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l'os et le bois de renne sont coupés en poinçons, flèches, sagaies, pendeloques et outils divers.

Les hommes cherchent des abris contre le froid dans les grottes, comme au Chaffaud, à La Chaise, ou au pied des falaises exposées au soleil, comme à La Quina, à Haute-Roche, à Puymoyen.

Une calotte cranienne trouvée dans la grotte du Placard indique alors des hommes d'un type plus élevé, dont les analogues ont été trouvés à Cromagnon (Dordogne) et dans les couches supérieures des grottes de Grimaldi, explorées par le prince de Monaco. Ils commencent à représenter les choses par la sculpture et le dessin, et cela longtemps avant les Grecs et les vieux peuples d'Orient.

Mais ces débuts de l'art, qui se développèrent si merveilleusement dans les grottes d'Aquitaine et d'Espagne, n'eurent pas de lendemain; ils furent étouffés sous l'invasion d'un peuple qui apporta chez nous un état social nouveau, avec les pierres polies, l'agriculture, la poterie, et, peut-être, les animaux domestiques.

C'est lui qui construisit nos grands dolmens de Luxé, de SaintFort, etc..., et les tumulus de la Boixe, dans lesquels nous avons pu étudier le progrès du culte des morts.

Puis survient une découverte capitale, celle des métaux. Déjà quelques dolmens, comme celui de la Motte de La Garde, des tumulus comme celui de Pierrefittes, commune de Saint-Georges, avaient donné des perles métalliques.

Avec les tumulus apparaît bientôt la pleine floraison de l'âge de bronze, dont la cachette de Mandouzil, avec ses haches plates, caractérise le début; les cachettes de Biarge et de Chevrac, avec leurs haches à talon, montrent le milieu; la fin est admirablement représentée par les 75 kilos d'objets en bronze trouvés dans la prairie de Vénat, près d'Angoulême, contenus dans un grand vase en terre: armes, outils, parures, objets divers, témoins irrécusables d'une civilisation avancée sur les bords de la Charente, vers le X siècle avant notre ère, c'est-à-dire vers l'époque où le roi Salomon envoyait vers nos régions du couchant les vaisseaux en quête de l'étain nécessaire à l'ornementation du temple de Jérusalem. Avec l'âge de fer et la période gauloise, nous sommes au seuil de l'histoire classique.

Voici ce que nous a appris l'observation des objets laissés, dans leurs campements ou dans leurs sépultures, par les vieux Charentais qui vivaient bien avant le Christ.

Les archéologues de l'Angoumois ont étudié sur place ces restes avec une scrupuleuse attention. Ils ont essayé, dans la mesure de leurs moyens, de tirer de leurs observations des conclusions satisfaisantes. Mais il est bon de les soumettre à un contrôle étranger, de les examiner à distance, avec un certain recul et sous un éclairage différent.

A ce titre, Messieurs, les Congrès ont une utilité particulièrement importante, pour passer au crible d'une critique éclairée les diverses hypothèses locales, nées quelquefois sous l'influence d'idées préconçues, résultant d'un milieu spécial.

Nos Congrès rapprochent les hommes, établissent des rapports personnels entre les maîtres, en quête d'idées générales, et le chercheur modeste absorbé par l'étude de l'église ou des monuments de sa vallée.

Ils causent ensemble, entre les séances officielles et pendant les excursions; on examine, on écoute, on discute des idées timidement entrevues, et qu'on n'oserait pas imprimer avant d'avoir consulté un homme compétent. Les spécialistes aperçoivent les nombreuses questions imprévues qui s'agitent à côté d'eux, et tout près de leur champ d'études.

Dans ces causeries amicales, les erreurs s'effacent, les hypothèses trop hâtives s'atténuent, les idées s'éclairent et se précisent; chacun aperçoit, quelquefois, des points de vue auxquels il n'avait pas pensé. Nos réunions annuelles profitent à tous.

Aussi, Messieurs, c'est bien sincèrement et de bon cœur qu'au nom de la Société archéologique et historique de la Charente, je souhaite la plus cordiale bienvenue :

A la Société française d'Archéologie ;

A M. Eugène Lefèvre-Pontalis, qui la dirige avec tant de savoir et de dévouement;

Aux Congressistes qui sont venus visiter notre région.

Tous trouveront ici un accueil sympathique, et nous ferons le possible, dans la mesure de nos moyens,

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pour que vous emportiez bon souvenir de votre court passage en Angoumois.

M. Héron de Villefosse, membre de l'Institut, délégué de M. le Ministre de l'Instruction publique, prend la parole

en ces termes :

MESDAMES,
MESSIEURS,

Vous seriez fort étonnés si je ne vous entretenais pas aujourd'hui d'un événement fort important pour la Société française d'Archéologie et, par conséquent, du plus grand intérêt pour tous ceux qui veulent bien m'écouter en ce moment. Il ne s'agit ni d'une vieille église à classer, ni d'un donjon à réparer, encore moins d'un clocher qui tremble et dont il serait urgent d'assurer la conservation. Cependant l'affaire dont je veux vous parler vous touche au plus haut point.

Il y a quelques jours se réunissait à Paris le cinquantième Congrès des Sociétés Savantes. A cette occasion, la Chambre des députés, sur l'initiative de quelques-uns de ses membres, amis de nos études et bienveillants appréciateurs de vos efforts, décida qu'une promotion exceptionnelle dans la Légion d'honneur aurait lieu afin de récompenser les travaux des Sociétés Savantes, depuis trop longtemps laissés sans encouragement.

Cette intelligente pensée, ou, plutôt, cet acte de justice, fut accueilli par une approbation unanime. Le nombre des distinctions demeura très limité, ce qui ne permettait pas assurément de récompenser tous les mérites, mais donnait toutefois aux distinctions accordées une valeur particulière. La Société française d'Archéologie fut tout de suite désignée en première ligne pour figurer sur cette liste d'honneur. Comme on ne pouvait pas décorer tous les membres qui la composent, les pouvoirs publics décidèrent qu'il fallait accorder la croix de la Légion d'honneur à celui d'entre vous qui avait rendu le plus de services à la cause que vous servez, à celui qui, par ses travaux, ses recherches et son activité, paraissait le plus qualifié pour obtenir cette distinction. La délibération, comme vous pouvez croire, ne fut pas longue; il n'y eut aucune hésitation, votre Directeur fut

promu.

Personne, je le constate avec grand plaisir, ne réclame contre cette décision; vous l'approuvez avec une unanimité touchante. Celui qui, depuis bientôt douze années, ne recule devant aucun effort pour maintenir votre Société dans la bonne voie, pour la développer, pour en améliorer les publications, pour rendre ses Congrès, auxquels vous accourez de tous les coins de la France, de plus en plus intéressants, féconds et utiles, celui-là est bien véritablement le représentant le plus qualifié de votre grande Société. Quant un régiment tout entier s'est distingué, on décore le drapeau; soldats et officiers s'inclinent et présentent les armes. M. Lefèvre-Pontalis a été un Directeur habile et prudent, un maître affectueux, dont la doctrine a su maintenir votre association au premier rang. Pourquoi d'ailleurs chercher à motiver votre joie, qu'un mot suffit à caractériser: vous êtes au comble de vos vœux.

Ce chef, qui a le pouvoir et le talent de vous entraîner, a surgi au moment psychologique, à l'instant précis où les nuages, avant-coureurs de la tempête qui devait bientôt menacer notre architecture française, et en particulier nos monuments religieux, se montraient à l'horizon. Il possède non seulement la science et le dévouement si nécessaires dans le rôle qu'il doit remplir, mais il jouit aussi d'une robuste santé et d'une grande indépendance, deux qualités maîtresses pour résister aux fatigues de son apostolat. Voyages, conférences, déplacements, il n'a rien épargné, vous le savez, pour remplir sa tâche; à aucune œuvre, à aucune association, il n'a jamais refusé l'appui de sa parole, le soutien de son autorité.

Je me souviens de l'ardeur affectueuse, de la conviction sincère avec laquelle notre cher et regretté confrère Jules Lair soutint sa candidature et insista pour qu'il reçût la direction de la Société. C'était au Congrès de Chartres. La mort inopinée du comte de Marsy venait de jeter quelque inquiétude et quelque trouble parmi vos anciens. On se demandait avec anxiété comment on allait sortir de la situation difficile causée par le douloureux événement.

Il s'agissait de prendre un parti très promptement, et les avis étaient partagés. Jules Lair demeurait plein d'espoir dans l'avenir, mais à la condition que son candidat serait choisi. Sa

fiance n'a pas été trompée. Avec quelle joie sincère, Messieurs, il applaudirait aujourd'hui avec nous à la consécration officielle de son choix. Quel excellent ami! comme nous aimions à entendre ses charmantes allocutions, toujours pleines de cœur et d'esprit ! Combien il nous manque à tous, et comme ceux qui l'ont approché se plaisent encore à parler souvent de cet homme de grand sens et de bon conseil. Sa mémoire, du moins, vit dans nos cœurs. Aujourd'hui plus que jamais nous regrettons de l'avoir perdu.

La Saintonge, Messieurs, a reçu deux fois votre visite, en 1844 et en 1894. Il y a dix-huit ans vous avez tenu vos séances générales à Saintes, puis à la Rochelle, mais pourquoi n'étiez-vous pas venu dans l'Angoumois? Je crois bien qu'il faut remonter à l'année 1847, c'est-à-dire à 65 ans en arrière, pour constater la présence de la Société française d'Archéologie à Angoulême. Il est fort à craindre qu'il ne reste plus aujourd'hui aucun survivant de ces temps lointains pour nous entretenir de cette première visite et relier ainsi le présent au passé.

Le Congrès de Saintes s'ouvrit le 29 mai 1894 sous la direction du comte de Marsy. Quatre mois à peine s'étaient écoulés quand, le 3 octobre de la même année, s'éteignit à Paris, à la suite d'une douloureuse maladie dont il avait ressenti les premières atteintes plusieurs années auparavant, un confrère admirable par sa science, par son dévouement et surtout par sa modestie. Je veux parler de Jules de Laurière. Quelques jours plus tard, le 26 octobre, Léon Palustre, qui avait dirigé la Société française d'Archéologie avec le plus grand éclat, le suivait dans la tombe; il était enlevé à son tour par une maladie aiguë à l'affection des siens et à l'amitié de ses confrères.

Jules Pasquet du Bousquet de Laurière était né en 1825 tout près d'ici, dans la petite ville de La Rochefoucauld, où le Congrès se rendra vendredi prochain. En arrivant dans ce pays, qui est le sien, je vous demande la permission de vous parler de lui et de vous rappeler ce que fut cet homme si loyal, si attaché à ses amis, ce confrère si serviable et si indulgent, d'une générosité d'ème peu commune et qui donna à votre Société tant de preuves de son dévouement et de sa bonté.

Appartenant à l'une des familles les plus anciennes et les plus considérées de l'Angoumois, il paraissait destiné à vivre douce

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