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Le jour de l'ouverture solennelle, il avait, nous dit-il lui-même, lu une pièce de vers français (1), très-faible d'ailleurs, en l'honneur de cette Académie, qui devait se voir momentanément dissoute d'une façon si fâcheuse au bout de dix ans (2), en 1714.

Dès lors, il semble s'être occupé presque exclusivement de sa bibliothèque, dont il fait la révision et probablement le catalogue en 1714 (3). Puis il composa son Athenæ Normannorum, qui était prêt pour l'impression en 1718. Peut-être aussi écrivit-il alors certains autres ouvrages dont les titres mêmes nous seraient inconnus sans la correspondance inédite de Daniel Huet. La publication de ces ouvrages étonna le savant prélat, qui s'en explique en ces termes : « Je trouvai dans

(1) Voir l'ouvrage de M. de Formigny de La Londe.

(2) Un jour M. de Croisilles ayant été contredit par les Académiciens, il se facha et dit qu'il était bien étonné de cette résistance, tandis qu'il fournissait sa maison et son feu. Les membres de l'Académie, choqués d'un tel reproche, se retirèrent et ne se rassemblèrent de nouveau qu'à l'arrivée de M. de Luynes, évêque de Bayeux (1731). » Journal d'un bourgeois de Caen, publié par M. G. Mancel, p. 71, note 2, extraite d'un mss. de M. de Quens.

(3) Tous les livres du P. Martin portent, outre cette petite étiquette imprimée :

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cette inscription, de la main du P. Martin: F. Franciscus Martin, minor Cadomæus, Thus Parisiensis, qui suprà, 1714. Quelquesuns seulement portent la date 1716.

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« votre lettre du 7 février un article sur lequel j'ai « besoin de quelques éclaircissements que j'espère que « vous ne me refuserez pas. Vous me mandez que vous << faites imprimer deux volumes des Antiquitez judaïques, « et vous ajoutez qu'à la fin du second vous faites l'apologie de M. de Fontenelle contre le Père Baltus. Cette «< entreprise ne pouvant être nouvelle, il faut que vous « ayez affecté de m'en faire un mystère, et j'en suis « surpris. Mais je le suis bien davantage de ce que vous « m'apprenez, qu'on a commencé en même temps deux << éditions de votre Histoire des Juifs, l'une in-4°., <«<l'autre en dix volumes, et la 8. édition de votre « Histoire de la Bible ou des Annales du Monde. Tous «< ces ouvrages sont des nouveautés pour moi, dont il « me semble que vous auriez pu me faire confidence. » Paris, 22 avril 1714.

En tous cas, le P. Martin, qui nous indique lui-même la plupart de ses ouvrages dans les dernières pages de son Athenæ, ne nous dit rien de ceux-là, qui méritaient cependant une mention.

Il continua de travailler jusqu'à la fin. Quoique par-. venu à un âge très-avancé, il ne cessa de revoir et de compléter le monument qu'il avait élevé à la gloire des lettres normandes. Les vers élégiaques qu'il fit sur la mort de Huet, au commencement de 1721 (il avait alors plus de quatre-vingt-un ans) n'ayant été ostensiblement suivis d'aucun autre travail, on a cru et on a répété partout qu'il était mort en 1721 (1). C'est une erreur

(1) Biographie universelle, t. LXXIII, p. 241, article anonyme ; Notices biographiques, etc. sur les hommes du Calvados, par F. Boisard; Caen, in-12, 1848, p. 243; - Frère, Manuel du bibliographe normand, t. II, p. 285.

qu'il eût été très-facile de rectifier, en parcourant avec un peu d'attention l'Athena Normannorum, où j'ai relevé un certain nombre de passages (1) d'après lesquels il est clair qu'il n'est pas mort avant le mois de mars 1726, puisqu'à cette époque il écrit encore, en y mettant la date, les lignes suivantes à propos de Blouet de Camilly (Athen. Normann., p. 125): Illius bibliotheca in-8°. 175 paginarum 2111 articulis constantium à St.-Martin væniit 2 martii 1726. Depuis cette époque, je ne sais plus rien de lui. Etait-il mort au 21 septembre, époque de la mort du P. Doucin, jésuite? Je l'ignore. Ce qu'il y a de constant, c'est qu'il n'a rien ajouté, suivant son habitude, à la notice qu'il lui a consacrée, et qui se termine par ces mots : « Lucis usura fruitur; fruatur diutius ad

(1) « Ad cœlum, ut pie creditur, rediit, nona die mensis aprilis anni christiani 1722, plusquam octogenarius. Athen. Normann., Hue de Launay, p. 300. « Plurimum commendatur, merito quidem, historia Ludovici Magni regis Francorum per numismata, quibus illustrantur singula illius præclare gesta; ea autem elegantissime delineavit et incidit Joannes Mauger, vir Deppensis, qui obiit Parisiis 7 die decembris 1722. » Athen. Normann., Michel Mauduit, p. 367. - Parabat anno 1722 tractatum gallice scriptum de Patribus secundum naturam, præter naturam et contra naturam, quem anno sequenti excussit Parisiis..... » (Illisible). Athen. Normann., Morquais-Lamotte, p. 380. « Exuit mortalitatem die 24 mensis Augusti anni christiani 1724, ætatis 84..... Porro ejus libros de historia ecclesiastica..... suo splendori restituit Benedictus XIII anno 1725, sub initium. » Athen. Normunn., Alex. Natalis, p. 5 et suiv. • Moritur anno ætatis 78, martis 24, anni 1724, cum adlaboraret novæ Operum S. Ambrosii editioni correctiori et auctiori. » Athen. Normann., Nicolas Noury, p. 389. • Historiæ et geographiæ nova Elementa..... » Paris, Leclerc et Monge, 1725. Athen. Normann., Claude Buffier, p. 113. -«Jacobus Basnagius, Henrici frater, 1726, edidit Thesaurum monumentorum ccclesiasticorum. » Athen. Normann., Basnage, P. 32.

« majorem Dei Triunius gloriam, necnon Ecclesiæ incre« mentum » (Athen. Normann., p. 189). L'Obituaire des Cordeliers, comme toutes les pièces qui eussent pu nous renseigner sur ce sujet et sur bien d'autres, a disparu dans le pillage de la Bibliothèque à la Révolution. Nous sommes donc réduit aux conjectures.

Pour nous, le P. Martin est mort dans le courant de 1726, après avoir, pendant 87 ans, mené la vie la plus laborieuse, sans défaillances et presque sans fatigue. Pendant sa longue carrière, il n'a eu en vue que la gloire de Dieu et l'illustration de son pays. C'est vers ce double but qu'il a toujours dirigé tous ses efforts, comme théologien, prédicateur, dignitaire de l'Église, poète, bibliophile et bibliographe. Il fut inhumé dans le chœur de l'église des Cordeliers de Caen (1). Sans doute, on plaça une épitaphe sur sa tombe; elle ne nous a pas été conservée; nous n'avons que celle du P. Pierre Caignard, cordelier, mort à 79 ans, qu'on enterra à ses pieds en 1751.

§ II.

On peut ranger les ouvrages que le P. Fr. Martin a composés en deux groupes : 1°. ceux qui ne sont pas parvenus jusqu'à nous, et dont nous ne pourrons donner que les titres; 2o. ceux que nous pouvons lire encore aujourd'hui et dont nous allons nous occuper plus spécialement.

Dans la première catégorie, on ne trouve guère que des opuscules d'assez peu d'importance, si l'on en ex

(4) Ms. de la Bibliothèque de Caen, in-folio, et intitulé: Divcèse de Bayeux, Abbayes.

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cepte toutefois les trois ouvrages dont nous avons déjà cité les titres, d'après une lettre de Huet. Mais n'y avait-il pas un malentendu entre Huet et le P. Martin? C'est là une question qu'on ne pourrait éclaircir qu'en retrouvant la réponse de ce dernier (1). Ces travaux, poétiques, polémiques, etc., sont :

I. Reflexiones ad nuperrimam declarationem doctoris Hennebel; Louvain, 1701, in-4°. (brochure de 53 pages, selon M. Frère).

II. Vitæ S. Petri de Alcantara compendium, excussum Cadomi, anno christiano 1670, formis P. Poisson, in-16 (Athen. Normann.).

III. Traité des Bibliothèques anciennes et modernes, resté manuscrit. — L'abbé De La Rue dit avoir entre les mains ce manuscrit, qui ne serait autre que le discours prononcé par le P. Martin le jour de sa réception à l'Académie. Or, le P. Martin dit dans sa lettre du 21 janvier 1704 qu'il lut une pièce de vers français. IV. Oratio pro reditu scolæ Scoticæ ad Abbovillenses excussa Parisiis, in-4°. (Athen. Normann.).

V. Laudatio præceptoris sui F. Francisci Cointet, viri minoritas inter quam maximi, Cadomi, in-4°. apud Poisson (Athen. Normann.), 1708, Huet (2).

VI. Actes des visites des maisons religieuses (manuscrit

(1) Malheureusement, la correspondance inédite du P. Martin avec Huet, que nous avons sous les yeux, s'arrête au 23 février 1709. Le reste est perdu. Ces lettres ont été retrouvées, à Caen, par M. Léchaudé-d'Anisy, dans la maison de Huet, rue St.-Jean, vers 1824, et copiées par M. G.-S. Trebutien, qui a bien voulu me les communiquer.

(2) << J'ai lu avec beaucoup d'attention et de plaisir l'éloge que vous avez donné à la mémoire du P. Cointet. Huet au P. Martin, Paris, 24 août 1708.

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