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encore dans l'enfance. La calotte sphérique ne pousse pas, avantage considérable sur la voùte d'arêtes, plus souple il est vrai, mais qui offre pour les constructeurs de grandes difficultés dans la détermination de la résultante des poussées.

L'emploi de la coupole réduisait le problème de mécanique posé nécessairement par la construction d'une voûte à assurer la stabilité des quatre piles et des arcs supportant la calotte après avoir reporté sur eux la charge de la maçonnerie, dont l'existence s'imposait pour passer d'un plan carré à un plan, soit circulaire, soit polygonal.

Les architectes français n'en trouvèrent la solution que par une série de tâtonnements qui aboutirent à des résultats extrêmement variés montrant ainsi qu'ils désiraient réaliser une forme plutôt qu'employer un système de construction bien défini.

Très justement, notre confrère M. Brutails (1) a fait remarquer qu'il fallait, se garder, dans les recherches des origines des formes architecturales, d'employer des définitions trop scientifiques: « quand on dit que les pendentifs sont des triangles sphériques pénétrés par un parallelipipède à base carrée, on exprime une proposi tion applicable aux coupoles modernes; cette proposition est historiquement fausse, si on veut l'étendre aux coupoles anciennes. Les écoles d'architecture d'autrefois ne partent pas de formules géométriques; elles procèdent par des essais, par des tâtonnements, pour aboutir à une régularité plus ou moins accomplie. La conception savante que nos ingénieurs ont de la coupole n'est pas la même idée qu'en avaient les Perses, ni les maîtres d'œuvre du moyen àge. Pour ceux-ci, le pendentif resta longtemps, non pas une fraction de voûte, mais un tympan: que ce tympan fut

(1) Brutails: La question de Saint-Front. dans le Bulletin Monumental, 1895, p. 125.

curviligne ou rectiligne, plein ou évidé par une trompe ou un cul-de-four, qu'il correspondît à un triangle sphérique ou à un triangle plein, à une surface conique, à un quart de sphère, ce sont pour eux des combinaisons accessoires ».

Une étude archéologique des coupoles doit donc nécessairement se résumer, dans l'état actuel de la question. à la classification des divers modes employés par les architectes du moyen åge pour passer du plan carré au plan polygonal. On ne peut prétendre fixer la filiation entre les diverses constructions.

Telle coupole. très postérieure à une autre, exécutée sur pendentifs savamment appareillés, sera plus maladroitement construite, soit que les architectes aient reculé devant les difficultés techniques, soit qu'ils aient recherché l'économie de la main-d'œuvre ou même la rapidité d'exécution.

Puis les qualités inhérentes à la structure d'une coupole ont permis de la substituer, longtemps après l'achèvement d'un édifice, à une voûte en berceau, par exemple, sans qu'il fùt nécessaire de remanier les murs de support. « La vérité, dit M. de Lasteyrie dans son bel ouvrage sur l'architecture romane, est qu'on a fait pendant longtemps emploi de la coupole sur pendentifs avant de songer à en faire un emploi systématique pour voûter les églises » (1). On disposait une coupole sous le clocher, par exemple, tandis que le reste de l'édifice empruntait divers modes de voûtement. Dans la suite, il arriva que ces voûtes furent démolies pour faire place à une succession de coupoles. Ces transformations, sans aucun doute plus fréquentes qu'on ne le soupçonne généralement, augmentent encore la confusion en présence de laquelle se trouve tout archéologue étudiant les édifices du Sud-Ouest.

(1) De Lasteyrie: L'architecture en France à l'époque romane; Paris, 1912, grand in-8°, p. 478.

La voûte sur croisée d'ogives, s appuyant sur une méthode très franche, de ses debuts timides a atteint la perfection extrême, à la suite de transformations dont on peut suivre facilement les évolutions. par des progrès accusant une comprehension plus complete des avantages à tirer de sa structure, une intelligence plus profonde du jeu des poussées.

Il en fut tout autrement pour la coupole, où les effets mécaniques sont reduits au minimum. où les efforts obliques ne sont pas localisés.

Le seul guide de l'archeologue est son raisonnement lorsqu'il examine les dispositions adoptées pour l'établissement de la plate-forme servant de base à la calotte.

Il est certain que, durant les deux siècles où la coupole fut en honneur, il y eut une évolution dans les procédés employés pour en réaliser la forme. Nous allons nous efforcer, en nous pénétrant de la methode de raisonnement des architectes du moyen age. de rechercher les diverses étapes de cette évolution.

De nombreux facteurs interviennent pour contrarier notre étude et compliquer la question. Il apparait de toute évidence que les procédés de construction durent être très variables, suivant le plus ou moins grand diamètre de la coupole à édifier. Construire des pendentifs appareilles normalement à la courbure d'un triangle sphérique dans une petite église comme Saint-Martin-de-Mazerat eût été presque une erreur, c'eût été créer une difficulté pour avoir le simple plaisir de la vainere. Un tympan en encorbellement s'imposait dans la circonstance.

Lorsqu'il s'agissait de voûter des espaces plus considérables, pareil mode de structure eût produit un effet désagréable et lourd. Les architectes semblent avoir employé de préference, dans les édifices de moyenne dimension. la trompe ou le cul-de-four. C'est la méthode adoptée dans les églises de Blanzae, de Saint-Pierre de Melle, de

La Couronne, de Saint-Hilaire-le-Grand, à Poitiers. etc. Cette solution pouvait, dans les cathédrales ou dans les églises ayant une grande largeur, présenter de sérieux inconvénients. Les trompes appareillées en tronc de cone ou en cul-de-four eussent produit, au-dessus des grands arcsdoubleaux, des poussées capables de causer des désordres dans la construction. Dans ces conditions, les architectes employèrent les pendentifs. L'exécution de ces triangles sphériques leur était. d'ailleurs, facilitée par les ressources de toutes sortes accompagnant toujours les grandes entreprises. L'effet obtenu était plus impressionnant. et ces maçonneries, généralement appareillées en tas de charge, leur ôtaient toute crainte de poussée inopportune.

Ainsi, trois groupes principaux voisinent, résultat d'une logique conception de l'économie architecturale. Certes, nous ne prétendons pas que ces règles furent suivies rigoureusement; loin de là. Le grand effet produit par des voûtes comme celles de Saint-Front ou de la cathédrale d'Angoulême devait avoir suffisamment frappé les architectes pour qu'ils aient la tentation d'en appliquer la forme générale à des édifices de moindre importance: de petites coupoles comme celle de l'église de Trois-Palis sont posées sur pendentifs: l'on pourrait citer un grand nombre d'exemples de cette imitation.

On saisit de suite la précieuse indication archéologique que peut donner cette réminiscence de formes appliquées à contre-sens. Nous ne pensons pas que jamais un érudit ait sérieusement songé à donner la coupole de l'église de Trois-Palis comme le prototype de celles de la cathédrale d'Angoulême.

Une première base de classification aurait pu résider dans l'étude des méthodes employées pour contrebuter les coupoles. Malheureusement, les avantages statiques de ce sys

tème de voûte ont permis d'éluder pour ainsi dire le problème, réduit à fort peu de chose.

Une coupole bien établie ne donne lieu, pour ainsi dire. à aucune poussée. surtout si l'on a soin de noyer dans les maçonneries un chainage bien disposé. De plus, un grand nombre de voûtes hémisphériques sont placées sous un clocher, à la croisée des transepts; de la sorte, toute poussée se trouve absorbée par la charge du poids mort des murs de la tour. La difficulté ainsi est tournée, et nos moyens d'investigation sont éliminés.

En mettant hors de cause Saint-Front de Périgueux, édifice à part, où les dispositions adoptées pour maintenir les voûtes sont inspirées de la tradition byzantine, dont l'application produit, tant à l'intérieur qu'extérieurement, un très grand effet, les églises françaises dont la nef est voùtée au moyen d'une série de coupoles procèdent de la cathédrale d'Angoulême. Le plan trouve là sa forme définitive: les plate-formes recevant la calotte sphérique reposent sur quatre grands arcs retombant sur de puissantes piles formant à l'intérieur de la nef une saillie relativement considérable. Ces profonds arcs formerets et ces contreforts intérieurs sont une belle conception architecturale, aussi a-t-elle fait école. On retrouve ce procédé employé à Roulet. à Bourg-Charente,, à Châtres; c'est, enfin, l'application de ce principe qui donne à la nef de la cathédrale Saint-Martin d'Angers son aspect d'élégance robuste.

Que doit-on conclure du plan exceptionnel de la nef de la collégiale de Saint-Emilion, dont les murs ont plus de 150 d'épaisseur, où de minces contreforts s'accusent extérieurement par une faible saillie, tandis qu'intérieurement une simple colonne appliquée sur un étroit pilastre reçoit la retombée de l'arc-doubleau? Ne faut-il pas voir là l'indication de deux campagnes de construction bien distinctes: une première période donnant à la nef une forme complète avec des voûtes en berceau qu'une seconde campagne trans

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