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hypothèses un peu hardies qui ont donné lieu à d'assez sérieuses polémiques, mais ce n'est pas le moment de raviver de vieilles querelles et nous ne sommes pas venus ici pour discuter ses opinions. Ce que nous devons louer, ce que nous devons retenir et admirer aujourd'hui, ce sont ses éminentes qualités de fouilleur qui l'ont rendu si célèbre et l'ont placé au premier rang des archéologues militants. Pendant près d'un demi-siècle, il a su interroger les entrailles de la terre avec une telle sûreté, avec une patience et une habileté si parfaites, que chacun de ses coups de pioche en a fait surgir un document sensationnel, et qu'ainsi la science a marché. Son intervention a rendu à nos études les services les plus marquants et les plus signalés.

Plus occupé de ses travaux que des bruits du monde, le P. de la Croix, à partir du moment où il se consacra à l'archéologie, en éprouva toutes les joies et en connut tous les soucis. Très attaché à ses amis, il aimait à les prévenir de ses découvertes et à leur communiquer tout ce qui pouvait les intéresser. L'un d'eux, Louis Courajod, dont nous pleurons encore la perte, lui devait tant de documents précieux qu'il avait l'habitude de dire que le P. de la Croix avait été l'inspirateur de ses meilleures leçons.

Quand notre confrère avait achevé ses recherches sur le terrain, il ne perdait pas un instant pour faire connaître au public et à tous ceux qui en avaient besoin, le fruit de son labeur. C'est ainsi que sont nées ces grandes et belles publications, accompagnées de plans, de dessins, de fac-similés de tout genre, qui ont permis aux savants du monde entier d'admirer sa patience, son activité, ses méthodes et, j'ose ajouter, son génie particulier. Oui, Messieurs, il avait le génie de la fouille; il nous a donné les preuves les plus éclatantes de son extraordinaire intuition; elles forment comme une suite de grands événements archéologiques que les gens d'un autre âge auraient qualifiés de miraculeux. Au nom de la Société française d'Archéologie, du Comité des travaux historiques, au nom de la Société nationale des Antiquaires de France, je suis heureux, je suis fier d'être venu m'associer à l'hommage que vous rendez aujourd'hui à l'homme vénérable et bon, au savant distingué, à l'archéologue hors ligne que fut le P. de la Croix.

Je le glorifie avec vous.

Mais je ne veux pas oublier de remercier l'éminent sculpteur, au talent souple et délicat, dont l'habile ciseau a fait revivre avec tant de fidélité les traits de notre grand ami. Je veux remercier aussi tous ceux dont l'esprit subtil a su trouver, pour entourer sa vivante image, les emblèmes les plus propres à nous rappeler sa foi et ses travaux.

M. E. Lefèvre-Pontalis prend ensuite la parole en ces

termes :

MONSIEUR LE PRÉSIDENT,
MESDAMES, MEssieurs,

En venant rendre un solennel hommage au P. de la Croix, qui fut un de ses membres les plus éminents, la Société française d'Archéologie tient à remercier la Société des Antiquaires de l'Ouest d'avoir fait coïncider cette cérémonie avec notre session annuelle. Réunie à Poitiers par la passion du travail et par le culte du souvenir, l'élite des archéologues français tient à s'incliner devant ce buste où M. Octobre a su fixer, pour la postérité, les traits énergiques et la mâle volonté du grand savant qui fait honneur à la Belgique et à la France.

Notre Société est représentée ici par son Directeur et par son Directeur adjoint, M. Deshoulières; par deux Membres de son Comité d'honneur, MM. Héron de Villefosse et le comte de Ghellinck; par deux Inspecteurs généraux, M. le marquis de Fayolle et M. Robert Triger; par ses Inspecteurs divisionnaires, MM. Alfred Richard, René Fage, Adrien Blanchet, le comte Lair, L. Labande, E. Jarry; par les Membres de son Conseil d'administration et par les 170 Congressistes qui ont pris part à la session d'Angoulême.

Je tiens à évoquer ici le souvenir de ces belles journées du Congrès de 1903 où le P. de la Croix nous communiquait son ardeur coutumière. Je le revois, monté sur une borne, devant Saint-Hilaire, dont il nous expliquait les origines; je crois l'entendre encore dans ce baptistère Saint-Jean où je parlais tout à l'heure. Il fut l'âme de cette session, il animait nos séances du

soir par la lecture de ses Mémoires et par sa parole si claire et si vibrante. Aussi, quand j'eus le grand honneur de lui décerner la grande médaille de vermeil que notre Société réserve aux archéologues d'élite, tout l'auditoire se leva pour l'acclamer.

D'autres célèbres fouilleurs ont pu conquérir en Égypte, en Grèce, en Italie, une plus grande renommée, mais le P. de la Croix réserva toute son expérience et sa prodigieuse activité à la France, dont il fut le fils adoptif, et à cette province du Poitou, qui est le cœur de notre patrie. Sanxay, Nouaillé, Civaux, Antigny, Yzeure, Glanfeuil, Les Bouchauds, Saint-Philbert de Grandlieu, Berthouville, ces noms sonnent comme autant de bulletins de victoires dues à sa perspicacité et à sa persévérance. Mais ses deux chantiers de prédilection furent l'Hypogée des Dunes et le baptistère Saint-Jean, où il se plaisait à guider les archéologues et même les simples touristes.

Le P. de la Croix incarnait la modestie, la science et la générosité. Pendant trente ans, il a épuisé son patrimoine à faire des fouilles. Humble parmi les humbles, son plus grand bonheur était d'initier un chef de chantier ou un simple manœuvre à l'archéologie.

Si quelques-unes de ses conclusions doivent être soumises à un contrôle scientifique plus rigoureux, il faut proclamer bien haut que, sans son initiative pécuniaire, bien des richesses archéologiques resteraient encore enfouies dans le sol de la France. Très indulgent pour les autres, les critiques lui semblaient amères. « La plume de mes contradicteurs, me disait-il un jour, me semble plus lourde que ma pioche.

Architecte formé à l'école du P. Tournesac, il savait dresser des plans d'une exactitude scrupuleuse, dessiner avec conscience, disséquer les murs, analyser les fondations, mouler avec une habileté consommée, comme le prouvent les pièces de sa remarquable collection. Tantôt au sommet des échafaudages, tantôt au fond des tranchées, on le voyait manier la pelle et la pioche pour donner l'exemple. Il vivait de la vie de ses terrassiers, et cet ouvrier de la pensée était populaire parmi les ouvriers des champs, de l'usine et de l'atelier, parce qu'il causait familièrement avec eux, parce qu'il connaissait tous les métiers, parce qu'il était bon pour ceux qui peinent et qui souffrent.

C'était un noble cœur, une àme forte, un esprit bien trempé, un érudit libéral qui avait horreur de l'égoïsme scientifique. Ayant à cœur d'exprimer le sentiment commun d'admiration qui nous rassemble au pied de ces deux, monuments si bien placés l'un en face de l'autre, je salue avec une respectueuse émotion le buste si vivant du grand archéologue belge, qui fut le premier fouilleur de France.

SEANCE DE CLOTURE DU LUNDI 24 JUIN

Présidence de M. E. LEFÈVRE-PONTALIS

La séance est ouverte à 9 heures.

Prennent place au bureau: MM. Deshoulières, Chauvet et A. Boinet.

M. Deshoulières fait une communication sur les façades des églises saintongeaises.

M. Mayeux étudie les différents systèmes de voûtes employés au moyen âge.

M. E. Lefèvre-Pontalis reprend la question de l'« école charentaise au point de vue architectural et décoratif. II montre qu'il est difficile de reconnaître des caractères spéciaux à cette prétendue école.

Sur la proposition de M. Labande le Congrès émet le vou que la Commission des Monuments historiques classe immédiatement et prenne sous sa protection tous les monuments qui couronnent la colline où s'éleva jadis le village d'Oppède (Vaucluse, à savoir les ruines du château et sa double enceinte, l'église et les remparts du village.

Les vœux suivants sont aussi proposés et émis par le Congrès :

Classement de l'église de La Chaise-Giraud (Vendée), proposé par M. l'abbé Grelier:

Dégagement de la partie qui subsiste encore des remparts gallo-romains de la ville de Saintes:

Évacuation par l'administration militaire et remise en état de l'église abbatiale de Sainte-Marie-des-Dames à Saintes: Classement de l'église monolithe d'Aubeterre:

Acquisition et sauvetage, par la municipalité du Mans, de la maison dite de la reine Bérengère:

Classement, proposé par M. le baron Burthe d'Annelet. des églises de Saint-Estèphe, Raix, Bourg-Charente. SaintBrice, Thézac et Saint-Saturnin (Charente), du Douhet, de Chaniers et Grandjean (Charente-Inférieure).

M. le vicomte de Ghellinck annonce que le prochain Congrès de la Fédération archéologique et historique de Belgique aura lieu à Gand au mois d'août 1913. Il attire l'attention des membres du Congrès sur l'exposition d'art ancien organisée à l'occasion de l'Exposition universelle et internationale et qui sera également ouverte à Gand quelques mois avant, et rappelle qu'en même temps il sera rendu un hommage éclatant aux frères Van Eyck, sous forme d'un monument élevé à leur mémoire au chevet de la cathédrale SaintBavon.

M. le Président remercie tous ceux qui ont pris part aux travaux du Congrès ou qui ont assisté aux excursions et aux séances. I exprime sa reconnaissance à la municipalité d'Angoulême, aux auteurs du Guide, MM. Rhein et Serbat, et annonce que le Congrès archéologique de 1913 se tiendra à Moulins et à Nevers.

Il donne enfin lecture de la liste des médailles :

Grandes médailles de vermeil.

Rappel M. Georges MUSSET, inspecteur de la CharenteInférieure.

1. M. Georges CHAUVET, inspecteur de la Charente, prési

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