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commencer sa lecture. M. Charma a d'ailleurs eu le talent, par le soin avec lequel il a fait ressortir les moindres détails de ce manuscrit, d'exciter vivement l'intérêt de l'auditoire. »

« M. Puiseux, bibliothécaire de la Société des Antiquaires de Normandie, a retracé, dans une étude pleine de science et d'intérêt, les tentatives de colonisation anglaises en Normandie, au XVe siècle.

« Le Gouvernement anglais, qui n'avait pu ni se concilier, ni dompter, ni retenir en Normandie la population indigène, se montra également impuissant à y acclimater une population anglaise. Maître de la Normandie, le roi Henry V se proclama l'unique et universel propriétaire de toutes les terres et biens immeubles. Il en rendit une partie, à titre de don, aux Normands soumis. La plus large part fut distribuée à ses compagnons. Ce fut la contre-partie et comme la revanche du DoomsdayBook. Henry constituait ainsi autour de lui une nouvelle féodalité militaire, qui devait embrasser et contenir tout le pays.

<«< Mais la plupart de ces concessions n'étant faites qu'à titre viager, les concessionnaires ne s'y attachèrent que faiblement, et, se sentant mal à l'aise, d'ailleurs, au milieu des populations indigènes, ils repassèrent peu à peu en Angleterre. Un système plus radical fut appliqué à quatre villes du littoral. La population normande y fut remplacée par une population anglaise, en totalité à Harfleur, en très-grande partie à Caen, Honfleur et Cherbourg. C'étaient quatre nouveaux Calais, destinés à river le Continent à l'Angleterre ces villes reçurent, en effet, d'une manière plus ou moins complète l'organisation qu'Édouard III avait donnée à Calais.

« Pour peupler ses colonies nouvelles, Henry V fit

appel à ses sujets de la Grande-Bretagne. Malgré le dire des chroniqueurs, on n'y répondit qu'avec un enthousiasme très-modéré.

« Un grand nombre de concessions de maisons sont parvenues jusqu'à nous, surtout pour Harfleur.

« Les nouveaux habitants sont tous anglais, et presque tous marchands et gens de métier. Les rues mêmes prirent des noms anglais.

« L'auteur, examinant les obligations diverses auxquelles sont soumises ces concessions, signale celle qui défendait d'aliéner ces maisons à d'autres qu'à des Anglais, et la défense plus générale qui défendait d'épouser, sans permission, une Française.

« Malgré les efforts de Henry V et de ses successeurs pour développer les colonies nouvelles, malgré les immunités, les priviléges commerciaux, etc., ces colonies ne prospèrent pas. Ni la terre, ni la mer ne sont sûres ici des corsaires bretons, là des compagnies françaises et les brigands, comme les Anglais appellent les Normands insurgés. L'Angleterre se refroidit pour des possessions auxquelles il faut prodiguer les hommes et l'argent, et qu'en outre il faut nourrir. D'autres causes encore contribuent au dépérissement des établissements anglais, notamment le caractère viager des concessions, appliqué aux maisons comme aux terres, l'absence des libertés municipales, si chères aux Anglais.

« Les colons se dégoûtent et repassent le détroit; pour arrêter cette désertion, Henry V va jusqu'à édicter la peine de mort.

« Il est curieux de comparer les destinées de Calais et celles d'Harfleur. Dans l'une et l'autre ville, malgré les précautions rigoureuses prises par les rois d'Angleterre

qui en excluaient tout habitant s'il n'était Anglais, l'élément indigène reparaît furtivement, et insensiblement, finit par dominer. Il se trouva assez fort à Harfleur pour y élever, en 1435, la bannière de France. Rentré, à la vérité, l'année suivante, en possession de cette ville, le Gouvernement anglais y renouvela encore les habitants, et lui donna cette fois, outre un surcroît de priviléges commerciaux, les libertés municipales les plus étendues. Vains efforts! En 1449 et en 1450, lorsque les armées libératrices de Charles VII entrèrent en Normandie, il n'y avait plus à Harfleur, et dans chacune des trois autres villes, que quelques centaines de familles anglaises.

« La masse de la population y était redevenue normande et y salua avec enthousiasme la bannière française. Sauf l'Université de Caen, les Anglais n'ont rien fondé en Normandie. Les Normands, quatre siècles auparavant, avaient créé en Angleterre une grande et forte. nation, parce qu'ils s'étaient détachés du continent et s'étaient identifiés avec leur nouvelle patrie. Les Anglais ont échoué sur le continent, parce qu'ils ont voulu faire de la France une barque à la remorque de leur vaisseau.»>

« M. de Formeville, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, a tiré des archives ecclésiastiques du Calvados un savant travail sur les droits dont jouissaient autrefois les chanoines de Lisieux. L'histoire de ces chanoines est surtout marquée par leurs luttes incessantes avec les évêques, beaucoup plus souvent pour l'extension que pour la conservation de leurs priviléges; car ils se prétendaient constamment exempts de toute juridiction épiscopale, et, après cinq siècles de procès, il fallut, en 1744, un arrêt solennel

du Conseil du roi pour rendre enfin aux évêques de Lisieux le plein exercice de leurs droits imprescriptibles de juridiction.

« De son côté, le Chapître possédait des priviléges incontestés qui ne manquaient pas d'importance. Onze chanoines, dont les canonicats remontaient à la première fondation de la cathédrale, vers l'an 1055, avaient le titre de barons, de même que les huit premiers chanoines de la cathédrale d'Évreux s'appelaient barons d'Angerville, à cause des prébendes qu'ils possédaient dans cette paroisse.

« Un autre privilége des chanoines de Lisieux consistait à exercer, à la place de l'évêque, pendant deux jours de l'année, les 10 et 11 juin, à la fête saint Ursin, les droits utiles et honorifiques attachés à la qualité de comte de Lisieux. Deux d'entre eux faisaient, en conséquence, une cavalcade dans la ville, revêtus de leurs ornements sacerdotaux, ayant une guirlande de fleurs 'sur l'épaule et un bouquet à la main, précédés de leurs hommes d'armes et accompagnés d'un brillant cortége.

« Il dépendait encore du bon vouloir des chanoines de permettre aux évêques de ne pas traverser la ville, ayant les pieds nus, lors de leur prise de possession de l'évêché.

« S'il appartenait aux papes et aux évêques de fulminer des monitoires pour découvrir les coupables de certains crimes, le Chapitre se croyait en droit d'en faire autant, même contre de simples fraudeurs des droits de la gabelle. Lorsque les êvêques faisaient poursuivre quelque crime commis sur les territoires de leurs prébendes, les chanoines s'y opposaient avec énergie.

« Enfin, ils se croyaient tellement les maîtres de leur cathédrale, qu'ils défendaient aux évêques d'y afficher

leurs mandements, etc. En ce qui concernait la censure sur tous les membres du clergé, ils s'en réservaient exclusivement l'exercice.

<< Au nombre des cérémonies religieuses qu'ils célébraient en dehors de leur canonicat, c'est-à-dire des sept offices de chaque semaine, il faut noter comme étant spéciales à leur église: 1° l'Adoration de la Crèche, par les bergers, pendant la nuit de Noël; 2o la Réconciliation des pénitents, le Jeudi-Saint, après leur expulsion de l'église durant tout le Carême; 3° le chant de l'hymne Gloria laus, le jour des Rameaux, au retour de la procession, par des musiciens placés dans une galerie entre les deux tours.

<< Si parfois, durant sept siècles, quelques faits repréhensibles se sont produits à la charge des chanoines de Lisieux, on doit aussi reconnaître que ce corps, dont quarante-sept membres furent élevés à la dignité épiscopale, fut toujours un des plus renommés parmi les chapitres de France.

« Dès le commencement du XIIIe siècle, le pape Innocent III disait, dans sa cent quatre-vingt-huitième lettre : Sacrum collegium canonicorum Lexoviensium imprimis spectabile, et le Parlement de Rouen, en 1774 et 1788, félicitait les chanoines de Lisieux de la noblesse de leur conduite, de leur sagesse et de leurs lumières. »

« M. Joly, professeur à la Faculté des Lettres de Caen, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, a eu la pensée de chercher ce qu'avait été le Parlement de Provence à l'époque du jugement des Vaudois. On a beaucoup parlé de ce procès; on n'a pas songé à se demander ce qu'avaient été les juges, quels étaient leurs mérites professionnels et le régime intérieur du

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