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puis peu de temps, Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, Hollande et Zélande, femme divorcée de Jean de Bourgogne, duc de Brabant. Les deux nouveaux époux, débarqués à Calais avec une armée de 5 à 6,000 Anglais, envahirent le Hainaut (décembre 1424) pour s'emparer de ce comté qui était demeuré sous la main du duc de Brabant lors de la fuite de son infidèle épouse.

Philippe-le-Bon, qui avait promis à son cousin, le duc de Brabant, de le secourir contre Glocester, venait de conclure, par l'entremise du duc de Savoie, une trève avec Charles VII dès le mois de septembre précédent.

Entièrement occupé, d'ailleurs, par les affaires de Hainaut et par la guerre acharnée qu'il fut obligé de porter dans les comtés de Hollande et de Zélande, après l'évasion de Jacqueline qu'il tenait prisonnière à Gand, il ne pouvait prêter assistance aux Anglais.

Bedfort, de son côté, était fort embarrassé pour rétablir l'ordre en Angleterre, troublé par les dissensions de Glocester et de son oncle l'évêque de Winchester. Il fut même obligé de se rendre à Londres où il resta jusqu'au commencement de 1427.

Cette diversion fut habilement mise à profit par la reine douairière de Sicile, Yolande d'Aragon, belle-mère de Charles VII, Martin Gouges de Charpaignes, évêque de Clermont, le sieur de Trignac et quelques autres.

Ils travaillaient depuis longtemps à faire renvoyer les favoris du Roi, auteurs ou complices du meurtre de Jean-sans

Peur, seuls obstacles à la paix qu'ils cherchaient à ménager entre le Roi et Philippe-le-Bon, et qu'ils négociaient de concert avec Amé VIII, duc de Savoie.

Par leurs conseils, Charles VII se décida à offrir la charge de Connétable, vacante par la mort de l'Écossais Buchan, tué à Verneuil, à Artur de Bretagne, comte de Richemont, qui l'accepta du 'consentement de son frère Jean VI, duc de Bretagne, du duc de Savoie et, chose singulière, du duc de Bourgogne lui-même.

Mais Richemont mit à son acceptation la condition expresse que les Conseillers du Roi qui avaient trempé dans le guetapens de Montereau seraient renvoyés. Le Roi y consentit et lui donna des otages et quatre places de sûreté.

Richemont reçut l'épée de Connétable et prêta serment au Roi, en grande pompe, le 7 mars 1425 (N. S.), en la prée de Chinon, comme le dit Guillaume Gruel, son biographe.

Le Roi ne tint pas ses promesses. Il garda ses Conseillers qui lui persuadèrent que, non seulement il ne devait pas recevoir le Connétable revenant de Bretagne, où il était allé pour rassembler des troupes, mais qu'il fallait envoyer contre lui des gens pour le combattre, et le tuer si c'était possible. Le Connétable, voyant qu'il n'y avait plus d'autre remède,

prit le parti d'expulser les Conseillers par la force.

A la tête de la noblesse de Bretagne, d'Anjou, de Berry et d'Auvergne, il poursuivit le Roi et ses favoris de ville en ville avec tant de vigueur qu'il ne leur resta bientôt pour refuge que les petites villes de Selles et de Vierzon.

"

Les favoris furent alors obligés de quitter la place. Le Président Louvet se retira en Provence, et l'on donna à Tanneguy Duchâtel la sénéchaussée de Beaucaire. Pierre de Giac, seigneur de Châteaugay, âme damnée du Président Louvet, fut conservé du consentement même du Connétable. La conduite de ce personnage ne fut que la continuation de celle du Président de Provence. Il fit tout pour nuire au Connétable dans l'esprit du Roi, pour entraver ses entreprises et pour empêcher la conclusion de la paix avec le duc de Bourgogne. Richemont résolut d'en finir.

Au mois de janvier 1427 (N. S.), se trouvant à Issoudun où était le Roi et la Cour, accompagné du sire de la Trémouille, le Connétable fit enfoncer par ses archers les portes de la maison de Giac, le prit et l'emmena à Dun-le-Roi, ville de son obéissance, où il le fit juger sommairement par son bailli.

Pierre de Giac fut, selon les uns, noyé dans l'Auron; selon les autres, il eut la tête tranchée.

On connaissait à Lyon, mais vaguement, la poursuite vigoureuse et obstinée des favoris du Roi par le Connétable. La bourgeoisie, ne pouvant se rendre un compte exact de cette espèce de guerre civile, était inquiète et effrayée. Les Conseillers de la ville prirent des mesures pour garantir la sûreté publique et préserver la cité de toute surprise, tant de la part des Armagnacs ou des Bourguignons que du parti du Connétable. Ils firent fermer les portes, tendre les chaînes

- de la Saône, et les clefs de la ville furent confiées à des hommes sûrs.

Enfin, on eut à Lyon des nouvelles de ce qui se passait à Bourges, comme on le voit par l'extrait suivant d'une séance des Conseillers de la ville.

Extrait du registre BB. 4, des délibérations des Conseillers de la Ville de Lyon.

Séance de la Dimenche, premier jour de Penthecoste, xxvije jour de may iiij xxv (1425), en la maison de la ville nouvellement acquise.

<< Guillaume Cloet a rapporté que, lui s'en allant à Bourges, il trova sur chemin, c'est assavoir à Sainct-Saphorien-leChastel, ung appelé Thomassin qui est à monseigneur de Vienne (Jean de Norry, archevêque de Vienne) qui lui dist que il venoit de Bourges, et que l'on y disoit que le Roy y venoit, et que l'on avoit crié à Bourges que tous ceux qui tiendroyent le parti du Président (Jean Louvet, président des aides de Provence), de Frottier et du seigneur de Giach, que l'on y disoit publiquemment estres traitres au Roy, qu'ils vuidassent la ville dedans deux jours.

« Après et plusieurs autres nouvelles, lequel Guillaume s'en retourna à Lyon avec ledit Thomassin, lequel Thomassin s'en alla à Vienne par devers son meistre, et ledit Cloet, actendu qu'il aime la ville et qu'il y a ses femme et enfans, vint dire ces nouvelles pour avoir bon advis au bon gouvernement de la ville de Lyon. »

Quelques jours après, le Consulat reçut unes lettres du Connétable, datée de Bourges le 25 mai et, un peu plus tard, une seconde expédition de ces mêmes lettres, datées du 2 juin, par lesquelles il informait les Lyonnais des événements qui venaient de se passer et de ses projets pour la conclusion de la paix avec le duc de Bourgogne.

Le duc de Bretagne, Jean VI, frère du Connétable, la reine de Sicile, Yolande d'Aragon, belle-mère de Charles VII, le vicaire de Regnauld de Chartres, archevêque de Reims, écrivirent dans le même sens.

Le Connétable écrivait souvent aux Conseillers, bourgeois, manants et habitants de la ville de Lyon pour leur faire connaitre les nouvelles de par deçà, mais plus souvent encore pour leur demander de l'argent.

J.-P. GAUTHIER,

Archiviste du département du Rhône, membre du Comité archéologique créé près l'Académie de Lyon.

Voici ces lettres :

LETTRE DU COMTE DE RICHEMONT CONNÉTABLE DE FRANCE.

A noz treschiers et bons amis les Gens d'église, bourgois, manans et habitans de la bonne ville de Lyon.

Treschiers et bons amis, vous povez avoir sceu comme ja pieça nostre tresredoubté seigneur et frère le duc de Bretaigne

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