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envers le roi, avec clause expresse qu'il sera retenu prisonnier jusqu'à parfait paiement. Le comte d'Armagnac, pour venger la mort d'un de ses parents, tué dans une rixe par Gérard de Castelbon, avait fait à ce dernier une guerre barbare : « Inventum fuit, dit l'arrêt, quod ⚫ dominus comes et gentes suæ quæ cum eo venerant « dederunt et fecerunt dicta damna, obsidendo castra « dicti Geraldi de Casali bono, incendio concremando, « depredando, interficiendo homines et mulieres in «< castris. existentes, extirpando vineas et hortos, et « arbores fructiferas abscidendo. » L'attentat du comte d'Armagnac avait paru d'autant plus grave que son adversaire, craignant sa vengeance, avait eu soin de se placer dès le début de l'affaire sous la garde du roi, dans les prisons duquel il s'était même volontairement rendu.

Dix ans plus tard, en 1282, nous trouvons un arrêt qui prononce une peine semblable contre un sire de Dourdens, pour des faits de violence dont la gravité n'est guère moindre. Ce seigneur, irrité contre une venve de ses parents qui lui disputait un héritage, avait pénétré de vive force, entouré d'une bande de gens. armés, dans le château de celle-ci. Après l'avoir poursuivie l'épée à la main jusque dans son lit, il avait enlevé tous les meubles et bijoux qu'elle possédait Quant aux objets qu'il n'avait pu emporter, aveuglé par la colère, il les avait détruits; c'est ainsi qu'il avait défoncé les tonneaux de vin, brisé les moulins, et, après avoir blessé les serviteurs qui les, gardaient, tué 28 vaches et bœufs de son ennemie : « Fregit portas domus et ostia « camerarum et cum ensibus perforavit lectum dominæ, « et fregit scrinia dominæ, et secum detulit cartas et << jocolia ibidem existentia; fregit etiam celarium

« suum et vina effudit, et viginti octo tam boves quam « vaccas, quos ibi habebat domina, dictus Gauffredus << occidit, et molendinum dictæ dominæ diruit. »

Restreignons, en terminant, notre attention à ceux de nos anciens arrêts qui concernent le duché de Normandie. La province de Normandie, il est vrai, sous le règne de Philippe-le-Hardi et de ses successeurs, possédait un tribunal d'un ordre élevé qui lui était propre. L'Échiquier, comme au temps des anciens ducs, était tenu à peu près chaque année, à Rouen ou bien encore à Caen et à Falaise, par un certain nombre d'évêques d'abbés et de seigneurs normands, que présidaient des commissaires délégués par le roi. Mais la juridiction de l'Échiquier ne s'étendait pas nécessairement à toutes les contestations importantes naissant dans la province. De plus, il est certain que, jusqu'à son érection par le roi Louis XII en tribunal suprême et permanent, il était permis d'appeler des décisions de l'Échiquier devant le Parlement de Paris, seul représentant direct et immédiat de la majesté royale. Il était naturel, dès lors, que, dans le. volume que nous examinons, il se rencontrât un assez grand nombre d'arrêts, tranchant des questions qui avaient pris naissance en Normandie.

Notons d'abord deux arrêts rendus en 1280, relatifs aux abbayes de Troarn et de Bernay. Pierre, comte d'Alençon, frère du roi Philippe III, réclamait le patronage de ces deux monastères. Il soutenait qu'ils avaient été fondés par les anciens comtes d'Alençon, ses prédécesseurs, et prétendait, par suite, que la dignité de patron ou vidame, en ce qui les concernait, se rattachait à l'ensemble des droits seigneuriaux que le roi son père lui avait transmis, en lui donnant pour

apanage le comté d'Alençon. Le Parlement décide, au contraire, que les deux abbayes ont eu pour fondateurs les dues de Normandie, ou des seigneurs de leur race. Il ordonne, en conséquence, qu'elles continueront d'être placées sous la garde et la haute juridiction des rois de France, représentants des anciens. ducs.

En lisant les dires et soutiens des parties en cause relatés sur le registre, on voit que les moines de Troarn et de Bernay réclamaient comme une faveur singulièrement précieuse d'éviter le patronage, toujours dangereux pour les corps ecclésiastiques, d'un seigneur féodal. La même disposition de la Cour à rendre bonne justice aux abbayes et évêchés se rencontre souvent dans ce volume. C'est ainsi qu'en 1270, le Parlement ordonne à Gaultier, comte de Mortain, de prêter serment de fidélité, en qualité de vassal, à l'évêque de Coutances: « Probatum est quod fama est per totam «< provinciam quod omnes qui sunt comites de Moritonio, « quicumque sint, debent facere fidelitatem ecclesia << Beatæ Mariæ Constanciensis, et quod ipsi fecerunt

«eam.

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Un arrêt de 1284, rejetant la prétention contraire élevée par les gens du roi, décide que les religieux du Mont-St-Michel jouiront de la faculté de pêcher l'esturgeon dans les grèves qui entourent leur couvent. On sait que nos bons aïeux, dont le goût peu délicat s'attachait de préférence à la grosseur des morceaux, qualifiaient l'esturgeon du nom de poisson royal, et attribuaient, de droit commun, au souverain tous ceux de ces poissons que l'on prenait sur nos côtes.

Remarquons encore, dans le même ordre d'idées, des arrêts de 1271, de 1276 et de 1288, ordonnant que

les évêques d'Avranches et d'Évreux seront affranchis, vis-à-vis du roi, du paiement des droits de tiers et danger, pour les bois et forêts qu'ils possèdent, en vertu de leur siége. On appelait de ce nom une redevance d'un tiers, plus un dixième en sus pour prévenir le dangcr d'une évaluation insuffisante, prélevée par les agents du fisc sur toutes les coupes de bois opérées dans l'étendue du duché de Normandie. Nos anciens commentateurs rattachaient le tiers et danger à la propriété qui, d'après eux, avait existé autrefois en faveur des ducs sur la totalité des forêts de la province, envisagées alors comme terrains vains et vagues. Leurs détenteurs, par suite, semblant tenir leurs droits de la générosité du souverain, il était juste qu'ils reconnussent celle-ci par un partage des produits. Cependant de tous temps, nos arrêts en sont une preuve, il y eut des bois exemptés, à titre de privilége, du prélèvement du tiers et danger. Ajoutons qu'avec les progrès de l'industrie, ce droit parut si onéreux pour les particuliers sur lesquels il s'exerçait, que le roi Louis XIII y renonça solennellement, par un édit du mois d'août 1619. Cependant, jusqu'en 1792, certains bois, inféodés d'ancienne date par des seigneurs hauts-justiciers, continuèrent d'être soumis au tiers et danger (1).

On voit par ces exemples combien le travail, d'ailleurs si difficile, accompli par notre savant confrère, peut fournir de lumières pour la connaissance exacte des institutions de notre patrie, dans la dernière période du régime féodal. Ajoutons que des notes, sobrement distribuées au bas de chaque page, donnent l'indication exacte des villes et communes mentionnées dans un

(4) Huard, Dictionnaire du Droit normand, vo Bois.

latin souvent peu intelligible. J'aurais désiré seulement que M. Delisle, en plaçant une table des matières à la fin de son excellent volume, en eût rendu l'accès plus aisé pour ceux qui voudraient y puiser des documents concernant leurs recherches spéciales, telle que serait, par exemple, l'histoire d'une abbaye ou d'une ville.

J. CAUVET.

Notes sur des monnaies romaines et des armes celtim ques, par M. Denis Lagarde.

MESSIEURS,

Dans votre dernière séance, vous avez bien voulu me charger d'examiner une brochure ayant pour titre: Notes sur des monnaies romaines et des armes celtiques, découvertes dans le département du Finistère, par M. Denis Lagarde, inspecteur de la Marine, à Brest, et d'appeler l'attention de la Compagnie sur les passages de cette publication qui offriraient le plus d'intérêt.

J'ai lu attentivement le travail très-consciencieux de M. Denis Lagarde. Je l'ai suivi avec d'autant plus de soin que j'avais l'espoir d'y découvrir quelques-unes de ces raretés qui font de si regrettables lacunes, nonseulement dans les cabinets particuliers, mais encore dans les cartons de nos musées numismatiques.

Quoi qu'il en soit, la découverte dont je viens vous entretenir, eut lieu, dans le mois de janvier 1863, au hameau de Kervian, à 3 kilomètres du petit port de Camaret (Finistère); elle se composait de 960 pièces ou deniers en argent, pesant ensemble 3 kilogrammes environ; « le vase qui les contenait » dit l'auteur de la Notice, «< était en cuivre, n'avait pas de couvercle, et

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