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ne pas m'égarer, surtout si l'on songe à la bonne et nombreuse compagnie qui me précède. L'intervalle de près d'un siècle qui sépare les consulats de 428 et de 511 est tellement considérable qu'on peut, sans trop de témérité, dire avec les auteurs du Trésor de numismatique qu'il n'est pas probable que le diptyque de Saint-Junien soit du même temps que celui de Dijon ou d'Areobindus, qui date de l'an 506. Le dernier de ces diptyques est très-richement orné; le consul est désigné par tous ses noms, qui sont nombreux, comme il était d'usage à cette époque : au contraire, le diptyque de Saint-Junien est d'une grande sobriété, le dessin en est sévère. Ce sont là des indices d'antiquité relative qui ne trompent guère. Il y en a d'autres encore, par exemple le petit nombre des noms du consul, et surtout l'omission de son gentilicium, que nous ferons connaître plus loin. En effet, non-seulement la décoration des diptyques fut plus simple à l'origine que dans les bas temps, mais, dans le principe, les inscriptions furent généralement très-brèves. Les longues énumérations de noms, devenus avec le temps de plus en plus nombreux, étaient inutiles au moment où le consul envoyait les diptyques aux sénateurs aussi d'abord se contentait-on d'y inscrire les noms sous lesquels il était désigné d'ordinaire, comme sur le diptyque d'Aoste, dont nous aurons à parler; mais, comme il arrive habituellement, on se relâcha bientôt de cette simplicité, et, en 513, on inscrivait quatre ou peut-être cinq noms sur le diptyque de Fl. Taurus Clementinus Armonius Clementinus (1),

:

(1) Voyez GORI, T. I, p. 229, pl. IX et X, et PULSZKY, ouvrage cité, p. 12.

et nous en lisons six et même sept sur deux autres des années 517 et 518 (1). »

A ces considérations de l'ordre archéologique M. Chabouillet ajoute des arguments de l'ordre historique. Ainsi il a découvert une inscription où le Flavius Félix de l'an 428 est revêtu des dignités qu'on trouve énumérées dans le diptyque de Saint-Junien.

Voici un extrait de cette inscription, que rapporte Onuphre Panvinio dans un livre publié en 1570, et qui se trouvait à Rome dans l'abside de la basilique de SaintJean de Latran :

FLAVIUS CONSTANTIUS FELIX V. C. MAGISTER
UTRIUSQUE MILITIAE PATRICIUS ET CON. ORD.
ET PADUSIA EJUS INL. FOEMINA VOTI COMPOTES

DE PROPRIO FECERUNT,

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« A l'exception du titre de comte, omis dans les transcriptions de l'inscription de Saint-Jean de Latran, nous retrouvons dans ce texte, dit M. Chabouillet, tous les titres donnés au consul Fl. Felix sur notre diptyque. C'est donc, selon toute vraisemblance, du même personnage qu'il est question dans ces deux monuments et dans la chronique de Prosper d'Aquitaine. Si je ne l'affirme pas, c'est uniquement parce qu'une partie de ma démonstration repose sur l'appréciation du style du monument, et que l'on peut ne pas partager ma manière de voir à cet égard; mais, soutenu par l'assentiment de la plupart de ceux qui ont parlé de ce diptyque depuis Mabillon, j'ai cependant quelque espoir de la voir adopter. En effet, comme on l'a déjà fait observer, il est assez difficile de

(1) Diptyque consulaire de Saint-Junien, p. 7 et 8.

supposer que le consul Fl. Félix de l'an 511, absolument inconnu jusqu'à présent, ait eu précisément les titres que nous voyons à celui de l'an 428 sur le diptyque et dans l'inscription de Saint-Jean de Latran.

>> Ainsi nous possédons maintenant d'importantes notions sur ce consul Fl. Félix de l'an 428, que l'on croyait entièrement oublié par l'histoire. Nous savons qu'il fut assez riche pour avoir pu embellir de ses deniers la mère des églises de la ville et du monde, urbis et orbis ; qu'il joua un rôle assez considérable pour avoir fait ombrage au puissant Aétius lui-même, qui le fit mourir avec sa femmé, nommée Padusia, et que la fin tragique des deux époux eut lieu en 430, deux ans après la date de notre diptyque (1). >>

Quoique la présence de ce diptyque à Saint-Junien, dans l'église fondée par Rorice II au vre siècle, semble indiquer plutôt le consul de l'an 511 que celui de l'an 428, toutefois la concordance de l'inscription de Saint-Jean de Latran désigne plutôt ce dernier, et c'est pourquoi cette opinion nous paraît plus vraisemblable.

Après avoir ainsi fixé la date du diptyque consulaire de Saint-Junien, M. Chabouillet parle du diptyque d'Aoste, qui date de l'an 406, et de quelques autres auxquels on a attribué une plus grande ancienneté.

Il termine son mémoire par la description sommaire de cinq diptyques consulaires conservés à la Bibliothèque nationale, qui à elle seule possède un tiers de ceux connus aujourd'hui.

Nous sommes heureux d'avoir fourni à M. Chabouillet,

(1) Diptyque cousulaire., p. 12.

par l'envoi de la note qui précède, l'occasion de composer son savant mémoire sur le diptyque consulaire de SaintJunien et sur plusieurs autres diptyques, et nous le félicitons de cet article, où l'érudition la plus sûre et la critique la plus délicate se donnent la main.

L'Abbé ARBELLOT.

PROJET

DE

PUBLICATION DES MANUSCRITS

DU GRAND-SÉMINAIRE.

RAPPORT DE M. L. GUIBERT

MESSIEURS,

La Société a, dans sa dernière séance, chargé deux de ses membres de se rendre auprès de M. le Supérieur du Grand-Séminaire pour lui présenter de votre part une requête. Cette mission, M. l'abbé Tandeau de Marsac et moi l'avons de notre mieux remplie, et je viens vous rendre compte de ses résultats.

Vos deux délégués ont reçu au Séminaire le plus bienveillant accueil. Nous avons trouvé, chez M. le Supérieur d'abord, puis chez M. Dupeyrat, directeur au GrandSéminaire et bibliothécaire, des dispositions très-favorables au projet dont on vous a entretenus à votre réunion du mois dernier. L'un et l'autre nous ont témoigné un vif désir de faciliter les travaux de la Société. M. l'abbé de Vaillac sait quelles richesses il a en dépôt. C'est précisé

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