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massacrés ou poursuivis hors de la ville jusqu'à un bois où l'on mit le feu '. Il en périt trois mille, et les vainqueurs ne firent grâce qu'à quelques uns de ce nombre était Guillaume Mallet avec sa femme et ses enfans . C'est ainsi 2. que les indigènes vengèrent la dévastation du Northumberland, dont le conquérant avait fait un immense désert, afin d'empêcher les insurgés d'y demeu

rer.

Pendant cette guerre cruelle et acharnée entre les vainqueurs et les vaincus, entre les anciens et les nouveaux conquérans du sol d'Angleterre, Guillaume avait jugé prudent de renvoyer Mathilde en Normandie; il lui avait donné les vastes propriétés d'un Anglo-Saxon contre lequel la fille du comte de Flandre avait conçu du ressentiment, lorsqu'il avait séjourné autrefois à la cour de son père. Plusieurs Normands, entre autres Hugues de Grentemenil, qui avait reçu le comté de Norfolk, et Onfroi du Tilleul son beau-frère, qui depuis la conquête commandait à Hastings, ne purent se résoudre à rester plus long-temps.

Orderic Vital, lib. 4.

Florent. Wigorn. Chronic., ad ann. 1069.

DE PLUSIEURS NORMANDS.

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séparés de leurs familles en Normandie; ils renoncèrent aux projets d'ambition pour goûter le bonheur domestique dans leur patrie, et se séparèrent de leurs compagnons. Les femmes avaient pressé le retour de leurs maris, sans lesquels beaucoup d'entre elles étaient exposées à des outrages. Il y en eut qui menacèrent de chercher d'autres protecteurs si leurs maris restaient en Angleterre. Guillaume blâma beaucoup les hommes qui préféraient leurs familles à ses conquêtes; et le prêtre Orderic Vital, qui probablement ne comprenait pas ces affections domestiques, épuise les termes les plus outrageans pour flétrir ces femmes qui désiraient revoir leurs maris. Il attribue à des désirs lascifs' le besoin naturel qu'avait leur faiblesse d'être protégée contre la violence si commune dans ces temps. On peut supposer d'ailleurs que beaucoup de Normands oublièrent, dans leurs conquêtes et dans leur nouvelle grandeur, qu'ils avaient laissé

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Quædam Normanniæ mulieres seva libidinis face urebantur... Rursus honorabiles athletæ quid facerent si lascivæ conjuges thorum suum polluerent, et progeniei suæ perenuis maculæ notam et infamiam generarent? » Order. Vital, lib. 4.

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des femmes et des enfans en Normandie, et qu'il fallait pourvoir à leur existence.

Ceux qui partirent n'eurent pas de dotations ou perdirent celles qu'ils avaient reçues ; ils durent en être dédommagés par le bonheur qui les attendait dans le sein de leurs familles, si toutefois le goût de la vie aventureuse que menaient les conquérans en Angleterre ne les avait rendus insensibles à la vie pacifique de leurs foyers.

Guillaume négocia pour éloigner la flotte danoise, qui soutenait les habitans d'York; il traita aussi avec le roi indigène Edgar, qui s'était installé dans cette ville après avoir été reconnu de nouveau par les grands et les prélats; les Danois consentirent, on ne sait à quel prix, à retourner dans leur patrie. Dès qu'ils furent partis, Guillaume marcha contre la ville insurgée, l'assaillit, la prit, y mit tout à feu et à sang, et força Edgar et sa cour à s'enfuir en Ecosse '. Ses troupes. pénétrèrent ensuite dans la Northumbrie, et ravagèrent de nouveau cette province, pour que ce désert n'offrit plus d'asile aux Anglo

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Orderic Vital, lib. 4.

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DE LA VILLE D'YORK. 1070.

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Saxons'; au nord-ouest, les Normands se fortifièrent contre les Gallois, et ayant ainsi réduit les indigènes ses ennemis à se jeter dans les bois, Guillaume revint à Winchester, pour y célébrer les fêtes de Noël, l'an 1070. La difficulté de gouverner les provinces du nord, où régnait encore une si grande aversion pour les Normands, le força d'accepter la soumission des chefs anglosaxons, et de leur confier ces contrées nouvellement conquises. Waltheof, ce vaillant guerrier qui s'était signalé contre les Normands dans la prise d'York, reçut les comtés de Huntingdon et de Northampton, et Gospatric fut nommé comte de Northumberland'. Le roi ne compta probablement pas plus leur inféoder ces provinces qu'ils ne voulaient le reconnaître pour leur suzerain : les deux partis, acceptant la nécessité des circonstances, se trompèrent mutuellement.

Les mêmes ravages qui avaient dépeuplé le nord et l'ouest de l'Angleterre avaient augmenté aussi la misère dans les autres provinces du royaume. On y voyait les hommes mourir en foule; la guerre et l'oppression y avaient éteint

Florent. Wigorn., ad ann. 1069.

2 Order. Vital, lib. 4.

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l'industrie, et anéanti les ressources '. Tout le mal que les Anglo-Saxons avaient fait jadis aux insulaires, ils l'éprouvaient à leur tour; mais les pauvres Bretons, les indigènes, qu'avaient-ils fait pour pâtir avec leurs premiers oppresseurs, sous un joug nouveau qui ne distinguait point les habitans primitifs de ceux qui étaient venus les opprimer! Les insurgés firent encore une nouvelle tentative de résistance en formant un camp dans l'île ou les marais d'Ely; les prêtres y affluèrent avec le peuple, l'illusion du succès leur inspira un nouveau courage; mais Guillaume ne leur laissa pas long-temps un espoir aussi trompeur: ayant attiré auprès de lui Morcar, il le fit arrêter, et le tint en prison le reste de sa vie, en le confiant à la garde de Roger de Beaumont en Normandie. Il dispersa ensuite le camp d'Ely; des massacres et des ravages signalèrent cette nouvelle victoire, qui ne laissa plus aux indigènes la perspective d'une royauté et d'un culte indépendant.

Cependant l'ennemi le plus redoutable des Normands, Herward, que les insurgés d'Ely

Order. Vital, lib. 4.

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