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gallo-romaine. Et d'abord les débris trouvés sont assez significatifs, soit par la place qu'ils occupaient dans un sol non remué, sous un blocage intact; soit par les types bien connus avec lesquels on peut les identifier. Ces objets sont plusieurs fragments de tuiles à rebord; un débris de l'anse d'un grand vase en terre rouge; plusieurs parcelles de poterie légère; de nombreux morceaux de ciment de deux sortes différentes, l'un semblable au Portland actuel, de couleur grise, et dure comme le grès; l'autre composé de chaux et de sable; et un silex taillé, sans caractère précis, ébauche de grattoir peut-être. Or ces objets se rapportent à des types gallo-romains bien

connus.

En second lieu, j'invoquerai comme une preuve non moins plausible, la symétrie du plan, la rectitude des lignes, l'appareil si soigné appliqué à tous ces grès si réfractaires à la taille; la perfection relative de ce blocage dont les parties les plus délicates ont été détruites. J'ai pensé que cette patience et cette habileté n'avait pu être ainsi prodiguées à un ouvrage perdu au milieu des forêts, que par ces mains gallo-romaines, qui marquaient de leur empreinte leurs travaux même les plus rustiques.

Enfin est-il possible d'expliquer quelle pouvait être la destination de ces ouvrages, leur raison d'être au milieu de ces solitudes? Je ne voudrais pas répondre à cette dernière question par des hypothèses téméraires; mais il est incontestable que nous nous trouvons ici en face de présomptions sérieuses. Autour de nous le sol de la forêt est tourmenté d'une façon singulière; buttes, dépressions, moellons errants, fossés, arrêtent de tous côtés le regard; le chemin gallo-romain de Senlis à Creil passe à nos pieds; toute la région est peuplée de vieux souvenirs : lieux dits, chemins, fontaines, fosses, la butte des morts,

et le Prêche Démoly dont il sera question ci-après, et ce Barrum de Roboreto, dont le site est encore ignoré mais dont le nom plane sur toute la contrée. Or, toutes ces preuves de l'activité humaine dans ces parages que l'on aurait pu croire déserts, ne nous autorisent-ils pas à affirmer, que sur ces ruines, les Gallo-Romains avaient élevé un poste fortifié, un barrum, pour commander les débouchés de cette grande forêt de Halatte, qui se terminait près de là.

J'aurais voulu pouvoir faire un pas de plus, et identifier de suite notre barrum avec celui de Roboreto lui-même. Notre collègue, M. de Caix, si compétent en ces matières, m'a demandé, à la fin de cette lecture quelles raisons m'empêchaient de le faire. Deux surtout, lui ai-je répondu, me retiennent jusqu'à plus ample informé l'absence de preuves immédiates d'abord, et ensuite l'éloignement du chemin de la barre Rouvroy: ce nom significatif indique une destination si précise, qu'il ne peut être négligé. Je crois donc prudent de chercher d'abord sur son parcours qui, entre autres indices, laisse sur sa droite un tronçon d'aqueduc gallo-romain, une rigole que je désire suivre à travers le Rigalot. Peut-être ces nouvelles études me ramèneront-elles à la solution pour laquelle notre confrère a formulé ce vou bienveillant. Ce serait en effet un honneur pour notre emplacement de représenter un tel souvenir et profit pour notre histoire locale.

Si donc le Congrès juge la question assez intéressante, je lui demanderai d'obtenir de Mgr le duc d'Aumale l'autorisation nécessaire et de m'accorder un léger crédit pour continuer les recherches.

Second emplacement.

Je n'ai que peu de chose à dire du second emplacement.

De la Vigne le désigne sous le nom du Prêche Démoly. De la Vallée de Pont et de celle de Saint-Leu, les adeptes de la nouvelle doctrine, pouvaient se rendre à ce temple. mystérieux, par le chemin des Huguenots qui le desservait au moyen d'un court embranchement. Cet asile a été détruit, brûlé peut-être comme un hérétique qu'il était; et c'est sans doute pour que le sol lui-même qui avait porté le temple et son pourpris, expiât son forfait par une destination pieuse, que le bouquet de bois qui l'abritait fut détaché de la forêt du roi et donné à l'église d'Aumont. Quoi qu'il en soit les fondations ont été arrachées, les meilleures pierres enlevées; mais en remuant les décombres amoncelés, j'ai recueilli d'assez nombreux fragments de tuiles à rebord. On peut donc supposer que les Huguenots ont profité d'une ancienne construction encore existante, ou qu'ils en ont relevé les ruines.

Les constructions formaient deux parallélogrammes inégaux le plus grand mesurait 10-50, l'autre 550 environ de largeur, de l'ouest à l'est, sur une longueur commune de 9 mètres à peu près. En dehors de ces deux enceintes, à quelques mètres vers le nord, on aperçoit les vestiges de quelques dépendances. Les mêmes causes ont arrêté ici mes recherches, il conviendrait peut-être de les reprendre, car partout où apparait la tuile romaine, nous devons sans hésiter porter la pioche; le temps emporte chaque jour ces débris contemporains de nos origines, notre devise nous fait un devoir d'en conserver au moins le souvenir.

La parole est ensuite donnée à M. Hayaux du Tilly, par la lecture d'un mémoire sur la douzième question: Rechercher l'emplacement de Litanobriga et de Bratuspantium.

Bratuspantium.

Bratuspantium et Litanobriga, situés sur le territoire des Bellovaques, figurent dans le très-petit nombre des villes mentionnées, soit dans les commentaires de César, soit dans les itinéraires d'Antonin et de la Table, dont l'idendité n'a pas encore été bien exactement déterminée. Cette obscurité, qui peut à la rigueur se comprendre pour Litanobriga, ne s'explique pas aussi facilement à l'égard de Bratuspantium, qui était un oppidum considérable, et la capitale d'un état puissant.

Plusieurs auteurs ont cherché à faire la lumière sur cette question; malgré de nombreuses dissertations la solution reste encore à trouver.

La variété de celles qui ont été proposées montre à quel degré les divergences ont existé.

Ainsi Bratuspantium est identifié avec Beauvais, par Cluvier, Scaglier, Sanson, Clarke, Oudendorp, de Valois, Loysel, Simon, Hermant et Walcknaër;

Breteuil - Vendeuil - Caply par Louvet, Mabillon, Bonami, d'Anville, Cambry, d'Allonville, Mouret, Graves Woillez, l'abbé Devie et l'abbé Barraud;

Montdidier, par le chanoine de Lamorlière et Grégoire d'Essigny;

Gratupance ou Grattepanche, par Perrot d'Ablancourt;

Grandvilliers, par Bovelle;

Beaumont-sur-Oise, par Vigenère;

Clermont en Beauvoisin, par quelques autres.

D'autres auteurs enfin n'ont pas craint de faire un long et inexplicable voyage pour identifier le Bratuspantium des Bellovaques avec Bagacum des Nerviens.

De ces huit solutions, quelle est la bonne?

C'est ce que je vais rechercher, et j'espère arriver à n'en pas proposer une neuvième.

Je n'entrerai pas dans le détail des opinions produites par chacun des auteurs que je viens de nommer, à l'appui de leurs thèses respectives.

Les partisans de l'identification avec Beauvais, s'appuient, il faut bien le dire, sur des considérations qui sont loin d'être sans valeur. Ainsi ils invoquent le changement de nom imposé à la ville capitale du peuple vaincu, et pour eux, Bratuspantium est devenu Cæsaromagus, après la conquête, et plus tard, a pris le nom du peuple pour devenir Bellovacum.

Une autre considération, à défaut de preuve contraire, ne leur permet pas d'admettre que l'oppidum, c'est-à-dire la capitale des Bellovaques, ait pu être placé à leur frontière du Nord, et n'ait pas été situé au cœur même du pays.

Les auteurs qui admettent Breteuil ont d'abord cru voir une analogie de nom entre Bratuspantium et Breteuil, puis ont trouvé l'identification complète avec un lieu dit: Bratuspance, situé près de Breteuil, à Vendeuil-Caply. Cette identification est devenue, pour eux, d'autant plus indiscutable, qu'on a découvert précisément auprès de Bratuspance, les traces d'un ancien établissement romain, ainsi que des armes, des médailles et des objets divers dont l'origine romaine n'a fait doute pour personne

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