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dotaient la France de tant de chefs-d'oeuvre; mais nous ne trouvons aucune trace de ses relations quotidiennes et de son séjour à Paris, ni dans ses œuvres bibliographiques, ni dans ses lettres, ni dans celles de D. Huet, où nous sommes réduit à puiser la plupart des détails que nous donnerons sur sa vie.

Pourtant, dans le Santeuilliana (La Haye, chez Joseph Crispin, 1710, p. 130) il est question d'un P. Martin, cordelier, ami de Santeuil, celui peut-être dont il s'agit ici.

Le P. Martin fut honoré et estimé des plus distingués de ses compatriotes, entre autres de Varignon, qui fut son ami sincère (1), et de Daniel Huet, évêque d'Avranches, avec lequel ses relations commencèrent probablement pendant son séjour à Paris, pour se continuer d'une façon (2) presque ininterrompue et très-aimable de part et d'autre jusqu'à la mort de ce dernier; il se lia aussi plus tard avec le fameux curé de St.-Martin de Caen, P. Cally, qui, en 1697, lui envoya pour sa bibliothèque son édition des œuvres de Boèce, avec cette suscription (3): Pour le R. P. Martin, ex-provincial des RR. PP. Cordeliers, par son très-humble et très-obéissant serviteur, P. Cally, 1697 (4).- Il semble aussi avoir eu pour ami le P. de La Baune, jésuite, dont il parle

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(2) 148 lettres autographes de P. Daniel Huet, évêque d'Avranches, au P. François Martin, cordelier de Caen, de 1698 à 1717, sont conservées à la Bibliothèque impériale, mss., Supplément français, no. 1016 bis.

(3) A. M. S. Boetii opera, par P. Cally, in-4°. Lut. Paris., 1860. (4) Le P. Martin parle aussi beaucoup, dans ses lettres, d'un M. de La Bretonnière qui lui donna de nombreux renseignements sur le sculpteur Michel Lane.

fréquemment dans ses lettres, et qui plusieurs fois écrivit (1) à Huet en sa faveur, pour lui faire obtenir des stations à prêcher dans son diocèse d'Avranches.

De leur côté, les religieux de son Ordre ont toujours montré beaucoup de confiance dans ses lumières et dans sa piété, et l'appelèrent aux plus hautes dignités de leur Ordre. Il justifia leur choix par le zèle et le bonheur avec lesquels il remplit ses fonctions. Gardien du couvent des Cordeliers de Bayeux (2) pendant les années 1691,

(4) « Je reçus hier, mon Révérend Père, une lettre du R. P. de La Baune, jésuite, par laquelle il me demande pour vous, avec grande instance, la station de Mortain, à la recommandation de sa sœur..... etc.» Huet au P. Martin, le 8 janvier 1698.

(2) « Le .40 mars 1687, l'église (des Cordeliers de Bayeux) fut brûlée totalement par l'imprudence d'un ouvrier qui, travaillant à la tour couverte en plomb, laissa son réchaud plein de feu ; quelques charbons poussés par le vent mirent le feu à la charpente sur les dix heures du soir..... Le dommage occasionné par cette catastrophe fut porté à 60,000 livres. Tout le monde y prit part, et chacun contribua de ses biens à la réparation de l'église. Elle fut bénite de nouveau le mardi d'après Pâques, 23 de mars 1693; et, pour en conserver la mémoire, le P. François Martin, alors gardien, fit apposer dans le chœur une plaque de cuivre qui contient les époques de ce rétablisse

ment:

Deo multæ miserationis, adjutori in tribulatione, ut perpetuæ gratiarum actionis monumentum. Templum hoc quondam nominatissimum quod martii X die anni Christi 1687 incuria plumbarii conflagrarat, muro tantum superstite, Fr. Franciscus Martin cadomensis, sorbonicus doctor, hujusce conventus guardianus, zelo succensus domus Dei annis 1691, 1692, 1693, difficillimo quidem tempore, renovari curavit non sine magno sumptu quem e clero, e civitate, e vicinia viri optime affecti, quorum mentio habetur in archivio cœnobii, maximam partem erogarunt. Dominus retribuere dignetur.—Histoire sommaire de la ville de Bayeux, par M. Béziers. Caen, in-12, chez Manoury père, 1773. Note tirée des manuscrits de

1692, 1693, dans des temps très-difficiles, il fit relever l'église des Cordeliers de cette ville, et restaura le tombeau du célèbre P. Feuardent (1), l'un des religieux les plus remarquables de son temps, et qui avait doté son couvent d'une magnifique bibliothèque dont quelques volumes ont été recueillis à la Bibliothèque publique de Bayeux.

Un siècle après sa reconstruction, l'église fut de nouveau démolie pendant la Révolution, et pour tout souvenir il ne nous reste qu'un petit croquis à la main, assez mal fait, qui se trouve dans un manuscrit de la Bibliothèque de la même ville.

L'ardeur qu'il déploya dans cette circonstance et le succès qui couronna ses efforts le firent, peu de temps après, choisir pour la charge de Provincial de l'Ordre, fonction qu'il ne remplissait déjà plus en 1697. Il consigna très-probablement ses rapports et ses notes dans un recueil intitulé: Actes des visites des maisons religieuses, manuscrit conservé à la Bibliothèque des Cordeliers de Caen, où M. Moysant le vit et le catalogua au mois de novembre 1790. Malheureusement ce document, qui aurait pu nous fournir de précieuses indiM. Béziers, appartenant à M. G. Villers, adjoint au maire de Bayeux : « De tous ceux qui donnèrent leurs soins au rétablissement du monastère, le plus distingué fut le P. Martin. Ce religieux, homme d'esprit (ajoute-t-il } et d'un caractère insinuant, agit si puissamment auprès des personnes riches et charitables, qu'il en obtint de quoi réparer les pertes que l'incendie avait attirées. »

(1) Encomium delevit ignis, quando templum conflagravit anno 1687; et restaurato curis F. Francisci Martin, theologi Parisiensis, 1693, tunc guardiani, tumulus quoque restitutus cum hocce epitaphio: « F. Franciscus Feuardentius, doctor et guardianus conventus Parisiensis, quasi ignis effulgens, cujus morum splendorem magnificabant viri catholici, etc................» Athena Norman., p. 205 et suiv.

cations sur sa vie et ses voyages, a complètement disparu.

Ses fonctions de Provincial ne l'empêchèrent pas sans doute de se livrer à la prédication. Et plus tard, quand il fut sorti de charge, il alla prêcher des stations à Mortain (1), à Avranches (2), à Caen (3), à Pontorson (4) et ailleurs, probablement.

Son ardeur ne se ralentit même pas lorsque, fixé définitivement à Caen, il eut été nommé gardien dans le commencement de 1699 (5). Il semble qu'il était doué d'une activité prodigieuse, s'occupant à la fois des choses les plus différentes, et se distinguant dans toutes.

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(1) Voir la note 1, p. 77. A Aunay, le 24 juillet 1698. Huet lui dit qu'il ne peut lui accorder, sur sa demande, la station de Pontorson, promise pour 1699 au Gardien des Capucins d'Avranches, et pour 1700 au P. Joseph des Jacobins d'Argentan. A Paris, le 27 janvier 1699. Huet ne peut lui promettre la station de Pontorson, même pour 1701. -Biblioth. impériale, ms., Suppl. français, no. 1016.

(2) A Paris, le 12 février 1699. Huet lui promet conditionnellement la station du St.-Sacrement à sa cathédrale. Ibid.

(3) A Paris, 22 février 1700. J'attribuais votre long silence, mon cher Père, à vos préparatifs pour vos prédications de Carême, »> -Ibid. Le P. Martin était alors à Caen, gardien de son couvent. (4) A Paris, 1er. février 1073. Je vous envoie, mon Révérend Père, la lettre que vous m'avez demandée auprès de M. le curé de Pontorson..... Si les fonctions de votre mission ne vous occupent pas trop ce Caresme, vous me ferez plaisir de me donner des nouvelles de ce pays. « A Paris, 24 avril 1704. Je suis très-aise, mon Révérend Père, d'apprendre votre retour, et de l'apprendre par vous-même. Je ne doutais pas que vos prédications de Caresme ne me privassent de vos nouvelles. » -Ibid.

(5) « A Aunay, 1699, 21 juillet. Maintenant, mon Révérend Père, que vous êtes fixé à Caen, etc..... » Lettre de Huet adressée au R. P. Martin, gardien des RR. PP. Cordeliers de Caen. C'est la première fois que ce titre lui est donné dans les lettres de Huet.

vers,

Jusqu'à présent nous n'avons vu que l'administrateur et le prédicateur. Il était en même temps bibliothécaire et poète, ce dont Huet, son ami, à qui il envoyait ses le félicite sincèrement en mainte occasion: «Vous « m'avez régalé de vers, mon cher Père, lui dit-il, que « je ne mérite guère, et dont je vous suis pourtant très« obligé. Je reconnais, par cet échantillon, que vous « ne vous contentez pas d'être bon théologien et bon « prédicateur, et que vous êtes encore fort bon poète. A Avranches, 18 août 1698.

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Et, dans une autre lettre, il lui dit : « Je vous aime << mieux tranquille à Caen, et disposant de cette belle bibliothèque, qui sera un ornement de la ville et une « invitation à vos religieux de faire un bon usage de <«<l'occasion de tant de livres. » Paris, 22 février 1700.

Cette lettre est importante en ce qu'elle nous donne la date à laquelle le P. Martin commença à fonder sa bibliothèque, la plus riche des couvents de Caen, au sein de laquelle (1) il se plaisait tant, et qu'il ne pouvait oublier (2), même quand il en était momentanément éloigné. Son amour pour les livres l'a même rendu l'objet d'attaques assez vives (3). Th. Fr. Dibdin

(1) « J'ai été bien aise d'apprendre que vous êtes toujours auprès de vos livres. » Lettre de Huet, à Paris, 5 mai 1744.

(2) «

Vous auriez pu, dans cette solitude (Bernay) me donner de vos nouvelles... Je ne puis assez louer les soins que vous prenez pour enrichir votre bibliothèque. » Lettre de Huet; Paris, 23 août 1709.

(3) « Il n'est pas vray, sauf correction, que je fusse descendu de cheval à la porte des PP. Jésuites, lorsque je demanday à saluer le R. P. D.; mon cheval était dans une écurie d'une rue proche de celle de la Mortellerie. J'aprens qu'il vient de donner au public quelque

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