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tifiques qui s'est exercé utilement dans la région depuis près de trois quarts de siècle, il me faudra sortir du cadre chronologique dans lequel la Société française d'Archéologie limite ordinairement l'objet de ses études et de ses

excursions.

Les antiquités préhistoriques offraient un champ d'observations particulièrement riche et tentant la mise au jour. l'examen des problèmes nouveaux qui se posent à ce sujet. ont absorbé naturellement une bonne partie du temps et de l'application des travailleurs locaux épris des choses du passé (1).

La découverte des grands silex taillés, dits « chelléens », dans les alluvions de la Charente, côte à côte avec des défenses et des ossements d'elephas antiquus, de rhinocéros et d'hippopotame, démontre l'existence de l'homme, dans notre région, à une époque de climat doux à grandes pluies, contemporain d'une faune depuis une longue série de siècles disparue (2). Le Musée de la Société Archéologique, grâce au don généreux fait par Henri Germain, le Museum à Paris, diverses collections particulières, renferment les documents les plus précieux à ce sujet.

Le champ des recherches est loin d'ètre clos, d'ailleurs. pour cette période si reculée, et il n'est pas douteux qu'une surveillance attentive des sablières en exploitation, telle que MM. Favraud. aux environs d'Angoulême. Robert Delamain, autour de Jarnac, ont déjà prise à cœur, n'augmente et ne précise, par une étude scrupuleuse de la strati

(1) Une bibliographie plus complète des travaux d'archéologie préhistorique en Charente sera donnée par M. G. Chauvet dans le Compterendu du Congrès préhistorique de France, VIIe session, Angoulême, 1912.

(2) Voir notamment Bull. Soc. Arch. Charente, 1895, p. 1.xxи et LXXXIX, et aux Tables (1845-1900), vo H. GERMAIN,

graphie des terrains où gisent ces débris disséminés, la portée de nos connaissances.

Des changements profonds dans la température, qui provoquent, pendant la période moustérienne, l'apparition d'une faune froide, où le renne prédominera, durent amener l'humanité à occuper les grottes et les abris naturels, au flanc des coteaux offrant une orientation favorable, à portée des sources ou des rivières. Les sites de ce genre sont nombreux dans la Charente, constituant de véritables stations dans lesquelles on a pu constater, sur place, les témoins d'une civilisation et d'une industrie primitives, et en suivre l'évolution dans les couches superposées laissées par les géné rations successives.

La vallée de la Tardoire, après avoir été, ainsi, une terre d'élection, pendant de longs siècles, pour des peuplades de chasseurs de rennes et d'ours, devint la terre promise des pionniers de la préhistoire en Charente. Trémeau de Rochebrune, les abbés Bourgeois et Delaunay, Suard. le marquis de Vibraye, qui, à l'envi, explorèrent les stations devenues célèbres autour de Vouthon et Vilhonneur, Rancogne. la Chaise. Montgaudier, et y amassèrent des matériaux précieux (1).

Côte à côte avec ce nom de « vallée de la Tardoire », il faut au moins signaler celui de Jean Fermond. qu'on nous a si bien représenté comme « un modeste passionné d'archéologie.... sincère, écrivant peu, observant avec soin. collectionnant beaucoup.... mettant à la disposition de tous ses visiteurs les observations attentives et les curieuses récoltes faites dans ses courses » 2), et celui de A. de Maret. dont les fouilles à la grotte du Placard, si souvent commentées encore de nos jours. ont constitué des données

(1) Voir Chauvet: Statist. et bibliogr. des stations quaternaires de la Charente, cité plus loin.

(2) Chauvet: Jean Fermond (vallée de la Tardoire). dans Bull. Soc. Arch. Charente, 1911, p. xcIX.

essentielles pour la succession des àges industriels du quaternaire moyen et supérieur.

Bien d'autres lieux encore, la vallée de la Charente, particulièrement aux environs de Châteauneuf, les petites vallées des environs d'Angoulême, ont fourni et livreront encore sans doute, sous la pioche du chercheur, des éléments de premier ordre pour l'étude de l'industrie moustérienne.

Dans la partie du département qui confine à la Dordogne. et qui sépare les bassins des deux rivières principales, M. Chauvet inaugurait, en 1869, une carrière de fouilleur méthodique et consciencieux, qu'il a poursuivie, jusqu'à nos jours, sur bien des points du domaine archéologique.

Après plusieurs années de travail, il publiait, en 1895, dans un important mémoire, le résultat de ses observations, et, pour permettre l'étude comparée de ces questions, il dressait une Statistique et bibliographie des stations quaternaires de la Charente, marquant déjà le souci d'une documentation étendue qui devait rendre encore plus utile une œuvre bien personnelle (1).

Parmi les stations découvertes et décrites par lui, l'une, celle de la Quina, sise dans la petite vallée du Voultron, devait devenir, au témoignage d'une plume autorisée, « le plus riche gisement moustérien qui ait été rencontré, tant par le nombre que par la beauté des pièces ».

Explorée par plusieurs savants locaux ou étrangers, à la suite de M. Chauvet, elle prit une importance particulière du jour où M. le docteur Henri Martin, séduit par la richesse et l'intérêt des ressources qu'elle recélait, s'en rendit propriétaire et en fit le centre d'études et de travaux conduits avec une rare persévérance et une méthode rigoureuse.

Servi par une connaissance approfondie de l'anatomie de la faune spéciale dont il recueillait là d'innombrables restes. il observa sur certains fragments d'os, particulièrement des

(1) Bull. Soc. Arch.. 1896, p. 221-335. Tir. à part, 1897, in-8°.

phalanges et des extrémités d'humérus de bovidés, des traces de travail humain, et fut amené ainsi à une série de remarques originales et précises, qu'il a développées dans les trois fascicules parus de l'Évolution du Moustérien dans le gisement de la Quina (1).

Au mois de septembre 1911, la découverte d'un crâne humain, trouvé avec le squelette, à la base du gisement, et dont la reconstitution et l'étude patiente ne sont pas achevées entièrement, venait le récompenser de longs travaux ingrats 2).

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Les fouilles de M. Favraud, au Petit-Puymoyen (3), en collaboration avec MM. les lieutenants Bellon et Foureur, celles de M. Chauvet, à Hauteroche (4), dont les résultats, poursuivis pendant plusieurs campagnes, sont encore en grande partie inédits, nous amènent à une période d'horizon ». suivant l'expression de M. Henri Martin, « sorte de moyen âge », dit M. Chauvet, où l'on peut voir la technique caractéristique du Moustier se transformer suivant des lois encore mal connues, dont la recherche, pour être profitable, gagnera sans doute à être limitée à une vallée déterminée.

La station aurignacienne du Pont-Neuf (5), la grotte du Roc-de-Sers (6), la Combe-à-Rolland, fouillées et étudiées par M. Favraud, montrent un acheminement plus avancé vers l'outillage complexe du paléolithique supérieur caractérisé par l'utilisation progressive de l'os et du bois de renne pour la fabrication de nombreux objets, et par l'apparition de véritables œuvres d'art.

La Charente ne peut prétendre ètre mise au premier rang parmi les régions qui montrent, pour la période si brillante

(1) Paris, 1907-1910, in-8°.

(2) Bull. de la Soc. préhist. de France, 1911-1912.

(3) Bull. Soc. Arch. Charente, 1907-1908, p. 49.

(4) Ibid., 1912, p. cin.

(5) Ibid., 1908-1909, p. 119-135.

(6) Rev. de l'Ec. d'anthrop., 1908.

qui s'ouvre, des spécimens de cette civilisation; elle n'a ni les peintures murales si curieuses de la Dordogne, ni les sculptures et la glyptique des grottes des Pyrénées.

On peut rappeler cependant que c'est dans la vallée de la Charente, au Chaffaud, près de Civray, que fut trouvé. en 1834, le premier os gravé, et que, encore, en 1886, la grotte de Montgaudier fournissait un des plus beaux spécimens artistiques de l'âge du renne sous la forme d'un bâton de commandement orné de gravures d'animaux divers.

Les os, ivoires et bois de renne ouvrés de la Charente ont fourni matière à M. Chauvet pour développer d'ingé nieuses hypothèses sur l'utilisation des objets variés qui composent l'outillage paléolithique (1).

Comment une période aussi active et brillante au point de vue industriel et artistique finit-elle, pour laisser apparaître après elle une civilisation toute différente, marquée par la connaissance de la céramique, la domestication des animaux. et une forme nouvelle d'industrie, désignée sous le nom de pierre polie»? Rien ne permet encore de se prononcer à ce sujet. Tout au moins pouvons-nous passer rapidement en revue les découvertes les plus significatives et les travaux les plus importants qui. dans la région même. vont jalonner la route encore obscure jusqu'à l'arrivée de César en Gaule. et aux temps historiques.

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Pour la fabrication des armes et instruments néolithiques. des témoins curieux nous ont été conservés sous forme de grands blocs de grès, portant de profonds sillons produits par le frottement de corps durs, et qu'on appelle des polissoirs un des plus caractéristiques, trouvé à la Chèvrerie, a été donné à la Société archéologique et se trouve dans le square de l'Hôtel de Ville d'Angoulême (2). Sur les hauteurs qui avoisinent la cité, au lieu dit la Petite Garenne, on a pu

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(1) Bull. Soc. Arch. Charente, 1910, p. 1-184. Tir. à part, 1912, in-8°. (2) Bull. Soc. Arch. Charente, 1882, p. 127.

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