Page images
PDF
EPUB

476

le

GEOFFROY SOUMET

triotes ou contre des Bretons, Geoffroy Plantagenet, comte d'Anjou et mari de Mathilde, continuait de soumettre les villes et châteaux normands à sa propre autorité, profitant de la perplexité dans laquelle les événemens d'Angleterre jetaient le duché de Normandie. Il aurait volontiers envahi aussi l'Angleterre, et s'y serait fait proclamer roi; mais sentant son impuissance, et peu de recommandation que lui donnait sa qualité d'Angevin', il se contenta de soumettre les Normands. A la vérité, beaucoup de barons d'évêques, de villes en Normandie étaient bien disposés pour Étienne; on haïssait d'ailleurs le régime angevin, que l'on jugeait d'après le mal fait par les soldats angevins aux Normands. Cependant la cause d'Étienne paraissait perdue; il semblait inutile et dangereux de prolonger la lutte; le comte de Mortagne, qui avait du ressentiment contre Étienne, pour n'avoir pas employé son autorité à faire rendre la liberté à Richer de l'Aigle, neveu du comte, que les Talvas avaient enlevé et em

I

<< Illa publica fama quæ Andegavensibus hæret, quod sint parcissimi et superbi, multum ei ad acquirendum regnum nocuit. D Anonymi Chron. ab initio mundi, etc., dans le tom. xu des Historiens de France.

[blocks in formation]

prisonné, le comte de Mortagne rassembla dans la ville beaucoup de barons et de prélats, et dans cette assemblée il fut convenu, pour échapper au joug angevin, d'offrir le duché à Thibaut, comte de Champagne et de Blois, et frère de Geoffroy. Il avait auparavant voulu régner en Normandie, quand Étienne se fit roi d'Angleterre. On devait croire qu'il saisirait avec empressement l'occasion qui se présentait d'agrandir son pouvoir; mais il refusa cette fois, et engagea les barons à reconnaître pour duc son frère Geoffroy, qui, s'appuyant déjà sur la victoire de Mathilde comme sur un titre légitime, demandait qu'on lui fit hommage'. Etienne avait voulu donner la Normandie à son fils Eustache', mais ce jeune homme n'avait qu'un faible parti, et tombait nécessairement avec son père.

Ne voyant plus aucun moyen de recouvrer l'indépendance de leur pays, les Normands se résignèrent à leur sort. Il n'y eut point de soumission unanime et spontanée; mais les barons, les évêques, les villes et bourgs traitèrent les uns après les autres avec l'Angevin, et se soumirent à son

Robert. de Monte Append. ad Sigebert., ad ann. 1144.

478

1144. IL PREND POSSESSION

autorité, dans la triste persuasion que l'indépendance du duché était reculée pour long-temps.

Quelques places fortes tinrent encore. Rouen surtout n'avait pas encore renoncé à la foi jurée à Etienne. Mais en 1144 Geoffroy rassembla une armée considérable sur la rive gauche de la Seine, passa ce fleuve, à Vernon, et parut à la Sainte-Trinité-du-Mont, sur la hauteur, devant Rouen. La bourgeoisie, jugeant toute résistance inutile, se présenta le lendemain dans son camp, disposée à lui faire hommage, comme au duc de Normandie. Geoffroy fit en effet le jour suivant son entrée dans la capitale, après avoir promis sans doute, suivant l'usage, de respecter les priviléges et coutumes de la ville. Cependant les gens du comte de Varenne, qui tenaient le donjon pour le roi Etienne, refusèrent de lui ouvrir les portes du fort. En conséquence, Geoffroy fut obligé d'y mettre le siége. Des machines furent construites pour battre les murs en brèche ou pour inquiéter les assiégés. Geoffroy avait dans son camp les principaux barons normands, ainsi que les comtes de Meulan et du Perche.

Le donjon, bien placé sur le bord de la Seine, n'était pas facile à attaquer: aussi les royaux firent

[blocks in formation]

bonne résistance; mais leurs vivres s'étant épuisés, et tout espoir d'être secourus s'étant évanoui, ils furent obligés de capituler, et de remettre la place au nouveau duc. '

Rouen avait beaucoup souffert quelques années auparavant par un incendie qui avait réduit en cendres la plupart des maisons', bâties légèrement et en bois, comme on fit encore dans la suite. Cependant, grâce aux forêts et aux carrières des environs, ce malheur put être assez promptement réparé. L'abbaye de Saint-Ouen, dont l'église avait été récemment achevée, avait été ruinée dans la conflagration générale. On conçut le projet de la rebâtir plus belle qu'elle n'avait été, et c'est depuis lors que fut élevée la magnifique église gothique qui aujourd'hui fait l'admiration de tous les voyageurs comme étant un des chefsd'oeuvre de l'architecture du moyen âge.

Geoffroy Plantagenet, maître du donjon, qui avait été très endommagé pendant le siége, le fit réparer, pour avoir un appui solide dans le chef

2

Robert. de Monte Append. ad Sigebert., ad ann. 1144.

[ocr errors]

Anno gratiæ 1116 urbs Rothomagensis pene tota est com

busta. » Math. Westmonast. Flor. histor.

480

GOUT DES CONSTRUCTIONS RELIGIEUSES.

lieu de son duché. Il fit rebâtir aussi le pont sur la Seine, si nécessaire pour la communication entre les deux rives'. Le goût des constructions et des embellissemens s'était répandu généralement. Tandis que les barons et chevaliers entouraient leurs châteaux de tourelles et de murs crénelés, les villes bâtissaient des hôtels de commune, des hospices, des prisons, des tours, et les abbayes agrandissaient leurs églises et érigeaient des cloitres et des salles capitulaires. L'enthousiasme des croisades communiqua aussi un élan nouveau aux fidèles pour ériger ces édifices religieux, qui sans cela auraient peut-être attendu plus d'un siècle pour être terminés. Saint Bernard venait de réchauffer par ses prédications le zèle des chrétiens pour la conquête de la Palestine. Beaucoup de Français partirent, et les Normands ne furent pas en arrière de leurs voisins pour le cou rage et la piété. Galeran, comte de Meulan, Guillaume, comte de Varenne, son frère et beaucoup d'autres résolurent, en 1146, de se joindre à que Louis, roi de France, devait conduire

l'armée

[ocr errors][merged small]
« PreviousContinue »