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de toutes les richesses industrielles du royaume, Colbert à qui nous devons les glaces, les soieries, la tapisserie, les dentelles, les porcelaines, l'organisation de la batellerie; Colbert, qui rêva un moment l'unité des poids et des mesures, rêve qui, réalisé de nos jours, est le sujet du plus légitime orgueil de la France moderne; Colbert n'est aux yeux de Saint-Simon qu'un petit compagnon, à qui le roi commet la faute inexplicable de confier une autorité sans bornes, alors que Sa Majesté avait sous la main tant de grands seigneurs, incapables peut-être, mais de si haute extraction! Mais Fouquet le surintendant, Fouquet le dilapidateur, SaintSimon n'a pour lui que des paroles de mansuétude el de commisération, et il ne connait d'autre cause à sa disgrâce qu'un peu trop de galanterie ». Aux yeux du noble auteur, Fouquet n'a pas cessé d'être une victime du Mazarin, du Mazarin, l'éternel objet de l'exécration héréditaire des deux Saint-Simon; on doit aussi ajouter qu'au moment où il fut arrêté, Fouquet était sur le point de payer à Claude de Saint-Simon la somme que celui-ci avait dépensée à Blaye pour sa propre défense et dont il avait eu le front de réclamer le remboursement.

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Saint-Simon n'a pas toujours été observateur judicieux, pas plus qu'il n'a toujours été historien véridique. A-t-il été grand administrateur, guerrier remarquable, quelque chose enfin? Administrateur? Il aurait pu l'être le duc d'Orléans, au Conseil de régence, voulait lui confier les finances; le due de Saint-Simon, sentant son incapacité, eut l'honnêteté de refuser; mais quand la question financière fut agitée au sein du Conseil et que chacun cherchait un remède à la crise, Saint-Simon proposa le sien: la banqueroute pure et simple. Ce grand

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seigneur trouvait tout naturel que la Cour, c'est-à-dire l'État, eut le droit de répondre à ses créanciers : « Je ne paie pas, c'est absolument comme si je ne devais pas. Guerrier? Quel rôle plus pâle était-il possible de jouer sur le très-petit nombre de champs de bataille où il a figuré. Il n'en a même pas eu l'intelligence : les batailles dont il parle, il ne les voit que par le petit côté, un épisode, absolument comme ces peintres montrant, au premier plan, deux cavaliers qui se chargent, quelques morts, un affût brisé; dans le fond, de la fumée ou des murailles, et qui intitulent leur tableau: la Bataille de Neerwinden, ou le Siége de Philisbourg.

Historien, observateur, administrateur, guerrier, tels sont les différents aspects sous lesquels M. Chéruel a étudié Saint-Simon. Il est un autre aspect, que l'auteur semble avoir oublié : c'est l'indifférence profonde, l'insensibilité que montre Saint-Simon pour tous les chefsd'œuvre, toutes les merveilles que son siècle enfante autour de lui. Architecture, peinture, musique, poésie, rien ne le touche. Quand le hasard ou les nécessités du récit amènent sous sa plume, et cela est très-rare, le nom de l'un de ces grands hommes qui ont fait le grand siècle, il se venge de cette mésalliance, imposée à sa plume, soit en rappelant la bassesse de leur naissance, soit en s'étonnant de leur célébrité. Dans ses volumineux Mémoires, La Fontaine ne figure qu'une fois; c'est un petit paragraphe de quatre lignes, dans lequel il s'étonne naïvement que la mort du Fabuliste ait causé, à Paris, plus d'émotion que la mort de Mme la duchesse d'Usez, qui arriva en même temps.

Qu'était-ce donc alors que ce Saint-Simon? Quels sont ses mérites, ses titres? La conclusion du livre de M. Chéruel va nous le dire.

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Un écrivain qui n'a compris ni la politique traditionnelle de la France, ni son génie militaire, ne ⚫ saurait être un historien. Laissons-lui la noblesse ⚫ des sentiments, la perspicacité qui scrute les cœurs et le style qui en trace d'immortelles peintures. C'est là sa gloire. Mais il ne faut pas demander à Saint«Simon l'histoire de cette grande époque qui a donné

à la France les frontières du Rhin et des Pyrénées, créé une marine supérieure à celle de la Hollande et de l'Angleterre, fécondé toutes les sources de la prospérité nationale, montré à la tête des armées Turenne et Condé, Luxembourg et Vendôme, donné à l'église Bossuet et Fénelon, enfin égalé le génie littéraire de la France à celui des siècles de Périclès et d'Auguste. »>

La conclusion peut paraître sévère, mais elle découle inévitablement de tout le livre, comme une vérité mathématique découle d'une démonstration rigoureuse.

Quant au livre lui-même, dont nous venons de tirer les intéressants détails que nous avons cru bon, Messieurs, de vous soumettre, nous ne pouvons que féliciter et remercier l'auteur du présent qu'il a fait à notre littérature historique son style est d'une grande simplicité; mais l'ordre, la méthode, la justesse des idées, jointe à la justesse du mot, donnent partout au récit la tenue, la gravité et en même temps l'autorité que nous demandons aux œuvres magistrales dont s'honore une grande littérature et qui doivent servir de modèle à ceux dont la plume s'exercera sur des sujets du même genre.

A. LEFEVRE.

III.

NOTES, COMMUNICATIONS.

Notes généalogiques et biographiques sur la famille Blouet de Camilly.

La famille Blouet de Camilly, dont les souvenirs se retrouvent sur plusieurs de nos monuments, a jeté un assez vif éclat, au siècle dernier surtout, pour mériter que l'on essaie d'en tracer rapidement la monographie.

Rattaché à cette famille par ses ascendants maternels, l'auteur des notes qui vont suivre a pu consulter, non sans quelque profit, d'assez nombreux documents.

Ces documents sont de deux sortes les papiers d'intérêt privé relatifs aux partages et pouvant servir d'éléments à une généalogie, et les pièces concernant les affaires publiques et présentant un intérêt plus général.

Nous n'allons nous occuper pour le moment que de la partie généalogique de ce travail, nous réservant, si notre dessein trouve approbation, de suivre plus tard, dans les postes importants qu'ils ont occupés, François Blouet de Camilly, archevêque de Tours, et Pierre Blouet de Camilly, ambassadeur et vice-amiral, derniers rejetons de cette famille.

Les notes que nous avons pu recueillir ne remontent pas au-delà de 1562. A cette époque, Simon Blouet, sieur de Than, est déjà qualifié d'écuyer. Il avait épousé

Jeanne Le Marchand de Saint-Manvieux, et rendait aveu à son beau-père, Robert Le Marchand de SaintManvieux, des terres qu'il avait reçues de lui en mariage. La famille Blouet était donc considérable dès cette époque et marquait dans la bourgeoisie de Caen. Pierre Blouet, fils du précédent, n'eut qu'à suivre les traditions de ses ancêtres pour arriver, par une pente naturelle, aux lettres d'anoblissement (1). Nos lecteurs liront

(1) M. Blouet avait joué un rôle important dès les débuts du règne de Henri IV. On le voit, en 1589, député vers le roi afin d'obtenir de lui les gratifications qu'il a promises, tant pour le corps de communauté des habitants, que pour les maire, gouverneur, échevins et officiers de l'hôtel commun de la ville et particuliers. »

Il se concerte avec M. de la Fosse et M. le lieutenant général pour préparer l'entrée du roi à Caen (janvier 1590).

En 1591, l'assemblée des habitants de la ville, convoquée pour délibérer sur une fourniture d'artillerie, le choisit avec plusieurs autres pour pourvoir à cet achat ; à la même époque, il était député aux États qui se tenaient à Rouen.

En 1595, il est nommé receveur de la ville, etant déjà contrôleur pour le roi: il accepte cette charge moyennant 100 livres de gages par an, tandis qu'il en coûtait auparavant 18 deniers par écu, chose qui retournera à grand soulagement pour ladite ville. Il prend ici le titre d'écuyer, ayant été compris dans l'un des douze anoblissements municipaux demandés au roi par les députés de la ville, en 1589.

La même année, un ingénieux (sic) Flamand ayant été appelé de son pays pour lui faire voir la rivière d'Orne, depuis Caen jusqu'à Argentan et pour savoir de lui ce qui est requis pour la rendre navigable, M. Blouet est chargé de traiter avec ledit Flamand pour l'indemniser. It suit cette affaire et fait décider qu'il sera écrit à MM. les présidents, à Rouen, chefs de la commission, pour leur donner avis de ce, et entendre d'eux ce qu'il convient de faire. »

En 1599, il est député de la ville aux États de Rouen, et y défend les intérêts de Caen contre les villes de Bayeux, Vire et Falaise.

Ces détails sont extraits du manuscrit autographe de M. Dufeugray,

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