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stéréotomiques et les supposer, au début du XIIe siècle, très

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imparfaitement en possession de cette science? En opposant la taille des blocs de bel appareil qui composent les piles et les parties verticales des arcs, aux plaquettes de pierres formant la partie cintrée des doubleaux, a-t-on réuni des éléments d'appréciation assez concluants pour accuser d'insuffisance les appareilleurs de Saint-Eutrope? Nous ne le pensons pas. Ce jugement pourrait être si ces voûtes restaient comme unique témoignage de leur savoir. mais il n'est pas permis après l'examen des arcatures des fenêtres, et surtout de celles tracées suivant un plan gauche: l'exécution de la double courbure des claveaux est magistrale.

Ce n'est donc pas dans l'hypothèse d'une main d'œuvre malhabile qu'il faut chercher l'explication du petit appareil des doubleaux des voûtes. Il faut y voir au contraire un parti voulu basé sur une théorie de construction.

La fonction d'un arc-doubleau peut être conçue de deux façons fort différentes.

Ou bien on peut en faire un support indépendant de la voûte, qui doit la décharger d'une partie de son poids en jouant un rôle de support qui la double, ou bien il peut n'être qu'une surépaisseur, sorte de nervure faisant corps avec la voûte même, servant de renfort à une maçonnerie très homogène.

Si les maîtres de l'oeuvre gothique ont toujours construit les arcs-doubleaux suivant le premier principe, les architectes romans, moins expérimentés, les ont très souvent conçus comme une simple surépaisseur de la voûte faisant corps avec elle.

En élevant la magnifique crypte de Saint-Eutrope. le constructeur s'est inspiré d'un système mixte. Si la voûte repose sur l'extrados des doubleaux, dont les claveaux ont des queues d'égale longueur, voûte et doubleaux font cependant un tout (Fig. 4). Le puissant mortier qui, par sa plasticite première, a permis aux arcs d'épouser la forme des

cintres, a, en séchant, pris une cohésion considérable, et, par suite de l'épaisseur très grande des joints, rend solidaires voûtes et doubleaux.

En résumé, le résultat obtenu est un raidissement de la voûte au moyen d'une structure ayant une souplesse re

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lative. Système hybride ne possédant pas les qualités du procédé gothique. I localise cependant une partie des poussées. Cette solution est tout à la gloire des architectes de Saint-Eutrope.

Église haute.

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Ces adroits constructeurs purent tout à leur aise mettre en lumière leur savante technique en main

tenant en équilibre la voûte de l'église proprement dite, qu'il s'agissait d'élever à plus de onze mètres de hauteur.

Afin d'éviter une poussée trop oblique, ils construisirent une voûte en berceau brisé, dont les centres sont écartés de 090 environ. Un are tracé avec cette ouverture de compas, ayant sa retombée à près de huit mètres au-dessus du FIG. 5.

Ch. Besnard, del.

Plan d'une travée de l'église haute.

sol, exerce une poussée suivant la flèche figurée sur notre croquis (Pl. 1, fig. 3). La pile du bas-côté, cédant à l'effort, se serait déversée dans ce sens si l'architecte n'avait trouvé une solution pour contrebuter cette tendance au renversement.

Il imagina deux procédés. Tout d'abord il donna à la pile du bas-côté une section appropriée (Fig. 5) pour lui faire absorber une partie de l'effort oblique; puis il couvrit les collatéraux au moyen d'une voûte en demi-berceau

formant en quelque sorte un arc-boutant continu appliqué sur toute la longueur de la maîtresse voûte.

Le grand berceau brisé qui couvre le chœur est renforcé au droit de chaque pile d'un doubleau de section carrée, mais cet arc, contrairement à la structure des arcs-doubleaux de la crypte, est indépendant de la voûte. Construit en pierre de bel appareil, il la renforce et double réellement.

Pour recevoir cet arc, l'architecte eut soin d'établir sur chacune des piles une robuste colonnette dont le chapiteau est placé au niveau de la moulure où se fait la retombée du berceau. Mais, particularité fort intéressante, cette colonnette ne descend pas jusqu'au sol de l'église: sa base repose sur un cul-de-lampe sculpté et taillé nerveusement suivant un profil à 30° (Fig. 6).

Ce cul-de-lampe se combine avec l'ensemble de la décoration sculptée des chapiteaux recevant les arcs à doubles. rouleaux supportant les murs goutterots du chœur.

Plusieurs archéologues, en présence de cette disposition étrange, ont émis l'hypothèse d'un raccourcissement d'une colonne, raccourcissement opéré peu de temps après la construction. dans le but d'augmenter la superficie utile du chœur.

M. E. Lefèvre-Pontalis a magistralement démontré que le style de la sculpture des culs-de-lampe, en tous points identique à celui des chapiteaux voisins, ne pouvait laisser aucun doute sur la date de ces culs-de-lampe, très certainement contemporains de la construction. Puis notre savant Directeur a proposé d'admettre que le souci de ménager l'emplacement des stalles avait amené l'architecte de SaintEutrope à adopter cette disposition, comme dans les églises cisterciennes.

L'explication est fort ingénieuse, et nous nous y serions rallié si diverses observations ne nous poussaient à voir là, non un désir d'opportunité, mais plutôt une raison de

construction.

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