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réconcilié avec le duc et ayant recouvré ses fiefs, réclama de St-Évroult ladite terre. La guerre d'Angleterre, où il fut blessé au genou, étant terminée, Robert DE GUITOT, frappé d'une maladie mortelle, sentant la mort venir, donna de bon cœur aux fidèles de Dieu (aux moines de St-Évroult) toute la terre qu'il avait revendiquée. Cette donation fut faite à Douvres (apud Doveram) en présence d'Odon, évêque de Bayeux....... Voici le texte d'Orderic Vital, lib. III,

p. 105:

« Rotbertus vero de WITOT post longum tempus duci « reconciliatus est, et honore suo recuperato præfatam « terram S° Ebrulfo calumniatus est; sed non multo post « bello anglico, ubi et ipse in genu vulneratus est, peracto, <«<lethiferam ægritudinem incurrit. »

Que conclure de toutes ces recherches et de tout ce contrôle de textes ?

Il résulte pour nous une conviction bien arrêtée de l'incontestable noblesse de vieille date de l'honorable famille des Guiton. Nous retrouvons des chartes qui les mentionnent dès la fin du XIIe siècle et à toutes les dates depuis 1192.

Mais là s'arrêtent pour nous les recherches de noblesse des de Guiton: nous ne prétendons pouvoir affirmer que cette noble race ne remonte pas au-delà; mais nous n'avons pu trouver des textes antérieurs au XIIe siècle.

Quant aux Guitot (que nous ne pouvons assimiler aux Guiton), il nous paraît hors de toute conteste qu'il y a eu un Robert de Witot, mentionné par Orderic Vital comme l'un des assassins de Gislebert, comte de Brionne, et qui, pour ce crime, fut disgrâcié et exilé par Guillaume-le-Bâtard. Rentré plus tard dans les bonnes grâces du prince, il le suivit en Angleterre, fut blessé

au genou à Hastings et mourut à Douvres, près Caen. Si donc il ne s'agit que de répondre à la question posée nettement par notre très-honorable confrère, M. de Guiton La Villeberge :

<< Y a-t-il eu des individus du nom de Guiton ou Guitot « à la conquête et établis en Angleterre ? »

Nous répondrons que si nous n'avons pas rencontré de Guiton, nous avons du moins trouvé, mentionné dans Orderic Vital, un seigneur nommé Robert de Witot ou Guitot (1).

Ajoutons que c'est le seul texte que nous puissions citer, puisque ni les Witot, ni les Witon, ni les Guiton, ni les Guitot ne se retrouvent sur la liste de l'Abbaye de la Bataille, ni sur celle de la Chronique de Brompton, non plus que sur les listes de Duchesne, de Hollingshed, ni sur les deux listes de Leland dans ses Collectanea de rebus britannicis.

Nous ne pouvons expliquer cette lacune en présence du texte d'Orderic Vital; mais elle n'est que trop réelle, et nous devons la signaler; en nous demandant si Orderic Vital a pris un nom pour un autre. Mais, dans le doute où nous sommes, il faut s'en tenir à la parole du sage et s'abstenir.

Le rapporteur de la Commission, à laquelle vous avez confié ce travail ardu et pénible, ne peut terminer sans vous assurer que les prétentions de M. de Guiton auraient été légitimées, si elles avaient pu l'être.

M. l'abbé Do a rédigé, de son côté, une savante note

(1) Personne n'hésite à voir une parfaite synonymie entre la première syllabe de Witot et celle de Guitot, le W et même le V simple égale Gui. Willelmus-Guillelmus, Vibray-Guibray. Mais nous ne pouvons admettre que la seconde syllabe soit identique: tot n'est pas l'égal de ton, et GuiTOT ou WiTOT ne peuvent devenir Guiron ou WiTON.

sur l'identité du W avec le Gu, que M. le Président et le Rapporteur ne songeaient même pas à établir, tant ils jugeaient cette identité indiscutable. Ils jugeaient tout aussi indiscutable l'impossibilité de ramener tot à ton. Witot fait bien Guitot, mais ne saurait devenir Guiton. Pour essayer de l'établir, M. l'abbé Do rappelle, d'après Huet et de La Rocque, que la terminaison tot, si fréquente dans les désignations de localités normandes : Grastot, Brestot, Malletot, Routot, Hébertot, etc., désigne une habitation ou la place d'un bâtiment.

Ď'un autre côté, la terminaison ton est, d'après Ménage, la déformation de Dunum, dun, qui serait devenu tun, ton. De là, Witon ou manoir bâti sur une élévation auquel se rattacherait une idée de blancheur.

Puis, laissant ces questions de mots, dont après tout il fait bon marché, M. l'abbé Do espérait avoir trouvé dans un extrait du Doomsday-Book, inséré par Houard dans ses Coutumes anglo-normandes (t. I, p. 223), la preuve de la présence d'un Witon à la conquête; mais une lecture plus attentive lui a bientôt démontré l'exactitude de nos recherches et de nos conclusions:

« Je viens m'exécuter bravement et vous épargner, à « vous et à M. Puiseux, des recherches maintenant «< inutiles. J'ai pris hier le Pirée pour un homme. Je << retire donc ma note; elle n'est plus bonne qu'à prouver, • s'il en était besoin, que nous avons consciencieuse«ment essayé de toutes les hypothèses pour entrer « dans les vues du très-noble et très-vénérable M. de « Guiton; mais impossible ! »

En effet, votre rapporteur avait, par l'entremise si bienveillante et si courtoise de M. le serjeant-at-law Peter Burke, obtenu une véritable consultation en règle d'un généalogiste éminent, M. John Hughes, qui ré

digea une note explicite sur la branche de la noble famille Witton, établie en Angleterre.

Vous le voyez, Messieurs, rien n'a été négligé, ni les recherches individuelles de chacun des membres de la Commission, ni les textes invoqués par MM. de Courcy, Desroches et de Magny, ni les lettres si fermement rédigées par l'honorable M. de Guiton, ni même les avis des généalogistes étrangers.

Après tout ce travail, nous pouvons affirmer qu'à défaut de tout texte original et qu'en l'absence du nom de Guiton dans le Doomsday-Book et sur les diverses listes de la Conquête, Orderic Vital cite, parmi les compagnons de Guillaume-le-Conquérant, Robert de WITOT, dont nous devons faire un GUITOT, mais dont nous ne saurions, en définitive, faire un GUITON. Eug. CHATEL.

V.

NOUVELLES ARCHÉOLOGIQUES, FAITS DIVERS,

Discours prononcé à Bernay (Eure), à l'occasion de l'inauguration d'un marbre commémoratif appliqué à la maison où naquit M. Auguste Le Prevost.

MESSIEURS,

Je suis heureux, en ce jour solennel, de pouvoir ici offrir mon hommage à la mémoire de l'illustre et modeste savant qui voulut bien soutenir et guider mes premiers pas dans la carrière de l'archéologie du moyen-âge, science aujourd'hui si répandue, devenue en quelque sorte populaire, et autrefois si peu connue. Non, Messieurs, je n'oublierai jamais que, lorsque je

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me hasardai à publier mon premier ouvrage, celui qui a pour objet la Description historique des maisons de Rouen les plus remarquables par leur décoration et par leur ancienneté, M. Auguste Le Prevost se plut à me donner des encouragements et à me procurer des notes qui ont contribué à rendre mon œuvre plus intéressante et plus digne d'être offerte à un public éclairé.

M. Le Prevost était d'une obligeance extrême, on ne saurait trop le répéter; c'était pour lui un bonheur que d'accueillir les personnes chez lesquelles il reconnaissait du goût pour ses études de prédilection.

C'est pour moi une douce jouissance que d'acquitter, en ce jour mémorable, la dette de la reconnaissance et de l'amitié.

L'Académie impériale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, et la Société libre d'Émulation, du Commerce et de l'Industrie du département de la Seine-Inférieure ont entendu l'appel que leur a fait M. de Caumont, notre digne chef normand, à qui reviennent toutés les initiatives. Ces deux sociétés savantes, à la première desquelles M. Le Prevost a long-temps appartenu comme membre résidant, ont voulu être représentées à cette solennité. J'ai accepté avec empressement l'honorable mission d'être le délégué de la Société libre d'Émulation du Commerce et de l'Industrie de la Seine-Inférieure. Je laisse à des voix plus éloquentes que la mienne la tâche de parler dignement de l'homme regretté qui fait l'objet de cette grande et imposante réunion, de proclamer les excellentes qualités de son cœur et de son esprit, de louer son commerce facile et bon, de glorifier, enfin, ses vastes connaissances et ses nombreux et utiles travaux.

E. DE LA QUÉRIÈRE.

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