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Ingulphe, abbé de Croyland, dont on a lu l'histoire plus haut, nous a conservé un recueil de lois, les unes féodales, les autres pénales, que Guillaume promulgua, et qui confirment, suivant le titre, en grande partie, l'ancienne législation anglo-saxonne, ou ce qu'on appelait les coutumes du roi Edouard '. Le droit d'asile est dans ce code assuré aux églises et abbayes. Les forfaits commis dans les bailliages du roi sont assujettis à une amende double de celle qui est statuée en faveur des baillis seigneuriaux. Le violateur de la paix du roi est passible d'une amende de cent quarante-quatre livres, s'il est soumis à la loi danoise: un forfait envers le vicomte est puni de quarante sols, suivant la loi mercienne, et de cinquante, suivant la législation des WestSaxons. Pour le meurtre commis sur la personne d'un thane ou officier de justice royale, le coupable, s'il est Mercien ou West-Saxon, paie vingt livres, tandis que pour le meurtre d'un vilain, la composition ou were n'est que de cent

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« Ces sont les leis et les custumes que li reis William grentat à tut le peuple de Engleterre, après le conquest de la terre. Iceles meismes que li reis Edward sun cosin tint devant lui. » Ingulphi Histor. Croyland.

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sols. La composition pour les mutilations est réglée, comme dans d'autres législations barbares, suivant l'importance du membre; ainsi quiconque coupait le pied ou le poing à un autre, payait la moitié de la were fixée pour un meurtre. Un viol était puni de la mutilation du coupable. Un meurtre ou un assaut commis sur la

personne d'un voyageur, dans une des trois grandes routes d'Angleterre, était considéré et puni comme une infraction à la paix du roi, c'est-à-dire comme le plus grand crime. La loi permettait au père de tuer celui qui commettait un adultère avec sa fille, pourvu qu'il les surprît en flagrant délit, soit dans sa maison, soit dans celle de son gendre'. Tout homme franc ayant des biens fonciers de trente deniers de valeur est tenu à payer la taxe connue sous le nom de denier de saint Pierre.

Un grand nombre de ces lois se rapportent aux plaids devant la justice. On y trouve aussi consacrés quelques principes du droit maritime, par exemple l'irresponsabilité des patrons qui pour sauve

I

« Si le pere truitet sa file en auulterie en sa maisonn, u en la maisonn son gendre, ben li laust occire l'auultère. » Ingulphi Hist. Croyland., 37e loi.

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la vie jettent la cargaison à la mer'. Les AngloSaxons étaient si attachés à leurs vieilles lois qu'ils les invoquaient sans cesse, non seulement sous le règne de Guillaume, mais déjà sous le roi Canut, qui les avait introduites même en Danemark 2; il faut supposer que le peuple s'y tenait parce qu'il savait au moins à quoi le conduisait l'infraction de la paix publique. Il trouvait ces lois équitables, et pensait qu'elles suffisaient aux besoins de la société d'alors. On voit que Guillaume reconnaissait et confirmait par ces lois les trois espèces de coutumes qui régissaient diverses provinces d'Angleterre, savoir, les coutumes des Merciens qui étaient en vigueur dans la Mercie, les coutumes danoises introduites par les hommes du Nord dans les provinces qu'ils avaient occupées et colonisées, et enfin les coutumes saxonnes étaient la règle des descendans des conquérans de cette nation. Au reste, la plupart des villes avaient leurs coutumes particulières, qui furent respectées par les con

1 Histor. Croyland., lois 33 et 38.

2

« Unde eisdem legibus, jubente rege Cnutone, ab anglicâ linguâ in latinam translatis, tam in Daniâ quam in Angliâ, propter eorum æquitatem a rege præfato observari jubentur. » Math. Westmonast. Flores Histor., ad ann. 1022.

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PARTAGE DES TERRES.

quérans. On les trouve consignées dans la Doomsday-Book, dont il sera parlé bientôt.

A peu près toute l'Angleterre était soumise, et Guillaume avait largement usé du droit de conquête, pour gratifier ceux qui l'avaient secondé dans l'expédition, et dans les combats contre les indigènes. Toutefois, il eut soin de disséminer leurs dotations dans toute l'Angleterre, en sorte qu'aucun n'obtint de vastes terrains contigus. Un des mieux pourvus fut Roger, comte de Mortain, frère utérin du duc; neuf cent soixantetreize manoirs disséminés dans dix-huit comtés devinrent sa propriété. Nous avons vu que le roi avait donné à son sénéchal et favori Guillaume Fitz-Osbern le comté d'Hereford, auquel fut jointe l'île de Wight. Le comté de Chester était échu en partage à un Flamand; mais celui-ci ayant fait un voyage dans sa patrie, y fut tué par ses ennemis; en conséquence, sa dotation, en Angleterre, fut donnée à Hugues d'Avranches, mais il n'en jouit pas en paix. Souvent il eut avec ses vassaux à combattre les Gallois ses voisins. C'était un homme grossier, mais splendide et ami d'un faste excessif.

Orderic Vital, liv. 4.

HUGUES DE CHESTER.

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Il eut l'attirail d'un souverain, et tint une table dont on parla à cause de l'opulence qui y regnait'. Entouré de soldats, il marchait toujours avec une armée ; il faisait plus de cas de chasseurs et d'oiseleurs que de paysans et de prêtres, comme dit Orderic Vital2. Dévastant lui-même ses terres, il ne trouvait de plaisir que dans la luxure; il devint extrêmement gros, et il eut avec ses concubines beaucoup d'enfans; ceux-ci n'ayant que l'exemple fâcheux du père devant les yeux, subirent pour la plupart une triste fin. Ils ne furent pas les seuls descendans malheureux de ceux qui s'étaient partagé le sol de l'Angleterre.

Eustache de Boulogne, malgré sa tentative

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2

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Ert plus légier à espucher

Que n'iert son beivre ne son manger. »

Chronique de Geoffroi Gaimar.

Ipse terram suam quotidie devastabat, et plus aucupibus et

venatoribus quam terræ cultoribus vel cœli oratoribus applaude

bat. » Hist. Eccles., lib. 3.

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