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DE SOLIGNAC

(Suite et fin.)

CHAPITRE XXV

Quelques autres personnages considérables du monastère
de Solemnac.

Outre les abbés ci-dessus rapportés, il se trouve quelques autres personnages qui ont illustré ce monastère :

SANCTUS TILLO. Quoique sa vie ait été rapportée ci-dessus, je ne laisserai pas d'ajouter qu'il faudroit un livre pour mettre ce que nous en avons, et sa vie, et les miracles dont Dieu l'honore encore à présent, tant en ce monastère qu'ailleurs, où il est demeuré, comme en un prieuré proche Pompadour, et en une chapelle proche de Nedde, où on croit qu'il demeura quelque temps.

Entre lesquels il y en est un arrivé depuis quelques années en la personne d'un enfant du sieur de Beaune, lequel ne pouvoit se soutenir, et d'ailleurs travaillé d'une grosse fièvre. Et en un temps fort rude fut mis en la fontaine du saint, de laquelle il sortit entièrement guéri, au grand étonnement de sa mère, qui a publié ce miracle partout et s'est offerte de contribuer à la réparation de la chapelle (1).

On dit encore qu'à demi-lieue ou environ du même Nedde, proche de la ville d'Eymoutiers, il y a une chapelle qu'on appelle NotreDame de Chadieras (2), et on croit qu'il y a eu autrefois des religieux dépendant de ce monastère de Solemnac. Et dans icelle chapelle il y a un tombeau sur lequel on fait coucher ceux qui ont la fièvre quarte. La plupart desquels sont guéris. Et on tient que c'est un religieux de ce monastère qui est enterré.

Dieu favorise aussi en d'autres endroits ceux qui, avec confiance, ont recours à ce grand saint.

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AMBLARDUS, prior solemniacensis, Abbas Sancti Martialis. Il vivoit l'an 1135. De prieur de Solemnac, il fut élu abbé de Saint

(1) Ce fait est rapporté, avec plus de détails, vers la fin de ce chapitre. (2) Chadièras, qui était prieuré en 1318, auquel nommait l'abbé de Solignac, n'est plus désigné à la fin du siècle dernier que comme chapelle rurale dans la paroisse de Nedde. Sa fête était l'Assomption de la SainteVierge.

Martial de Limoges, du consentement de tous les religieux, car l'abbé étant décédé, les religieux procédèrent à une nouvelle élection et fut élu un certain Bernard, qui s'en retourna bientôt après à Cluny, et Ponce, abbé de Cluny, vouloit faire élire un autre abbé à sa volonté au lieu de Bernard; iceux n'en voulurent rien faire. Il eut recours à Rome pour faire interdire l'église de Saint-Martial, mais n'ayant pu obtenir ce qu'il prétendoit du Souverain Pontife, et s'étant retiré dans une tour avec son train, pour voir comment il pourroit se venger des religieux de Saint-Martial, le plancher vint à tomber, dont un religieux eut un bras rompu, un autre une jambe, et son chapelain fut tué; les autres se sauvèrent avec peine et voyant que c'étoit une punition de Dieu, ils retournèrent à Limoges, et ecclesiam apostoli benignius tractaverunt; electus nempe est a monachis Sancti Martialis Amblardus prior Solemniacensis.

Il est fort loué dans un catalogue des abbés de Saint-Martial. Il est appelé Magnæ religionis et virtutis vir; il renouvela presque toute l'abbaye, laquelle avoit été brûlée. Il commanda aux consuls de faire faire les murailles et les fossés de la ville de Limoges, et encore il y a une tour qu'on appelle la tour d'Amblard, peut-être de son nom.

BERNARDUS, Cellerarius Solemniacensis, Abbas Sancti Martini. — Il vivoit l'an 1202. De Célerier de ce monastère, il fut élu abbé de Saint-Martin de Limoges, autrefois de notre ordre, mais à présent possédé par les Révérends pères Feuillants. Il le gouverna fort bien en sa charge, paya les dettes du monastère, et tempore suo multa bona venerunt, est-il dit dans ce catalogue des abbés d'icelui, lequel il gouverna durant douze ans et mourut l'an 1214. Il défendit d'allumer plus d'un cierge à son enterrement. Il semble qu'il avoit l'esprit de prophétie; car il prédit souvent, durant sa vie, à un certain Hugues, abbé de Beaulieu, duquel il étoit grand ami, qu'il viendroit mourir à Limoges et seroit enterré proche de lui; ce qui arriva, car Hugues étant venu à Limoges pour résigner son abbaye, il fut surpris de maladie et s'étant fait porter à Saint-Martin, il y mourut et fut enterré dans le chapitre proche de l'abbé Bernard. Il fit faire un bras d'argent pour enchâsser une relique de saint Martin.

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HELIAS DE CEYRAC. Il fut moine de Solemnac, et post electus abbas Sancti Sori de Terrasso. Je crois que cette abbaye est dans le Bas-Limousin et qu'elle subsiste encore (1).

(1) Terrasson, aujourd'hui chef-lieu de canton du département de la Dordogne, est sur la Vezère qui sépare le Bas-Limousin du Périgord. On n'y trouve plus que les ruines de l'abbaye bénédictine de Saint-Sour.

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GILBERTUS. Il fut aussi moine de Solemnac et puis élu abbé de Saint-Martin de Limoges.

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PETRUS, magnus Cellerarius. C'est l'unique sur le tombeau duquel se lit une épitaphe qui est dans le cloître proche du chapitre, inter capitulum et portam Beatæ Mariæ, car cette porte par laquelle on passe pour aller à l'église, étoit la porte de l'église de Notre-Dame de ce côté, et le devant s'appelait parvus porticus, à laquelle porte fait allusion l'épitaphe. Depuis on a fermé ce passage:

Petra tegit Pelrum;
Infernum fugere,
Vos qui transitis
Quod vos sentitis,

Pro me quæso piam
Ne mihi claudatur

Christus petra det tibi tetrum
Colisque locum det habere.
me cernere quæso velitis.

hoc sensimus; ivimus, itis.

nunc exorate Mariam
quæ cœli porta vocatur (1).

Son anniversaire et de plusieurs autres se trouve dans le livre des anniversaires.

J'ai trouvé dans le même livre que longtemps après : Capellanus Sancti Michaelis fuit sepultus in sepulchro Petri magni Cellerarii.

Le sépulcre qui est du même côté du cloître et est élevé, est d'un simple religieux nommé Girbert, qui fuit sepultus in parvo porticu, in medio, super caput cujus in pariete dormitorii, est formatus crucifixus de petra cum Beata Maria et sancto Joanne, dont il paroit encore quelques restes.

Quant aux trois autres qui sont proche de l'église, je n'ai pu trouver leur nom, plusieurs feuilles du livre des Anniversaires étant rompues, où ils pouvaient être. Il paroît seulement que c'étaient trois abbés et fort anciens. Et prenant garde de plus près au dit livre, y ai trouvé un abrégé de tous les anniversaires qui y étaient contenus, quand il étoit en son entier, entre lesquels se voit celui du roy Dagobert, fondateur du monastère, et de trois abbés, savoir:

Archambaudi, abbatis Solemniacensis ;

Hugonis de Malo Monte, abbatis;

Et Domini Girberti, monachi Solemniacensis et abbatis.

Si ce sont ces trois dont on voit les tombeaux, on ne sauroit l'assurer, puisque les feuilles qui nous eussent pu en donner connaissance sont perdues et ôtées du susdit livre, qui pour l'ordinaire explique l'endroit ou ceux desquels il parle ont été enterrés : ou

(1) Les auteurs du Gallia Christiana pensent que c'est l'épitaphe de Pierre I, abbé de Solignac, mort vers 1262.

dans l'église qu'il appelle monasterium, ou dans celle de NotreDame, ou dans le cloitre.

Je ne saurois passer sous silence une chose qui m'a été assurée par des personnes dignes de foi et que nous voyons en pratique, à savoir qu'il n'y a aucune hôtellerie dans la ville, aucun n'étant assez osé que d'en tenir, étant certain qu'il lui arriveroit quelque punition. En effet, nous avons vu qu'un habitant de la ville, voulant tenir hôtellerie, loua sa maison qu'il y avoit et s'en alla demeurer dans un faubourg. Le bon Dieu ne voulant pas, ce semble, que ce lieu qui a été sanctifié par la demeure de tant de saints, ses serviteurs (car il est certain qu'autrefois l'abbaye contenoit au moins tout le circuit de la ville), soit profané par des ivrognes, jureurs et autres débauches qui se passent ordinairement dans les hôtelleries.

Je finirai ceci par un miracle, lequel m'a été rapporté par deux de nos confrères, arrivé par l'intercession de saint Théau, religieux de ce monastère. Iceux donc ayant été envoyés l'année passée à Anedde pour y prêcher le jour de saint Martin, patron de la paroisse, furent assurés par le sieur de Beaulne, gentilhomme, et sa femme (1) qu'ils avaient un petit enfant, lequel ne se pouvoit soutenir en aucune façon, et icelui ayant été apporté en une chapelle qui est tout proche, dédiée à saint Théau et presque ruinée, et trempé dans une fontaine, de laquelle, ainsi que la tradition porte, le saint, demeurant en ce lieu, a souvent bu, il fut entièrement guéri et élevé même sans que, depuis, il ait été attaqué d'aucune incommodité, au grand contentement de ses père et mère, lesquels publient, en toute occasion, ce miracle, et ont eu la volonté de faire remettre la dite chapelle, pour augmenter la dévotion envers le saint qui y est grande à l'occasion de semblables miracles, et en reconnaissance de la faveur qu'ils confessent avoir reçu par les mérites du même saint. Ils ont déclaré la même chose au R. P. Prieur qui y est allé au mois d'avril de la présente année 1665.

Chose remarquable touchant le monastère de Solemnac, tirée de la fondation de celui de Beaulieu faite par Rodulphe, archevêque de Bourges :

Hilari mente promptaque voluntate, Deo salvatori omnium devote

(1) Apparemment Pierre Romanet, sieur de Beaune, et Marie Thevezaud, son épouse, dont plusieurs enfants naquirent vers cette époque, comme le constatent les registres paroissiaux de Saint-Pierre-Château, et le Nobiliaire du Limousin, tome IV, p. 110. Le château de Beaune, autrefois de la paroisse de Saint-Pierre-Château, est aujourd'hui dans la commune d'Eymoutiers, sur la route de Nedde,

offero, et in vice Christi, Bernulfo abbati Sollemniacensis monasterii, Cuniberto abbati ejusdem loci, nec non Godoni monacho, Frannario, Bernardo, Gainulfo, Storgiso, Rigaldo, Choinulpho, Abraham trado; ita duntaxat ut prædictus Cunibertus abba et præfati monachi in eodem loco coenobium monachorum sub regula S. Benedicti degentium, in honore beatissimi apostolorum principis Petri construant et ibi sub vera religione viventes, pro regis nostri, parentum que nostrorum erratibus, quin etiam pro catholica cunctoque universalis Ecclesiæ statu, sedulis precibus divinam clementiam implorare decertent.

Rodulphus, archiepiscopus Bituricensis subscripsi, Data donatione mensi novembri anno vi, regnante Corolo rege christianissimo, xv indictione (1).

Par où on voit que les premiers religieux qui peuplèrent le monastère de Beaulieu furent tirés de ceux de Solemnac, lesquels sans doute étaient d'une grande observance et discipline monastique.

CHAPITRE XXVI

Catalogue des Prieurs de ce Monastère depuis l'union d'icelui à la Congrégation de Saint-Maur.

Après avoir rapporté les abbés que j'ai pu trouver qui ont eu le gouvernement de ce monastère, j'ai pensé qu'il seroit à propos de mettre ensuite les noms de ceux qui l'ont gouverné en qualité de prieur, depuis son union à la congrégation.

Ce que je ferai brièvement, rapportant les réparations qu'ils ont faites durant leur temps, et laissant plusieurs choses que je pourrois dire à leur louange, s'ils n'étaient encore vivant: Lauda ducis fælicitatem, sed cum pervenerit ad triumphum.

L'an 1619, la réforme fut introduite.

LE R. P. DOM RORICE LIMOUGAUD fut le premier prieur. C'étoit un grand religieux; il fut le prieur trois ans et mourut ici l'an 1622, au mois de septembre, regretté de ses confrères et des séculiers. De son temps on commença à travailler à faire le jardin, de l'argent que

(1) On peut voir ce testament de Rodulfe, archevêque de Bourges, dans le Cartulaire de Beaulieu, publié par M. Maximin Deloche en 1859, page 3, où l'on remarquera plusieurs variantes dans le texte.

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