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HISTOIRE

DE

LA NORMANDIE,

DEPUIS

la conquête de l'angleterre jusqu'a la réunion de ce ducHÉ A LA FRance.

LIVRE PREMIER.

Guillaume-le-Conquérant, septième duc de
Normandie et roi d'Angleterre.

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1066-1087.

CHAPITRE PREMIER.

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Guillaume est sacré roi à Londres. - Tumulte pendant la cérémonie. Il s'empare des trésors de Harold. Retour en Normandie, l'an 1067. Guillaume assiste à la dédicace des nouvelles églises. Lanfranc et Bérenger. Fondation de l'abbaye de la Bataille en Angleterre. - Pénitence imposée en Normandie à ceux qui ont commis des meurtres en Angleterre. Emigration des Anglo-Saxons. -- En 1067 Guillaume retourne dans son royaume. Insurrection; il prend Exeter. - Poëme de Gui, évêque d'Amiens, sur la conquête de cette île. Massacre des Normands à Durham, Prise de la ville d'York. Retour de plusieurs familles normandes dans leur patrie. Dispersion des insurgés de l'île d'Ély. Exploits romanesques d'Herward.

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On apprit en Normandie, avec une joie générale, que le duc Guillaume, après la bataille

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PRISE DE DOUVRES.

d'Hastings, où avaient péri Harold et l'élite des Anglo-Saxons, n'avait plus trouvé d'obstacle sérieux pour s'emparer de la couronne royale d'Angleterre. En vain le château fort de Douvres, assis sur les falaises, avait voulu braver ses troupes; elles s'en étaient emparé, comme elles avaient pris quelque temps auparavant le château fort du Mans, en y jetant des brandons qui avaient incendié les édifices. '

I

La prise de la place de Douvres assurait aux Normands les communications avec la France, et ils surent si bien la garder, que lorsque, environ dix-huit mois après, le comte Eustache de Boulogne, allié aux rois anglo-saxons, par son mariage avec la soeur du roi Édouard, et qui avait pourtant combattu auprès d'Hastings, sous les bannières de Guillaume, voulut s'emparer de cette place sur laquelle il avait d'anciennes prétentions, il fut repoussé avec une grande perte, et s'estima heureux de sauver sa vie.

Maître de Douvres, où autant que possible il

I Willelm. Pictav., Gesta Guillelmi ducis.

2 (( Bononienses qui castellum in Dorverniæ clivo tenuerunt. » Florent. Wigorn., Chronic., ad ann. 1051.

ARRIVÉE A LONDRES.

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répara les dégâts faits par ses troupes', et où il laissa pour commander sur toute la côte son frère Eudes, évêque de Bayeux, Guillaume vit venir au-devant de lui les habitans de Cantorbéry, qui l'invitèrent à entrer dans leur ville, importante par son siége archiepiscopal, le plus ancien de l'Angleterre; et quand il fut à Cantorbéry, les habitans de Londres envoyèrent des délégués faire également leur soumission, et offrir tous les ôtages que le duc de Normandie pourrait exiger*. Depuis la mort de Harold, les bourgeois ayant à cœur la prospérité de leur commerce ne pouvaient se dissimuler que c'en était fait de la domination des Anglo-Saxons.

A la vérité, Harold laissait des fils, mais ils n'avaient pas la confiance de la nation; le clergé s'était hâté de couronner Edgar, neveu d'Édouard; cependant ce jeune homme ne rassurait pas plus que les fils de Harold, les Anglais contre l'invasion normande. Aussi fut-il promptement abandonné par ceux mêmes qui l'avaient proclamé. Deux chefs

« Pretium dedit restituendarum ædium, aliaque amissa recompensavit. >> Willelm. Pictav.

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« Sese in obsequium tradunt, obsides quot et quot imperat, adducunt. » Ibid.

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SOUMISSION DES ANGLO-SAXONS.

auglo-saxons, Edwin et Morcar, fils d'Elfgar, comptaient beaucoup de partisans; tous ceux qui haïssaient les vainqueurs de Harold se ralliaient autour d'eux ; ils pouvaient espérer repousser encore pour quelque temps les Normands de l'Angleterre septentrionale, où tout le monde était dévoué à ces chefs; mais eux-mêmes jugèrent prudent de faire leur soumission, au moins en apparence. Il en fut de même de l'évêque de Londres, Stigand, homme très homme très prononcé pour la cause anglo-saxonne, qui pouvait être regardée comme la cause nationale; il suivit l'exemple de l'archevêque d'York Eldred, le premier du haut clergé d'Angleterre qui avoua reconnaître dans les succès de Guillaume-le-Bâtard, le doigt de la Providence. Le duc de Normandie n'arrivait-il pas avec l'approbation du Saint-Siége? N'avait-il pas la bénédiction du pape, auprès duquel une partie du clergé anglais était mal noté? Eldred, qui avait sacré Harold, ne fit pas de difficultés pour sacrer aussi l'ennemi et le successeur de ce prince, croyant peut-être que le moment était venu de séparer ses intérêts entièrement de ceux du clergé anglosaxon. A l'exemple de Harold, le nouveau roi dédaigna le ministère de l'archevêque Stigand, qui

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était depuis long-temps sous le poids de l'interdiction papale, pour s'être emparé successivement de plusieurs évêchés'. Quoique son expédition n'eût eu pour but que la conquête du trône d'Angleterre, au moment d'y monter il hésita, ou du moins il feignit de vouloir ajourner la cérémonie du sacre, disant que les affaires étaient encore dans un état trop incertain, que Mathilde, sa femme, n'était pas présente, qu'il désirait plutôt rétablir la tranquillité du royaume que d'en prendre la coùronne; enfin, qu'il ne fallait pas précipiter les choses quand il s'agissait de s'élever très haut."

Ses troupes ne comprenant rien à ces maximes politiques, insistaient vivement pour qu'il se fit couronner. Aimar d'Aquitaine le pressa d'accéder le plus promptement possible au vou de l'armée. A la fin il consentit; mais avant d'entrer à Londres,

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« Coronationis officium noluit ab archiepiscopo Stigando percipere. » Ingulphi Histor. Croyland.

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Repudiavit consecrari a Stigando. » Willelm. Pictav. Un historien anglais prétend que Stigand refusa de sacrer le roi. « Ille vero cruento viro et alieni juris invasori manus imponere recusavit. » Guill. Neubrig. Histor., lib. 1.

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«Non oportere nimium properari, dum in altum culmen ascenditur. » Willelm. Pictav.

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