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teries polychromes et gravées, du XV. et du XVI. siècle.

Leur fabrication assez complexe, d'ailleurs, à cause des engobes nombreuses dont elles sont recouvertes, doit vous être connue, Messieurs; plusieurs céramographes des plus compétents attribuent cette fabrication singulière et remarquable aux potiers espagnols qui s'établirent en France à la fin du XVe siècle, et surtout à l'époque de l'invasion des troupes de Charles-Quint.

Si, quelque jour, des membres de votre savante Société daignaient m'honorer de leur visite, je m'empresserais de soumettre à leur examen les pièces diverses dont je viens de vous entretenir, et même ma collection tout entière qui pourrait, je crois, les intéresser.

En attendant, je suis, avec le plus profond respect, Messieurs, votre très-humble serviteur et tout dévoué confrère.

J.-M. THAURIN-LAVOISIER,

Conservateur de la Bibliothèque générale des Sociétés savantes de
Rouen, membre de la Société des Antiquaires de Normandie.

P.-S. — En continuant à recueillir les objets archéologiques, toujours nombreux et souvent fort intéressants, que mettent chaque jour à découvert les fouilles pratiquées à Rouen pour édifier les constructions diverses des rues nouvellement ouvertes, je viens d'ajouter à ma collection un nouveau spécimen de poterie ou faïence incrustée.

Ce précieux débris céramique présente, sous tous les rapports, la plus grande analogie avec celui, beaucoup plus petit d'ailleurs, qui fut trouvé dans l'enclave St.Louis en 1855. Le fragment que l'on vient de découvrir (29 juillet 1863) est d'une fabrication moins soignée;

mais la pâte, le vernis plombeux et les incrustations sont d'une nature et d'une couleur tout-à-fait identiques. .

Le débris de poterie incrustée, du XVI. siècle, qui vient d'être trouvé dans une fouille, rue de l'Hôtel-deVille, vis-à-vis de la rue Dinanderie, provient aussi d'un plat assez profond. Le système général de sa décoration est le même à peu près que celui de la poterie trouvée en 1855; mais les incrustations sont à la fois plus profondes, d'un dessin plus lourd et moins correct. Le trait des fleurs de lis, celui des rosaces rayonnées et des arcades à filet (qui ne se trouvent pas sur le précédent ou qui s'y rencontrent avec des formes plus élégantes et plus gracieuses) est beaucoup moins sûr et moins régulier.

Enfin, la terre du dernier fragment découvert est plus épaisse et pétrie avec moins de soin que celle du premier, qui paraît appartenir à un vase de la bonne époque.

Archéologie monumentale. Poteries acoustiques.

Une intéressante question archéologique vient d'être soulevée par M. Didron, dans ses Annales. Il s'agit des moyens acoustiques employés au moyen-âge pour répercuter la parole ou le son dans nos édifices religieux. Cette question a été surtout introduite en France par un architecte scandinave, M. Mandelgren, et par deux architectes russes, MM. Stassoff et Gornestaeff, en ce moment à Paris pour y étudier notre architecture chrétienne.

Ces artistes habiles, qui sont aussi des savants distingués, ont consulté les professeurs et les archéologues

de la capitale, pour savoir si dans les églises de France on trouvait des cornets et des pots en terre cuite, placés soit dans les voûtes, soit dans les murs intérieurs, comme cela se rencontre fréquemment dans les églises de la Suède, du Danemarck et de la Moscovie. Le christianisme s'étant surtout introduit en Scandinavie par des missionnaires français, il leur paraissait vraisemblable que la mère-patrie eût conservé des traces d'un usage dont la colonie fournissait tant d'exemples. D'un autre côté, nos premières églises ayant été byzantines, il semblait difficile qu'un détail de cette époque ne se fût pas introduit en Occident avec l'architecture elle-même.

Interrogé l'un des premiers sur cette matière, M. Didron répondit, dans le Recueil de ses Annales, qu'il dirige si habilement depuis 22 ans. Il cita deux faits constatant, parmi nous, l'existence de poteries acoustiques (1). Le premier est une observation faite de nos jours; le second est un texte du XV. siècle.

M. Didron rappelle, en effet, qu'en 1842 un correspondant de l'ancien Comité des arts et monuments signala, à la Section d'archéologie, la découverte récente de cornets en terre cuite dans l'église de St.-Blaise d'Arles. Ces cornets, qui correspondent à des pots de 22 centimètres de diamètre, étaient placés dans l'épaisseur du mur. Quant à leur date, il n'en savait dire autre chose, sinon que l'on croyait l'église de 1280 (2).

A cette observation monumentale, due à la critique

(1) Annales archéologiques, t. XXI, p. 294-97, année 1862. (2) Bulletin archéologique publié par le Comité historique des arts el monuments, t. XI, p. 440.

moderne, M. Didron ajoute un texte précieux extrait d'une chronique du XVa. siècle, que vient de publier un de ces hommes studieux du passé, comme la province en renferme beaucoup aujourd'hui. Nous voulons parler de la Chronique des Célestins de Metz, publiée par M. de Bouteiller, dans sa notice sur un couvent de cet ordre, dans la capitale de l'ancienne Austrasie. Voici ce qu'écrivait le chroniqueur messin en l'année 1432: «En ceste année dessus dit, au mois d'aoust, la vigile de l'Assomption Nostre-Dame, après que frère Ode Leroy, prieur de céans, fust retournez du chapitre de dessus dit, il fist ordonner de mettre les pots au cuer de dessus de céans, portant qu'il avoit vu altre part en aucune église pensant qu'il y fesoit meilleur chanter et qu'il cy resonneroit plus fort, et furent mis en ung jour. On print tant d'ouvriers qu'il suffisoit (1). »

A ces faits qui se démontrent par eux-mêmes, puisqu'ils font voir la coutume des poteries acoustiques établie sur deux points extrêmes de notre France, nous pouvons ajouter un tout petit faisceau de preuves recueillies en Normandie pendant les trente années d'études que nous avons faites sur les églises de cette province. La Normandie a ceci d'intéressant en matière historique, qu'elle est pour la Norwége le berceau du christianisme, et pour l'Angleterre le point de départ d'une architecture nouvelle. Dans l'espace de trente années, j'ai eu l'occasion d'observer au moins six fois, dans les églises de la Seine-Inférieure, la particularité qui nous occupe aujourd'hui. J'ai hâte d'ajouter que ce genre d'observation est très-difficile à faire, et qu'il ne peut avoir lieu facilement que lors de la démolition d'une église;

(4) E. de Bouteiller, Notice sur le couvent des Célestins de Metz ; Didron, Annales archéologiques, t. XX, p. 274-76, année 1862.

or, cette circonstance ne se présente pas tous les jours. De plus, les ouvriers qui démolissent nos vieux monuments ne sont pas toujours des observateurs.

Cependant, en 1862, lors de la démolition de la vieille église de St.-Laurent-en-Caux (canton de Doudeville ), les ouvriers furent frappés de la rencontre d'un grand vase de terre, dont la forme ne les étonna pas moins que la position. Ce vase, placé à l'un des angles du chœur, était encore tout couvert du mortier qui l'enveloppa. Sa forme est celle d'un cône fermé par les deux bouts. Il n'a d'autre ouverture qu'un bec qu'il présentait, en forme de corne, à la surface du mur. Des cannelures horizontales sillonnent l'extérieur du vase, qui, par sa forme, nous semble se rapprocher de ceux du XIIIe siècle. Nous avons remarqué les mêmes particularités de fabrication sur des vases de cette époque trouvés à Leure, en 1856, dans la tombe de Pierre Béranguier. Du reste, nous donnons ici le dessin de ce

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vase étrange, l'un des plus singuliers que nous avons

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