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savantes (session de 1860), n'eût décidé en faveur de M. Peigné-Delacourt. Une circonstance que je mentionne avec bonheur, en qualité d'antiquaire, c'est que « les « ruines de Champlieu ont été acquises par le Gouver«nement, et garanties par une clôture en bois. »

Malheureusement les reliques de l'antiquité romaine n'ont pas toujours été respectées de la même manière, dans le département de l'Oise : une des notices contenues dans le volume, la Description des objets d'antiquités locales celtiques, gallo-romaines et mérovingiennes renfermés dans le cabinet de M. Houbigant, de Nogent-lesVierges, nous parle d'un tombereau plein de fragments de poterie, dite de Samos, « portant des dessins en « relief, tous différents les uns des autres, et probable«<ment aussi des noms de potiers gallo-romains (pro« venant de la succession de M. Cambry, ancien préfet « de l'Oise), qu'on envoya à Paris au lieu destiné à <«< recevoir les décombres,» parce qu'on n'espérait rien en tirer en les vendant. Depuis cette époque, M. Houbigant est parvenu à former une collection très-riche et très-bien composée d'objets antiques; il nous les décrit lui-même avec une grande netteté, et il accompagne son texte de beaucoup de dessins qui en augmentent la valeur. Avant de terminer, je signalerai encore plusieurs notes, avec planche explicative coloriée, sur quelques vases du Musée de Beauvais.

Ce volume, dont la Société a bien voulu me charger de lui rendre compte, renferme donc des études qui constatent que dans le département de l'Oise, comme dans notre contrée, le culte de l'antiquité est en honneur, et que les savants du pays aiment à réunir autour d'eux les débris d'un passé si riche en souvenirs.

Ch. FIERVILLE.

Essai historique sur le prieuré de Saint-Vigor-leGrand, par M. Vabbé Faucon.

Voici certainement une des paroisses du diocèse de Bayeux qui présentent le plus de souvenirs intéressants au point de vue de l'archéologie. L'auteur de son histoire n'a pas seulement à nous entretenir des foires de St.-Nicolas et de la Toussaint, qui se tenaient autrefois sur le territoire de St.-Vigor-le-Grand; des fiefs et autres établissements qui y existaient dans le moyen-âge; des médailles, urnes, sarcophages qu'on y a trouvés et qui se rapportent à l'époque gallo-romaine; il nous transporte encore aux siècles qui ont précédé l'avènement du christianisme dans notre contrée, et nous peint les druides et l'école fameuse qu'ils avaient encore à Bayeux, sur le mont Phaunus, du temps de saint Exupère, apôtre du Bessin; le gui qu'ils cueillaient solennellement dans leurs vieilles chênaiès et les sacrifices humains dont ils ensanglantaient ce lieu. Il nous fait ensuite assister à la chute entière du paganisme, au VI. siècle, dans le Bessin, sous le pontificat de saint Vigor. Il prouve très-bien que le même saint Vigor fonda un monastère sur le mont Phaunus, dont Théodemir, son compagnon, fut le premier abbé.

Les Danois l'ayant détruit au IX. siècle, Odon, évêque de Bayeux, le fit rebâtir, trois siècles plus tard, sous l'invocation de saint Vigor. Il y mit des Bénédictins, sous la conduite du savant et pieux Robert de Tombelaine auquel il donna le titre d'abbé. Ces religieux se dispersèrent à l'époque de l'emprisonnement de leur fondateur, qui rétablit une seconde fois ce monastère et en donna le gouvernement à Richard de Cremelle. Odon le mit, un peu plus tard, sous la dé

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pendance de l'abbaye de Dijon. La régularité se soutint dans le prieuré de St.-Vigor jusqu'au XVI. siècle. A cette époque, il tomba en commende, et le relâchement commença à s'y introduire. Le prieur, Dom Barthélemy Robin, y appela, en 1658, des Bénédictins de la Congrégation de St.-Maur. Ceux-ci, en 1680, firent construire le dortoir et trente-cinq ans plus tard, l'église paroissiale actuelle de St.-Vigor sur les plans de Moussard, architecte de Bayeux. En 1745 fut achevé le bâtiment des hôtes, qui existe encore; il avait été commencé sur les plans de Guillaume de La Tremblaye, l'architecte de l'abbaye de St.-Étienne de Caen; mais la dépense obligea de les réduire de beaucoup.

Le dernier chapitre se tint au monastère de St.-Vigor en 1790, époque de la suppression de l'Ordre. L'auteur termine son ouvrage par un coup-d'œil rétrospectif sur l'histoire des religieuses de la Charité de Bayeux, qui occupent présentement l'ancien prieuré de St.-Vigor-le-Grand.

Après cette rapide analyse de l'Essai historique sur ce monastère, nous demanderons à M. l'abbé Faucon la permission de lui soumettre quelques observations.

Est-il bien prouvé que les Tauroboles et les Crioboles aient été des cérémonies druidiques? L'auteur des Soirées de St.-Pétersbourg leur donne une origine orientale. Suivant Blanchini (Patrol., Migne, t. CXXVII, col. 68, etc.), elles n'auraient passé de Rome à Lyon qu'à l'époque des Antonins, et elles auraient cessé avec le IV. siècle. Un grand nombre d'inscriptions trouvées à Rome paraissent rattacher plus spécialement les Tauroboles et les Crioboles au culte de Mithra, et de la grande mère des Dieux du mont Ida (en Phrygie), Matri Deûm mayne Ideæ.

Sur quoi notre auteur donne-t-il comme certain que saint Contest a été le prédécesseur immédiat de saint Vigor sur le siége de Bayeux? « Il n'est pas aisé, re« marque Baillet, de dire quel fut le successeur immé«diat de saint Vigor... Il en est qui veulent que ç'ait « été saint Patrice, supposant que saint Patrice aurait « été précédé de saint Contest, puis de saint Manvieu, << successeur de saint Loup »... Démocharès, Claude Robert, le président Chenut, Dussaussay, le P. Le Cointe soutiennent cette opinion contre MM. de SainteMarthe, Dom Pommeraye, Dom Bessin, les Bénédictins du Gallia christiana nova, qui donnent saint Contest pour prédécesseur immédiat de saint Vigor. Le P. Arthur Dumonstier fait succéder celui-ci, vers l'an 554, à Léocadius, dont le nom se trouve inscrit aux troisième, quatrième et cinquième Conciles d'Orléans. Baronius et ses commentateurs ont mis encore plus avant dans le VI. siècle la promotion de notre saint à l'épiscopat, c'est-à-dire vers l'an 580. Nous croyons, pour notre part, qu'il y a plus de raisons de penser que saint Vigor succéda à Léocadius.

Hermant s'est plu à faire un récit dramatique de la destruction de l'idolâtrie sur le mont Phaunus par saint Vigor. Il donne aux derniers païens du Bessin le comte Bertulphe pour protecteur contre le zèle de notre pontife. Sur ce point, Hermant a été copié par Trigan, M. Du Méril et l'abbé Faucon. La vérité est, suivant les anciens bréviaires manuscrits de la cathédrale, Vincent de Beauvais, saint Antonin, Pierre de Natalibus, Surius, Dussaussay, la Mère de Blémur, les bréviaires de Jacques d'Angennes et de François de Nesmond, que Bertulphe n'aurait été ni un païen ni un protecteur des fausses divinités; il se serait agi pour lui seulement

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d'envahir le domaine du mont Phaunus, cédé à saint Vigor par le roi Childebert : Quidam comes quum sancti viri agrum invadere cum globatis aratris conaretur, etc. Tel est le récit unanime de tous ceux qui ont parlé, avant Hermant, de l'affaire de saint Vigor et de Bertulphe. S'il s'était agi de la destruction de l'idolâtrie, nul doute qu'ils n'eussent marqué cette circonstance. Le bréviaire de M. de Nesmond fait même mention d'une église bâtie par saint Vigor antérieurement à cette époque; nouvelle preuve qu'il n'y avait plus alors de païens à protéger sur le mont Phaunus.

Parmi les monuments dont il est question dans l'Essai historique de M. l'abbé Faucon, nous remarquerons les fonts baptismaux de St.-Vigor, qui sont conservés dans le Musée de notre Société. Nous sommes porté à croire, avec Béziers, qu'ils remontent au pontificat de saint Vigor. On lit, en effet, dans Surius, que cet évêque ayant bâti, avec le secours des chrétiens de Bayeux, une église sur le mont Phaunus, les habitants de ce lieu se convertirent à la foi chrétienne; et depuis, ajoute Surius, il fut arrêté que l'évêque de Bayeux y baptiserait solennellement trois enfants aux fêtes de Pâques: Decretumque est ut ab illo die Episcopus Bajocensis in solemnitate paschali tres illic infantes baptizet. En examinant les. fonts de St.-Vigor, il est facile de voir qu'ils n'ont jamais pu servir à des adultes. On y remarque, en effet, trois petits degrés dont le premier est haut de 10 centimètres, le second de 8, le troisième de 5 ou 6. Ils rappellent les grands baptistères, où, suivant le récit de saint Isidore (De divinis offic., cap. XXIV), on descendait pareillement par trois degrés, et d'où l'on remontait par trois autres : sur le milieu se tenait le baptisé: Fons autem cujus septem gradus sunt,

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