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Maheut, qui fut en charge de 1655 à 1658, jusqu'à Marie-Alexandre, on compte sept supérieures, dont l'administration, à raison de 3 ans par abbesse, dura 21 ans, nombre qui, ajouté à 1655, date de l'entrée en charge de Marie Maheut, donne 1676. En suivant la succession triennaire, Marie-Alexandre aurait administré le couvent de 1676 à 1679.

Tout semble nous prouver que la pierre tombale dont nous cherchons à nous rendre compte est bien celle de cette abbesse; mais comment nous expliquerons-nous cette discordance entre les trois chiffres qui nous sont donnés ?

Nous sommes en présence de trois dates: la première, gravée sur la pierre, 1687; la seconde, donnée par la mère Le Silleur, 1685; la troisième, obtenue par le calcul auquel conduit la succession triennaire, 1679; serait-ce que les abbesses gouvernèrent la maison plus de trois ans chacune? Y a-t-il une erreur dans l'inscription et dans le manuscrit où nous nous sommes renseigné? Nous ne pouvons que hasarder, sur ce point, une conjecture qu'on prendra pour ce qu'elle vaut.

Nous pensons que la succession triennaire fut observée; mais que peut-être, entre l'expiration des pouvoirs de Louise Liesse (octobre 1676) et l'entrée en fonction de Marie-Alexandre, il y eut une vacance qui se prolongea pendant plusieurs années.

L'abbaye royale de St.-Clair, fondée par Marguerite. de Lorraine, belle-mère de la sœur de François Ier. et bisaïeule de Henri IV, fut l'objet d'une protection toute spéciale de la part des rois de France et de plusieurs princes. Ainsi, en 1562, lorsque Coligny, après la bataille de Dreux, s'empara d'Argentan, Jeanne d'Albret sauva le tombeau de la fondatrice de la profanation

dont il était menacé, et rétablit les religieuses dans le monastère d'où elles avaient été expulsées. En 1563, Catherine de Médicis, étant venue à Argentan, visita ce couvent. Elle était accompagnée de ses cinq enfants et du jeune Henri de Navarre. Ce prince, devenu roi de France, se souvint toujours de cette visite, et il en donna des preuves aux religieuses même avant son abjuration.

Il n'est donc pas étonnant que l'abbaye de St.-Clair, grâce à ces hautes protections, n'ait pas subi la commende depuis sa fondation jusqu'en 1676. A cette époque, Louis XIV, si jaloux de son autorité, nomma une abbeşse commendataire pour succéder à la mère Louise Liesse; mais la cour de Rome n'envoya pas les bulles d'institution à la sœur Françoise de Viel, nommée par le roi.

Voici, à ce sujet, ce que rapporte la mère Le Silleur:

«En l'année 1676, le roi Louis XIV nomma des abbesses à toutes les maisons de notre ordre, et donna le brevet de notre maison à sœur Françoise de Viel de Surosne. Tout l'ordre de saint François supplia le roi de nous laisser dans l'observance de nos règles; ce qui a fait surseoir l'affaire. Le pape Clément, pour lors aú Saint-Siége, n'a pas voulu accorder la bulle. Dieu veuille que ses successeurs fassent de même pour le bien de l'ordre. »

Pendant deux ans, Louise Liesse administra la maison comme présidente.

« Enfin, dit M. l'abbé Laurent, on se hasarda à faire une nouvelle élection, puis une seconde, sans qu'aucune poursuite fût faite contre la communauté ; Françoise de Surosne, étant morte en 1683, il ne fut plus question d'abbesses commendataires. »

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Il est probable que les deux élections faites du vivant de l'abbesse commendataire ne comptèrent pas, et leur nom ne fut point porté sur la liste des supérieures de la communauté. Après un interrègne de sept ans, MarieAlexandre fut, en 1683, placée à la tête du couvent, qu'elle administra jusqu'en 1685, époque de sa mort. Dans ce cas, l'inscription de la pierre tombale la ferait vivre deux ans de plus qu'elle n'aurait vécu en réalité.

D'ailleurs, ce ne serait pas la première fois qu'on aurait pu constater, les chartes en main, de pareilles erreurs dans les inscriptions funéraires; celle que nous constaterions ici s'expliquerait par les ménagements extrêmes dont les religieuses durent user avec Louis XIV. Le grand roi, à la mort de Françoise de Surosne, n'avait pas nommé d'abbesse commendataire; mais, quelques années plus tôt, il avait défendu aux religieuses d'élire une abbesse, et cette défense il ne l'avait pas retirée. Aussi, après avoir procédé sans autorisation à la nomination de Marie-Alexandre, peut-être n'osèrentelles pas, au moment de son décès, graver sur sa tombe une inscription que tout le monde pouvait y lire.

Peut-être enfin, Marie-Alexandre a-t-elle succédé à Louise Liesse du vivant de l'abbesse commendataire, en 1678. La succession triennaire n'aurait été interrompue que pendant deux ans, lors de la présidence de Louise Liesse. A sa mort, bien qu'elle ne fût plus abbesse, on lui aurait conservé ce titre dans l'inscription gravée sur son tombeau. Nous penchons toujours à croire que l'erreur existe dans l'inscription tumulaire plutôt que dans le manuscrit. Mais, nous le répétons, ces considérations ne sont que de simples conjectures, et nous les émettons sous toutes réserves.

Alfred DE COMBES.

V.

NOUVELLES ARCHÉOLOGIQUES, FAITS DIVERS.

Le prix élevé qu'ont atteint presque tous les objets provenant de la collection de M. Abel Vautier a singulièrement atténué le regret, que j'éprouvais d'abord, que les faibles ressources dont la Société peut disposer, ne nous laissassent pas l'espoir de conserver des richesses archéologiques qui, pour nous, auraient puisé une nouvelle valeur dans le souvenir de leur possesseur.

Cependant quelques épaves, difficilement obtenues, viendront s'ajouter encore aux objets que nous tenions déjà de la libéralité de notre collègue bien-aimé.

Au premier rang, se place une monnaie mérovingienne, doublement précieuse au point de vue de sa provenance et de son origine.

C'est un tiers de sol d'or du VI. siècle au plus tard, trouvé en 1824 au Catillon, près le bac de Bénouville. Il ne porte aucune souscription royale, mais seulement un buste diadémé et le nom deux fois répété de l'atelier monétaire de Quintoviticus.

Cet atelier monétaire, connu par les deniers carlovingiens de Pépin, Charles-le-Chauve, Charles-le-Gros et Charles-le-Simple, n'avait pas été signalé, que nous sachions, sur les monnaies mérovingiennes, du moins nous ne le trouvons pas mentionné dans la table du Manuel de numismatique moderne.

Cette monnaie démontre que le poste du Catillon, destiné à protéger la navigation de l'Orne contre les invasions des barbares du Nord, Saxons ou Normands,

avait conservé cette destination après la chute de la domination romaine dans les Gaules, et confirme, sous ce rapport, les inductions que l'on avait déjà pu tirer de la présence, dans l'enceinte du Catillon, des vestiges de sépultures chrétiennes révélées par les fouilles opérées sous la direction de M. Charma.

Déjà j'avais eu l'occasion de faire connaître, dans le VI. volume des Mémoires de la Société, l'existence de cette monnaie, qui m'avait été communiquée par M. Bénard, ancien greffier de la Cour, auquel elle appartenait alors. Cette Notice était accompagnée d'un dessin dû au crayon si correct de M. Léchaudé-d'Anisy. Je la croyais perdue pour notre pays, lorsque je la retrouvai dans la collection de M. Vautier, et je me félicite d'avoir pu la faire entrer dans notre collection, grâce à la bienveillante coopération de notre collègue, M. Pay

sant.

J'ai pu acquérir aussi, à un prix bien modique, un lot, du reste fort peu homogène, mais dans lequel je convoitais principalement trois haches celtiques en bronze, l'une desquelles était remarquable par le caractère tout particulier de sa lame profondément évidée, et de son tranchant fortement évasé et parfaitement affilé.

Dans ce lot, se trouvaient également des vases péruviens, dont l'un, fort remarquable par la présence de l'ornement singulier qui traverse le lobe des deux oreilles, puis enfin une image, en terre cuite vernissée, d'une divinité malfaisante, honorée par les Indous sous le nom de Kalika.

Enfin, en voyant passer sous mes yeux des vases vénitiens aux formes capricieuses, vendus à des prix plus capricieux encore, je regrettais de ne pouvoir offrir aux regards des visiteurs du Musée un spécimen quelconque

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