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patrice et consul ordinaire (en 511) avec Secundinus (1), était le fils de Félix, correspondant et ami de Sidoine Apollinaire, de Fauste de Riez et de Rurice de Limoges. Flavius Félix, fils du patrice Félix, était le petit-fils du consul Magnus. La date de son consulat (an 511) s'accorde parfaitement avec ces données. Du reste, ce personnage n'est connu dans l'histoire que par l'inscription de ce diptyque et l'insertion de son nom dans les fastes consulaires. Ce fait n'avait pas été jusqu'ici, que nous sachions, mis en lumière, et c'est pourquoi nous avons tenu à le signaler.

*

V. La présence de ce diptyque à Saint-Junien (Comodoliacum) est facile à expliquer. Rorice Ier, évêque de Limoges, possédait ce lieu de Comodoliac, où il fit bâtir une cellule pour saint Amand, maître de saint Junien (2). Rorice II, évêque de Limoges, petit-fils de Rorice Ier, bâtit sur le tombeau de saint Junien l'église de Comodoliac. Or Rorice ou Rurice 1er était très-lié avec Sidoine Apollinaire et le patrice Félix, fils du consul Magnus et père du consul Flavius Félix. Ensemble ils consolèrent Fauste de Riez dans son exil (3). Ce diptyque est donc un présent d'amitié offert par la famille des Félix à celle des Rorice.

Au ve siècle et au vre, c'était une coutume, chez les consuls récemment élus, d'envoyer à leurs amis et aux

(1) Fasti consulares, ap. PAGI. (Breviar. pontific. Roman., T. I, p. 630.) — Magnus était consul en 460. (Tbid., p. 627.)

(2) Acta SS., T. VII, octob., p. 848.

(3) « Une correspondance intéressante naquit de cet exil (de Fauste de Riez). Elle s'établit entre le patrice Félix, Fauste, Rurice de Limoges. » (L'ABBÉ CHAIX, saint Sidoine Apollinaire, T. II, p. 294.)

grands personnages de l'Empire des diptyques d'ivoire représentant leur effigie et portant leur nom, comme on le voit par ces vers de Claudien :

Tum virides pardos et cætera colligit austri
Prodigia, immanesque simul Latonia dentes,
Qui secti ferro in tabulas, auroque micantes,
Inscripti rutilum cælato consule nomen,
Per proceres et vulgus eant.......... (1).

Un autre diptyque, trouvé à Limoges, a été décrit par l'abbé Legros: il représentait Anthémius, fils du patrice Procope, qui est inscrit dans les fastes consulaires l'an 455. Ces sortes de monuments sont très-rares: on n'en trouve que huit ou dix en Europe. (ALLOU, p. 71.)

L'envoi de cet article au Comité des Sociétés savantes a donné l'occasion à M. Chabouillet, conservateur des antiques à la Bibliothèque nationale, de composer un savant travail sur le diptyque consulaire de Saint-Junien. Citonsen quelques extraits :

« Voici la description de cet ivoire, prise, pour la première feuille, sur l'original, au Cabinet des médailles, et, pour la seconde, sur la planche de Mabillon.

L'inscription complète doit être lue ainsi Flavii Felicis, viri clarissimi, comitis ac magistri utriusque militiæ, patricii et consulis ordinarii; c'est-à-dire : (présent) de Flavius Félix, clarissime, comte et maître des deux milices, patrice et consul ordinaire.

(1) De laudibus Stiliconis, Lib. III, ad finem (edit. Elzevir, p. 199).

» Sur la première feuille, Fl. Félix est représenté dans une tribune ou loge dont les rideaux, ouverts, sont retenus par des embrasses semblables à celles de nos fenêtres. Le consul a la tête nue, des moustaches et la barbe taillée en pointe. Son costume se compose de la tunique de dessous sans ornements, de la tunique de dessus richement brodée, et de la trabea, ancienne robe prétexte; il a aux pieds les chaussures patriciennes. De la main gauche il tient le long sceptre consulaire, terminé par un globe supportant les bustes des deux empereurs régnants en Orient et en Occident. Sa main droite, posée sur son cœur, paraît exprimer les sentiments d'affectueux respect du consul envers les dignitaires auxquels étaient envoyés les diptyques.

» Sur la deuxième feuille, aujourd'hui perdue, le consul est, comme sur la première, debout dans une loge, mais avec un costume moins compliqué. Sur le dessin de Mabillon on ne distingue qu'un long manteau......

>> C'est dans les Annales de l'Ordre de Saint-Benoît que Mabillon fit connaître le diptyque de Saint-Junien (1). L'illustre bénédictin, qui ne parla qu'incidemment de ce monument, l'attribua, mais non sans dissimuler son hésitation, à un Flavius Félix consul, l'an 511 de notre ère, pour l'Occident, avec Secundinus, consul pour l'Orient.

(1) « Alterum diptychon Comodoliacense exhibet duplicem Flavii Felicis consulis effigiem, forte ejus qui cum Secundino consulatum gessit anno DXI, idemque comes ac magister utriusque militiæ, patricius et consul ordinarius, ut inscriptio refert. His obiter expositis, rerum nostrarum seriem persequor. » (Voyez Annales ordinis Sancti Benedicti, T. III, lib. XXXII, p. 203.) Le mot alterum est motivé par la mention du diptyque de Compiègne qui précède celle du diptyque de Saint-Junien.

>> Quelques années plus tard, Banduri publia de nouveau notre diptyque dans ses Antiquités de l'empire d'Orient (1), et adopta sans la discuter l'attribution de Mabillon; mais d'autres savants furent moins dociles. Hagenbuch, le premier je crois, proposa, en 1747, de reconnaître sur ce diptyque un consul, nommé également Flavius Félix (2), dont la magistrature remonte à l'an 428; et, depuis la publication du trésor des diptyques de Gori, qui adopta cette manière de voir (3) malgré les réserves émises à ce sujet par Passeri (4) dans la préface de ce grand ouvrage, qui ne vit le jour qu'en 1759 par ses soins après la mort de l'auteur, on a généralement abandonné la vieille attribution. On peut consulter à ce sujet le Trésor de numismatique et de glyptique (5), la notice du Cabinet des médailles et antiques par Marion du Mersan (6), une dissertation de M. Costanzo Gazerra (7), un Essai sur les ivoires antiques écrit en anglais par un savant hongrois, M. F. Pulszky (8), le Catalogue du Cabinet des

(1) BANDURI, Antiquitates imperii Orientis, T. II, p. 492, édit. de Paris, 1711.

(2) HAGENBUCH, Epistolæ epigraphicæ : voy. T. I, p. 296. (3) GORI, T. I, p. 129.

(4) PASSERI, préface du Thes. vet. diptych. de Gori, T. I, p. XVII. (5) Voyez Recueil général de bas-reliefs et d'ornements, 2e partie, p. 6, pl. XII, (année 1839).

(6) MARION DU MERSAN, Histoire du Cabinet des médailles antiques et pierres gravées.... avec une description des objets déposés dans cet établissement. Paris, 1838. Voyez p. 18.

(7) Dans un mémoire consacré à un autre diptyque, celui d'Aoste, M. Gazzera parle incidemment de celui de Saint-Junien. Ce travail sera cité plus loin.

(8) FRANCIS PULSZK, Catalogue of the Fejérváry ivories in the Museum of J. Mayer, esq., etc., preceded by an Essay on antique ivories. Liverpool, 1856. Voy. p. 6.

médailles publié en 1850 (1), la Description sommair des monuments exposés dans le département des médailles à la Bibliothèque nationale, publié en 1867 (2), et d'autres ouvrages dont il sera question plus loin.

» Aujourd'hui, après une nouvelle étude, je crois, comme par le passé, qu'il y a de bonnes raisons pour placer la fabrication du diptyque de Saint-Junien à une époque plus reculée que celle qui lui a été assignée par Mabillon, puis par Banduri et Passeri, et enfin par M. l'abbé Arbellot. >>

Il y a eu deux consuls du nom de Flavius Félix l'un consul en 428, l'autre consul en 511. Quel est celui des deux pour lequel a été fabriqué le diptyque de SaintJunien?

« J'incline à croire, répond M. Chabouillet, qu'il faut reconnaître sur ce monument le plus ancien de ces deux personnages, non-seulement par des motifs tirés de l'appréciation de sa fabrique, mais aussi en raison de notions que l'histoire, consultée avec plus d'attention, va nous fournir sur le consul de l'an 428, tandis que jusqu'à présent on ne sait de celui de l'an 511 que l'inscription de son nom sur les Fastes....

» A notre époque, on a fait de grands progrès dans la science délicate de la classification des monuments par époques aussi, en ce qui concerne la fixation de la date du diptyque de Saint-Junien, suis-je presque assuré de

(1) CHABOUILLET, Catalogue général et raisonné des camées.... et autres monuments exposés dans le Cabinet des médailles et antiques à la Bibliothèque impériale. Voy. p. 559, no 3262.

(2) Description sommaire des monuments exposés dans le département des médailles et antiques à la Bibliothèque impériale, publiée en 1867. Voy. p. 109, no 4644.

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