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LOAN STACK

DC611 N841

56

v. 10

LE

DERNIER DES DUCS NORMANDS

ÉTUDE

DE CRITIQUE HISTORIQUE

SUR

ROBERT COURTE-HEUSE

par

GASTON LE HARDY

CHEVALIER DE L'ORDRE DE PIE IX

DOCTEUR EN DROIT

VICE-SECRÉTAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE NORMANDIE

1 203

Il est une maxime brutale contre laquelle tout cœur vaillant protestera toujours, mais dont les faits affirment trop souvent l'affligeante réalité.

Væ victis! Malheur aux vaincus! La force écrase le droit, et son triomphe, s'il est durable, arrive rapidement à effacer ou à défigurer jusqu'au souvenir des victimes. L'histoire elle-même se ploie aux besoins des victorieux; écrite sous leur dictée, éclairée seulement par leurs récits, guidée par leurs faveurs, elle ne tarde pas à devenir leur complice, et ses complaisances ou ses erreurs achèvent et consacrent le sacrifice des causes vaincues.

Puis les contemporains, les témoins de la lutte une fois disparus, les compilateurs transmettent d'âge en âge la tradition des faits officiels, et les siècles recouvrent de leur poids sans cesse accru les injustices et les préjugés d'intérêts politiques oubliés et désormais inaperçus. ·

L'antiquaire n'est pas un historien. Les vastes récits, les grandes vues d'ensemble où l'on considère

toute la marche des peuples ne sont pas son affaire. Plus petit est son domaine, et ses études se rétrécissent à des points isolés, à des détails spéciaux où il restreint ses recherches. Cependant, fier de n'être pas un copiste, il se dit comme le poète :

Mon verre n'est pas grand, mais je bois dans mon verre.

Son œuvre est de chercher à côté de l'histoire toute faite les détails qui éclairent et contrôlent les récits que les historiens se passent de main en main, et son travail patient a pour but et pour récompense de préciser le sens, et aussi, la valeur exacte des traditions reçues.

C'est une découverte pour lui de retrouver un texte oublié qui éclaire un point obscur de nos annales, ou bien un débris du passé qui témoigne des actions, des mœurs, des habitudes de nos aïeux. Mais n'est-ce point aussi une œuvre qui lui convienne que de comparer les textes déjà connus, d'apprécier les circonstances où ils ont été écrits, de se rendre compte des passions qui les ont pu dicter, pour en arriver à juger ces textes eux-mêmes, et à voir, au travers de leur témoignage, les choses inavouées ou dissimulées qu'ils recouvrent ?

Je l'ai cru, et c'est ainsi que j'ai entrepris, à l'aide de quelques autres chroniqueurs, une lutte contre notre vieil Orderic Vital, essayant de lui arracher par lambeaux la vérité vraie sur un personnage dont il ne nous a donné que la caricature, parce que c'était l'ennemi, et qui pis est, la victime de Son maître.

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