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DISCOURS DE HENRI

tuer à lui ou à son fils le duché de Normandie, que Henri avait incorporé dans ses états.

Quand le pape eut terminé ses exhortations pieuses, le roi entama une longue exposition de ce qui s'était passé en Normandie, et dont le pape paraissait être peu informé. Robert, mon frère, disait-il, s'était mis en possession de la Normandie immédiatement après la mort de notre frère Guillaume-le-Roux; mais au lieu de gouverner ce pays selon la justice et le bon droit, il n'a cessé de commettre les actes d'injustice les plus révoltans. Pendant les sept ans qu'il a eu en main les rênes du gouvernement, tous les genres de brigandage ont été exercés presque sous ses yeux. Les faibles étaient opprimés, les églises et les couvens étaient en proie à des scélérats; personne n'obtenait justice. Robert s'entourait des hommes les plus méprisables; il accueillait les bandits que j'avais été obligé d'expulser de mon royaume. De toutes parts s'élevaient des plaintes contre son incapacité. C'était à moi qu'on s'adressait pour obtenir justice; je n'ai cédé enfin au vœu général que pour délivrer le peuple et l'église. Il a fallu faire la guerre à plusieurs barons qui refusaient de déposer les armes. J'ai dû

AU PAPE CALIXTE.

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éloigner mon frère Robert, mais je ne le traite point avec dureté; j'ai confié l'éducation de son fils au gendre de mon frère; mais ce tuteur l'a soustrait, et errant avec lui dans l'étranger, il cherche partout à me susciter des ennemis. J'ai engagé mon neveu à rentrer en Normandie, où je voulais lui donner trois comtés; il refuse tout, et préfère demander un asile dans les états voisins et les exciter contre moi. Cependant je renouvelle mes offres, et je suis prêt à le recevoir en grâce. '

que

Cette justification, faite avec quelque éloquence, et qui ne trouvait pas de contradiction, fit effet sur le pape. Il donna raison au roi, et déclara être satisfait aussi n'entretint-il plus Henri des griefs du roi de France, qui se plaignait de la violation du dernier traité de paix. Henri prétendit à son tour que les conditions du traité avaient été enfreintes par le roi Louis; il ajouta néanmoins qu'il était tout disposé à renoncer aux hostilités, et à renouer les liens d'amitié avec la France.

Orderic Vital, lib. 12. Cet historien donne textuellement la conversation du pape et du roi; mais il est douteux qu'on ait recueilli leurs discours avec autant de détail.

378 PAIX ENTRE LA FRANCE ET La normandie.

Le pape se hâta de faire part à Louis-le-Gros de ces dispositions du roi d'Angleterre, et, par sa médiation, la paix fut promptement rétablie entre les deux souverains. '

' Order. Vital, lib. 12.

CHAPITRE II.

Henri s'apprête au départ pour l'Angleterre. — Naufrage de la Blanche Nef, par lequel périt Guillaume, seul fils légitime du roi. Nouveaux soulèvemens en Normandie en faveur du prétendant. Ligue de la croix de Saint-Leuffroi. -Guerre du comte d'Anjou contre Henri. - Dissolution du mariage du prétendant et de la fille du comte d'Anjou. · Le roi assiége Montfort. Mort de l'évêque Serlon. - Émeute dans la cathédrale de Rouen. - Prise de Pont-Audemer par les troupes royales. Combat de Bourgtheroulde. Punition des rebelles à Rouen. - Le prétendant s'allie à la maison de France; il est nommé comte de Flandre

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Henri marie sa fille Ma

Fêtes célébrées à Rouen.—

Soulèvement en Flandre contre Guillaume de Normandie.

Il périt au siége d'Alost. Démêlés de Henri avec l'archevêque de Rouen. — Lettre du roi au pape en faveur des abbés de monastères. Geoffroy Plantagenet se soulève contre son beau-père, et pénètre en Normandie. - Mort de Henri. - Caractère de ce prince. -Son goût pour la littérature.

COMME rien n'exigeait plus sa présence sur le continent, Henri résolut de retourner avec toute sa cour en Angleterre. Son départ devait être cette fois un véritable voyage de plaisir; plus raffermi que jamais sur son trône, et voyant tout réussir au gré de ses désirs, il avait de justes

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motifs de se réjouir. A la vérité un chagrin était venu troubler ses joies; il avait perdu Mathilde sa femme, mais une nouvelle famille s'élevait autour de lui: son fils, reconnu par les barons d'Angleterre pour son successeur et leur maître futur, venait d'épouser l'héritière du Maine; Henri était entouré d'enfans illégitimes déjà grands; sa cour brillait de jeunesse et de beauté. Le départ pour l'Angleterre devait être une fête ; il devint, hélas ! une catastrophe. Rassemblée à Barfleur, la cour allait s'embarquer sur le vaisseau royal, lorsqu'un patron de navire, nommé Thomas, dont le père Étienne avait conduit. autrefois en Angleterre Guillaume-le-Conquérant et sa fortune, réclama le même honneur à l'égard du fils de Guillaume, devenu comme lui roi d'Angleterre. Il montra son navire appelé la Blanche Nef, comme digne par son équipement de recevoir le souverain et sa

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Henri répondit que, pour lui, il avait déjà fait choix du vaisseau qui devait le transporter, mais

Orderic Vital, lib. 12. Son récit du naufrage de la Blanche Nef est plein d'intérêt. C'est une des meilleures narrations qu'on trouve dans les histoires du moyen âge.

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