlons pas de l'orthographe: Mademoiselle de Vassan eut ceci de commun, et peut-être n'eutelle que cela, avec beaucoup de femmes distinguées de son temps, elle ne la connut jamais. Après sa séparation d'avec son mari, elle faisait écrire ses lettres par ses secrétaires, se contentant de les signer et d'y ajouter un post-scriptum de deux lignes où se traduisaient, la plupart du temps, ses dispositions du moment.

Comme morale, Mademoiselle de Vassan fut élevée dans les idées du temps, dans l'admiration de la philosophie que préconisait alors Voltaire, et des maximes de Jean-Jacques Rousseau, si fort

(1) Nous n'avons pas trouvé son acte de baptême et nous donnons cette indication sur la foi de la tradition.

(2) En l'année 1724 il resta en Limousin seulement un mois et son séjour fut trouvé long.

(3) Madame du Pally, Madame de Rochefort et Madame d'Epinay. Cette dernière n'eut que quelques rapports avec le marquis de Mirabeau.

goûtées parmi la noblesse de cour. Sa religion n'était qu'un déisme; et comme la mode n'était pas encore à l'impiété, elle eut tout juste assez de croyances pour garder les convenances. Son fils qui, plus tard, redoutait pour sa vieillesse la trop grande dévotion, n'avait rien à craindre; dans l'éducation première, ce point fut tout à fait secondaire.

Elevée exclusivement à la campagne, Mademoiselle de Vassan garda toujours quelque chose des mœurs libres des champs et en particulier de l'accent limousin. Le marquis de Mirabeau son mari riait plus tard de la gaucherie et du langage de sa femme, que tout cela uchevait de rendre ridicule. Le grand bailli (1) disait: Elle ne m'appelait que son fraire.

Le régime seigneurial, dit Boncerf (2), fut un état contentieux par excellence. Le plus petit privilège, le moindre intérêt causèrent des procès incessants, longs, parfois même ruineux, tout au moins opposés à la paix des familles, à la concorde entre les vassaux et leurs seigneurs.

Les De Vassan avaient, sous ce rapport, une triste célébrité : un mémoire que nous avons sous les yeux affirme que, dans une période de dix ans, ils intentèrent plus de cinquante affaires dont ils perdirent plus de quarante, malgré l'immense crédit dont ils jouissaient devant toutes les juridictions (3). Le marquis s'en faisait gloire, semble-t-il; au moment du mariage de sa fille, il raconta à son futur gendre ses démêlés avec sa belle-mère et son beaufrère, ses transactions diverses avec d'autres personnes; peut-être pour montrer son habileté dans la procédure et enlever à M. de Mirabeau l'envie de l'attaquer un jour; en tout cas, ces tendances processives ne durent pas rassurer celui-ci outre mesure.

La famille de Vassan ne jouissait pas en Limousin, par ces raisons et bien d'autres encore, d'une grande considération. Ses serviteurs la redoutaient plus qu'ils ne l'aimaient. Les maximes qu'elle professait à l'égard de ses gens, tout en étant la pure doctrine de Voltaire à l'endroit des faibles et des petits, n'étaient pas faites pour lui gagner l'affection.

Nous avons parlé tout à l'heure du procès que M. de Vassan soutint contre son beau-frère, M. de Ferrière de Sauveboeuf. Il eut pour cause première des substitutions et pour cause seconde quel

(1) Frère cadet du marquis de Mirabeau. (2) Cité par M. de Loménie, t. II, p. 35.

(3) Mémoire rédigé par Guérin contre la dame de Vassan au sujet des redevances du moulin Grand, commune de Saint-Paul-d'Eyjeaux.

ques redevances, honneurs et prérogatives (1) dans les terres, forêts et tènements de Combrai (2), Aigueperses (3) et Brie (4). Mais ce procès eut une issue que n'ont pas ordinairement les affaires de ce genre; au lieu de diviser la famille il l'unit plus étroitement: il fut convenu en effet, d'un commun accord, que pour terminer le litige on réunirait les intérêts dans la même main en mariant le fils de M. de Ferrière de Sauvebœuf avec la fille aînée de M. de Vassan son beau-frère.

Ce projet d'union, qui ramenait la paix en faisant taire les compétitions, fut un instant contrarié : la fiancée mourut; mais comme c'était une affaire et non pas une union qu'on faisait, on le reprit avec la sœur cadette, et Marie-Geneviève, âgée seulement de douze ans, épousa en 1737 son cousin germain.

Les hommes proposent, dit le proverbe, et Dieu dispose. Or quelquefois ses dispositions sont contraires à celles des hommes. Dans le cas présent les deux familles avaient réglé cette seconde union; lui, avait décidé qu'elle ne durerait pas. La mort qui avait une autre fois déjoué leur projet, trompa encore leurs calculs en frappant M. de Ferrière, l'époux (5), et rendit ainsi la liberté à Marie-Geneviève.

Devenue veuve, Mademoiselle de Vassan resta encore sous la direction de sa mère, dans ses châteaux du Limousin. Son père séjourna comme par le passé à Paris, jusqu'au jour où il fut question pour elle d'une seconde union avec le marquis Victor Riquetti de Mirabeau.

D'une très ancienne famille de la Provence, le marquis était à la recherche d'une riche héritière pour redorer son blason, sa fortune ayant été sérieusement entamée dans des entreprises quelque peu chimériques, dans des acquisitions et des transformations ruineuses. Voulant toujours faire grand, il avait fait petit son héritage. Cette situation, beaucoup plus que le désir de fonder une famille, l'avait fait penser au mariage, et quand il dit qu'en se

(1) Papiers de l'auteur.

(2) Commune de Saint-Bonnet-la-Rivière, arrondissement de Limoges. (3) Ibid.

(4) Commune de Champagnac, arrondissement de Rochechouart.

(5) Il mourut en 1738, le 8 mai, c'est-à-dire un an après son mariage, Quelques biographes considèrent ce mariage comme de simples. fiançailles, à cause sans doute du jeune âge de la contractante; il fut cependant un véritable mariage, ratifié suivant toutes les règles de l'église catholique et non pas seulement une promesse d'union. C'est pourquoi ceux qui affirment que Madem oiselle de Vassan était veuve quand elle épousa le marquis de Mirabeau ont, d'après nous, raison.

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