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MES CHERS CONFRÈRES,

Au moment où l'élite intellectuelle de la France s'intéresse au sort de tant d'églises rurales qui tombent en ruines, malgré les trésors artistiques qu'elles renferment, votre Directeur a été très fier de présider le mois dernier, dans cette ville de Caen qui fut le berceau de notre Société, une imposante réunion où Maurice Barrès a fait entendre sa vibrante parole. L'éloquent académicien a plaidé la cause des édifices religieux non classés avec cette émotion communicative dont il a le secret. Il a cloué au pilori les Vandales modernes qui laissent les éléments accomplir leur œuvre néfaste pour préparer la voie à la pioche des démolisseurs. Le magnifique succès qu'il a obtenu devant un très nombreux auditoire est de bon augure pour le projet de loi qu'il se propose de soumettre à la Chambre. En le nommant membre de notre Comité d'honneur, votre Conseil administratif n'a fait que devancer votre désir et l'expression de votre gratitude.

La Commission des Monuments historiques ne peut classer toutes les églises de la France. Or il importe que les archéologues aient toujours à glaner dans le vaste champ de leurs études. Tel petit édifice présente parfois un plan original, une disposition exceptionnelle, un chapiteau finement ciselé son clocher fait partie intégrante du paysage. Ces églises rurales que nous visitons ensemble ou que vous étudiez dans votre province, ce sont des fleurs d'idéal jetées sur le sol de notre patrie, ce sont des musées de sculpture et de peinture sur verre. La plus belle, comme la plus humble, a droit à la vie, et leur défaut d'entretien priverait la France de sa plus belle parure. Combien de fois ai-je entendu les étrangers envier cette prodigieuse richesse artistique de notre pays et cette floraison d'églises romanes et gothiques dans les régions de belles carrières, comme les Charentes, où la pierre taillée par le génie de nos ancêtres a produit des merveilles !

Notre Société, qui compte des membres dans chaque département, doit poursuivre avec plus d'activité que jamais le noble but qui est la raison d'être de ses Congrès, de ses publications, de son rôle, à la fois scientifique et patriotique. Provoquez les clas

sements qui s'imposent, avec le concours si dévoué des Sociétés savantes et des architectes des Monuments historiques, si nombreux dans nos rangs, parcourez souvent les campagnes pour déjouer les projets des Vandales et les négoces des trafiquants, soyez les gardiens vigilants de toutes les œuvres des artistes français.

Après ces quatre discours, interrompus à maintes reprises par les applaudissements de l'auditoire, la séance a été levée.

SEANCE DU LUNDI 17 JUIN

PRÉSIDENCE DE M. DESHOULIÈRES

Prennent place au bureau: MM. E. Lefèvre-Pontalis," Chauvet, le vicomte de Ghellinck, l'abbé Mazière et A. Boinet.

M. Roger Grand lit une notice de M. de La Martinière. archiviste du Morbihan, sur les peintures de la chapelle de l'ancienne commanderie de Blanzac, qui sert aujourd'hui de temple protestant. Elles datent de la seconde moitié du XIIe siècle et représentent un fait d'armes de la lutte des chevaliers français contre les Sarrasins. Il faudrait y voir un souvenir ou une allusion à la défaite du sultan Nour-Ed-Din Mahmoud par Geoffroy Martel, frère de Guillaume Taillefer, comte d'Angoulême, et Hugues de Lusignan (1163). On y remarque la présentation d'un cavalier foulant aux pieds de son cheval un petit personnage comme les cavaliers qui décorent plusieurs façades d'églises des Charentes et du Poitou. M. de La Martinière émet l'hypothèse du rapprochement entre ces bas-reliefs et Hugues de Lusignan.

M. E. Lefèvre-Pontalis annonce que M. L. Bégule vient de déposer sur le bureau l'ouvrage abondamment illustré qu'il a publié sur l'abbaye de Fontenay et l'architecture

cistercienne. La préface est signée de M. Edouard Aynard, membre de l'Institut, à qui appartiennent les bâtiments de ce monastère. Des remerciements et des félicitations sont adressés à l'auteur de ce magnifique volume.

M. le marquis de Fayolle fait une très intéressante communication, avec nombreux plans à l'appui, sur les églises monolithes de la Charente et de la Gironde, qui paraissent avoir des caractères communs : Saint-Jean d'Aubeterre, Saint-Georges de Gurat (Charente) et Saint-Pierre de Saint-Émilion (Gironde).

L'église de Saint-Emilion est la plus vaste, elle se compose de trois vaisseaux séparés par de lourds piliers quadrangulaires qui portent des voûtes en berceau, mais celles d'Aubeterre et de Gurat n'ont qu'une vaste nef presque aussi large que longue, accompagnée d'un bascôté séparé par des piles, octogones à Aubeterre, et rondes à Gurat. L'église d'Aubeterre est remarquable par sa hauteur de 18 mètres, par son ampleur et par les galeries hautes qui l'enveloppent sur trois côtés, et auxquelles on accède par un escalier creusé dans le rocher. Une abside en cul-de-four s'ouvre dans l'axe de la nef. Au centre de cette abside s'élève un curieux monument hexago nal formé d'un bloc de rocher réservé lorsqu'on a creusé l'abside. Il se compose de deux étages creux l'un et l'autre, mais celui du bas est aveugle, tandis que celui du haut est ajouré. M. de Fayolle s'attache à montrer que ce monument, tombeau ou armoire à reliques, date du XIIe siècle, et qu'il n'a rien de commun avec le tombeau du maréchal d'Aubeterre (1628), dont la statue brisée en marbre a été déposée dans l'étage supérieur. Il termine en demandant le classement de l'église d'Aubeterre (1).

M. P. Vitry dit quelques mots de la vasque Renaissance

(1) Ce vœu a été réalisé par la Commission des Monuments historiques sur la proposition de M. Lefèvre-Pontalis.

qui se trouve devant le château de La Rochefoucauld. Elle provient du château de Liancourt et plus anciennement de celui de Gaillon. C'est donc une très précieuse relique de l'art du XVIe siècle.

SEANCE DU MARDI 18 JUIN

PRÉSIDENCE DE M. DEShoulières

Prennent place au bureau: MM. E. Lefèvre-Pontalis. Robert Triger et A. Boinet.

M. René Fage communique un document très précieux relatif au donjon de Saint-Emilion. Il s'agit d'une lettreclose de Henri III, roi d'Angleterre, qui montre que, le 16 juin 1237, le château était en construction.

M. l'abbé Mazière lit ensuite un travail sur le château de Villebois-la-Valette. La chapelle romane, des restes d'anciennes tours et des fondements de murailles sont de l'époque des de Villebois; le mur d'enceinte et les tourelles datent du milieu du XIIe siècle et sont l'œuvre d'un Lusignan: le duc d'Épernon a fait élever la tour carrée, le mur qui soutient la terrasse et un ouvrage de flanquement aujourd'hui en partie démoli; le maréchal de Navailles a fait construire le château actuel, composé autrefois de trois corps logis avec quatre pavillons et un dôme, en utilisant quelques murailles anciennes. Le devis d'une partie de ces constructions, d'après un plan fait par Charles Bulet, a été retrouvé par M. l'abbé Mazière aux Archives départementales: les travaux de maçonnerie ont été exécutés par Laurent Coutarel, Benoît Brunel et Charles Bulet; les travaux de sculpture par Jean Parat.

de

Enfin M. le comte Ch. de Beaumont donne lecture d'une étude sur les inscriptions de l'église de Montbron, qui datent du XIIe et du XIIIe siècle et dont une, complètement

inédite, a été récemment découverte. L'une de ces inscriptions, celle de Robert III de Montbron, a malheureusement disparu.

MERCREDI 19 JUIN

Réception au château de Verteuil.

M. le comte Aimery de La Rochefoucauld a tenu à faire lui-même les honneurs de son magnifique château de Verteuil, dont il a retracé l'histoire en détail. Il a particulièrement insisté sur les incomparables tapisseries dites à la Licorne, dont M. J. Guiffrey, membre de l'Institut. a montré ensuite, avec sa compétence bien connue, l'intérêt exceptionnel pour l'art du moyen âge.

Les membres du Congrès ont admiré une à une toutes les pièces et toutes les richesses de cette admirable demeure, ainsi que la bibliothèque, où sont accumulés quantité de souvenirs et de documents.

M. le comte de La Rochefoucauld a très gracieusement offert un lunch à ses invités. M. E. Lefèvre-Pontalis l'a remercié chaleureusement d'un accueil auquel les Congressistes ont été particulièrement sensibles.

SÉANCE DU MERCREDI 19 JUIN

PRÉSIDENCE De M. E. Lefèvre-PontalIS

Prennent place au bureau: MM. Triger, Ph. Lauzun, Dangibeaud et A. Boinet.

M. l'abbé Ch. Grelier, de Challans, étudie l'ancienne église paroissiale de Sallertaine (Vendée, du XI et du XIIe siècle, dans laquelle il a fait des fouilles et des décou

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