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DOTATION D'EUdes,

sur Douvres, qu'il avait voulu enlever à Guillaume, reçut des terres dans douze comtés; c'est qu'il avait vaillamment combattu à Hastings. Le comté de Buckingham avait été donné à Gautier Giffard, seigneur de Longueville en Caux, qui avait fourni pour la conquête trente bateaux avec cent soldats. La famille normande des Giffard, issue d'une sœur de Gonnor, femme de Richard I, paraît avoir été nombreuse; on en trouve plusieurs de ce nom inscrits dans les rôles des guerriers dotés en Angleterre'. Raoul de Mortemer (sur Aulne) eut le château de Wigmore et beaucoup d'autres terres. Hugues de Grenteménil avait eu Leicester, avant qu'il fût retourné en Normandie, pour vivre dans sa famille. Eudes, évêque de Bayeux, fut maître presque absolu du pays de Kent; encore son avidité, au lieu de se contenter de cette vaste possession, dépouilla-t-elle les églises et les monastères; ce frère du souverain fut un des plus grands oppresseurs de l'Angleterre. Il jouait le rôle de roi dans ses domaines, et donnait aux

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ÉVÊQUE DE BAYEUX.

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habitans une triste idée de la modestie du clergé normand. Comme d'autres petits tyrans de l'Angleterre, il ne tarda pas à recevoir son châtiment de la Providence.

Raoul Paisnel, dont la famille possédait en Normandie la terre des Moutiers-Hubert, fut shériff du Yorkshire; il avait obtenu quarante-cinq seigneuries. Baudoin des Meules ou de Brionne, que le Conquérant avait chargé de la défense du nouveau château fort d'Exeter, eut la seigneurie de Dunster-Castle, et son petit-fils fut élevé dans la suite au rang de comte de Dorset. La même charge de shériff du Yorkshire fut exercée aussi par Guillaume Mallet de Graville, qui eut une riche dotation en Suffolk, et fut le fondateur de l'abbaye d'Eye. Robert d'Oiley fut nommé connétable d'Oxford; il bâtit le château fort de cette ville, et un de ses descendans fonda une abbaye dans le voisinage. En général, beaucoup de ces seigneurs normands devinrent, dans leur vieillesse, des fondateurs d'abbayes et d'églises, et s'ils ne restituèrent rien aux Anglo-Saxons, ils donnèrent

erat, et cunctis Angliæ habitatoribus formidabilis, ac veluti secundus rex jura dabat? Orderic Vital, lib. 4.

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AUTRES NORMANDS

une partie notable de la conquête à l'église, qui pourtant la perdit peu à peu. Roger Bigot, qui avait été le vassal du comte de Mortain, devint en Angleterre riche seigneur, en Suffolk et en Essex. Richard de Courcy eut des terres dans le comté d'Oxford, et la baronnie de Stok en Somerset. Milon Crespin, de la baronnie normande du Bec-Crespin, fut élevé au rang de seigneur de Wallingford, en Berkshire, et perçut le revenu de quatre-vingt-huit manoirs. Robert d'Estouteville, appartenant à l'une des familles les plus anciennes et les plus illustres de Normandie, fut doté de la baronnie de Cottingham et de la terre de Skipwith, dans le comté d'York. Le château de Tutbury et beaucoup de seigneuries avaient été le partage de Henri de Ferrières. Plus de cent seigneuries furent accordées à Hugues de Montfort.'

Pour ne pas trop allonger cette liste, je suis obligé de passer sous silence la désignation des lots de beaucoup d'autres Normands qui furent dotés en Angleterre, tels que Yves de Taillebois, qui fut enrichi des terres enlevées à deux comtes du

pays;

Orderic Vital, lib. 4.

ET ÉTRANGERS DOTÉS.

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Roger Marmion de Fontenay, qui eut Tamworth dans le comté de Warwick; Guillaume Bacon, Roger de Beaumont, Hugues de Gournay, et les sieurs de Saint-Valery. Dans plusieurs de ces familles, l'éclat et la puissance augmentèrent par la suite; quelques unes jouissent encore aujourd'hui de ce que leurs ancêtres ont obtenu des dépouilles des Anglo-Saxons, et s'en honorent vu l'ancienneté de l'événement; d'autres se sont éteintes ; d'autres enfin ont la branche normande encore vivante, tandis que la branche anglaise est éteinte, ou réciproquement.

Guillaume n'oublia point les seigneurs étrangers qui avaient partagé ses dangers en combattant avec lui. Tel fut Raoul, seigneur de Gael, et de Montfort en Bretagne, à qui le Conquérant donna le comté de Norfolk, ce qui n'empêcha pas, dans la suite, le Breton de conspirer contre lui, en sorte qu'il perdit sa dotation, après en avoir joui peu d'années. Eudes de Champagne, neveu du comte Thibaud, eut pareillement une dotation, ainsi qu'Alain-le-Roux, fils d'Eudon, comte de Bretagne, que le roi fit comte de Richmond, et propriétaire de quatre cent quarante-deux seigneuries. Faute d'enfans, Alain laissa ce riche héritage à son frère

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Alain-le-Noir'. Eustache de Boulogne avait en aussi, comme il a été dit, une riche récompense foncière.

Ce qui restait aux nobles anglo-saxons devait être beaucoup moins considérable que ce qu'obtinrent quelques centaines de Normands. Ce fut presque par une exception que Guillaume donna le comté de Northampton à Waltheof, l'un des chefs les plus considérés de la race vaincue, malgré les complots auxquels il avait pris part.

Guillaume avait fait, comme nous avons vu, une part à Mathilde; mais la plus belle, il se l'était réservée; elle comprenait les domaines les plus productifs; il eut soin de maintenir les droits et coutumes qui y étaient affectés du temps d'Édouard. Aussi disait-on qu'il avait un peu plus de 1060 livres sterling de revenu par jour2; ce qui ferait environ 400,000 livres sterling par an, et eu égard à la valeur de la livre d'argent de ce temps, et au prix des denrées, le revenu du roi équivaudrait à près de 10 millions de livres sterling du

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2

Order. Vital, lib. 4.

« Ipsi vero regi 1060 libr. sterl. 30 sol. 3 obol. ex justis redditibus Angliæ per singulos dies redduntur. » Ibid.

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