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il y fit fortifier le château, situé probablement sur l'emplacement où fut érigée ensuite la Tour. Le jour de Noël de l'an 1066, il se rendit à l'abbaye de Westminster avec une nombreuse escorte militaire qui avait ordre de ne rien ménager si les habitans montraient de mauvaises intentions. Guillaume ne se fiait point aux bourgeois, quoiqu'ils eussent fait leur soumission; il savait leur aversion pour les étrangers.

En présence d'une foule de Normands, ainsi que d'Anglais, tant laïcs que prêtres, Guillaume au moment d'être sacré par l'archevêque d'York, jura solennellement, sur l'invitation de ce prélat, de protéger l'église, de régner avec justice, et de maintenir les lois et usages du pays'. Le peuple, que l'on avait fait semblant de consulter pour savoir s'il voulait Guillaume pour roi, poussa des acclamations quand le conquérant promit de respecter ses institutions. Ces cris tumultueux, interprétés au dehors par les troupes normandes, comme des cris de réprobation, les déterminèrent à mettre sur-le-champ le feu à la ville; les lueurs de l'in

1 Histor. eccles. Eliensis, lib. 2, cap. 44. Florent. Wigorn.

Chronic., ad ann, 1066.

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cendie interrompirent la cérémonie. Le peuple se précipita hors de l'église afin de pourvoir à sa sûreté et à celle de ses propriétés. Il ne resta dans l'église que les Normands et les moines et prêtres anglais; ceux-ci tremblaient et Guillaume luimème était plein d'inquiétude pendant le reste de la cérémonie. '

La conduite violente des troupes normandes, qui au reste ne fut ni punie ni blâmée, à ce qu'il paraît, ouvrait au peuple anglais les yeux sur ce qu'il avait à attendre des Normands à la première apparence de rébellion de sa part; aussi l'incendie de ses maisons laissa une profonde et fâcheuse impression dans les esprits."

A la vérité, le chapelain historien du conquérant, Guillaume de Poitiers, s'épuise en éloges, au sujet des excellentes intentions de son maître, et sages dispositions qu'il prit pour rétablir l'ordre et la paix dans le pays conquis par ses armes. Selon cet historien, tous les actes que fit le nou

des

Orderic Vital Ecclesiast. Histor., lib. 3. « Pauci clerici cum monachis nimium trepidantes ante aram perstiterunt, et officium consecrationis super regem vehementer trementem vix perege

runt. »

2

« Postea Normannos semper suspectos habuerunt. » Ibid.

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PREMIÈRES DISPOSITIONS

veau roi après son couronnement, respirèrent la justice, la modération, la clémence'. Il voulait qu'on ménageât les vaincus, car n'étaient-ils pas chrétiens comme les Normands? Il ne fallait pas, disait-il, les exaspérer en abusant de la victoire, ni faire honte à la patrie en opprimant des étran gers; aussi prévint-il, par des ordres sévères, la licence des troupes; il mit l'innocence et la pudeur à couvert de leurs atteintes, et institua des juges pour les punir en cas de contravention. Il répartit avec modération les tributs imposés aux Anglais; il assura le commerce avec le dehors; enfin, dit le chapelain, Guillaume n'enleva injustement à aucun Anglais sa terre pour la donner à un Français".

Il émana en effet du nouveau gouvernement, dans les premiers mois après le sacre, plusieurs ordres qui annonçaient l'amour de la justice et de la modération; mais ce sont les débuts ordinaires des conquérans. Les promesses de Guillaume furent démenties par les faits, à mesure qu'il affer

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<< Multa prudenter juste, clementerque disposuit. >> Will. Pictav. Gesta Willelmi ducis.

a Nulli tamen Gallo datum est quod Anglo cuiquam injuste fuerit ablatum. » Ibid.

FAITES PAR LE ROI.

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mit son pouvoir en Angleterre, et les habitans qui avaient cru que tout le changement consisterait à avoir un roi normand au lieu d'un roi anglosaxon, furent cruellement trompés dans leur espoir. Des fiefs furent accordés dans les contrées conquises, aux Normands qui avaient partagé les chances de l'expédition. Peut-être commença-t-on par prendre les terres des Anglo-Saxons tués dans le combat ou qui avaient fui; mais on ne s'arrêta pas long-temps à cette distinction; bientôt les Normands prirent les terres qui étaient à leur convenance. Guillaume s'était emparé du trésor de Harold, dans lequel il y avait beaucoup d'objets précieux'; c'était peut-être aussi le fruit de la rapine; car Harold avait régné trop peu de temps pour pouvoir' amasser par des épargnes et des achats un trésor de quelque valeur. Des Normands d'une fidélité éprouvée furent mis comme comtes ou vicomtes dans les villes et places fortes; il paraît que dans la suite aucun compte de leur conduite ne leur fut demandé. Guillaume Fitz-Osbern, pour lequel le duc avait eu une affection particulière depuis son enfance, fut établi comte de

' Willelm. Pictav.

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ENLÈVEMENT DES TRÉSORS.

Hereford'. Nous avons vu que Douvres, avec la côte du pays de Kent, fut confié au frère utérin du duc, l'évêque Eudes, prêtre tout-à-fait mondain, que nous verrons encore jouer un rôle im– portant dans les affaires de la Normandie et de l'Angleterre.

Au trésor de Harold Guillaume avait joint celui des églises, des abbayes, des maisons des riches anglo-saxons que ses troupes avaient envahies. En dépouillant tant d'établissemens qui, pendant des siècles, avaient pu amasser des richesses, Guillaume se trouvait en possession d'une si grande quantité d'objets précieux, qu'il ne lui fut pas difficile d'être généreux. Il envoya beaucoup d'ornemens à des églises de France qui avaient invoqué le ciel pour le succès de ses armes, et qui le louèrent pieusement quand elles eurent reçu leur. part des fruits de la conquête. Il distribua libéralement de l'argent et des objets de prix aux Normands qui voulaient retourner dans leur pays2. Il garda beaucoup de richesses pour les distribuer

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« Hunc præ cæteris familiaribus a pueritia utriusque dilexerat. » Willelm. Pictav.

2

« Milites repatriantes... larga manu donavit. » Ibid.

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