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ARRIVÉE DE MATHILDE.

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considérable dans le pays, avec le titre de vicomte du Devonshire. '

Guillaume voyant que la soumission de l'Angleterre occuperait ses armes encore pendant quelque temps, fit venir de la Normandie, au printemps, sa femme Mathilde. Elle s'embarqua avec un grand nombre d'hommes, des femmes nobles, et des prêtres de sa cour, parmi lesquels on remarquait Gui, évêque d'Amiens, qui, depuis peu, avait composé un poëme sur la conquête de l'Angleterre. Les historiens normands, tels que Guillaume de Jumièges, Guillaume de Poitiers et Orderic Vital, font mention de ce poëme. On le croyait perdu; il y a peu d'années, il a été retrouvé dans la bibliothèque publique de Bruxelles, après environ huit siècles d'obscurité. Grâce à l'imprimerie, le poëme de l'évêque de la cour de Mathilde ne se dérobera pas une seconde fois aux recherches des savans. 3

Mathilde devint grosse en Angleterre et y douna le jour à un fils nommé Henri, le premier

'Orderic Vital., lib. 4.

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In clero.... celebris Guido, Ambianorum præsul, eminebat qui jam certamen Haraldi et Guillelmi versifice descripserat. » Ibid. 3 On en préparé des éditions à Londres, et à Rouen.

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de ses enfans qui naquît dans le royaume récemment acquis. Il paraît que la première pensée de Guillaume fut de le destiner au trône d'Angleterre; cependant il n'y persista point. Le roi avait promis sa fille à Edwin, lorsque celui-ci, avec son frère, eut fait sa soumission : c'eût été, en effet, un moyen d'attacher un puissant chef anglosaxon à sa dynastie, quoique les mariages ne fussent pas plus qu'à présent un lien indissoluble entre les princes. Edwin, sincèrement aimé de la princesse, désirait vivement ce mariage; la politique le conseillait: il y eut pourtant des Normands qui persuadèrent au roi qu'il convenait de rompre sa promesse '. Cet avis imprudent, on peut même dire perfide, coûta à l'Angleterre des flots de sang, et causa de nouveaux malheurs.

La fierté du chef anglo-saxon se révolta, en se voyant joué ainsi par le roi intrus. C'était un beau jeune homme, qui exerçait un grand ascendant sur sa nation; les prêtres faisaient des prières pour lui, et il comptait tous les indigens parmi ses partisans. Ceux à qui les Normands avaient

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Postmodum, fraudulento consultu Normannorum, diu expectatam denegavit nobilissimo juveni. » Order. Vital, lib. 4.

SOULÈVEMENT D'YORK.

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enlevé leurs biens n'espéraient qu'en lui. Exaspéré et animé par la vengeance, il emmena son frère Morcar au-delà de l'Humbre, au milieu de la masse des insurgés anglo-saxons; Blidan, roi de Galles, vint avec un corps de Bretons au secour's des deux frères; la fermentation devint effrayante dans le pays; on s'attroupa dans les bois et les marais; beaucoup de mécontens n'eurent plus d'autres demeures que les forêts, préférant toutes les privations à l'aspect de la servitude des villes subjuguées par les étrangers.

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La ville d'York se déclara pour la cause nationale, malgré les efforts que fit l'archevêque pour la retenir dans la soumission à Guillaume; cependant lorsque les troupes normandes approchèrent elle donna des ôtages comme avait fait Exeter. Le parti d'Edwin et de Morcar avait probablement fondé son principal espoir sur cette ville; dès qu'elle se fut soumise, ils traitèrent aussi. Archill, un des principaux Northumbriens, suivit leur exemple, et donna son fils en ôtage au roi. Malcolm, roi d'Ecosse, qui avait accueilli le jeune prince Edgar, et épousé une de ses sœurs, devait

car,

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« Plures in tabernaculis demorant, ne mollescerent. » Orderic Vital, lib. 4.

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MASSACRES DES NORMANDS

seconder le soulèvement du nord de l'Angleterre contre les Normands: il demeura tranquille lorsqu'il vit cette soumission générale.

Cependant la guerre continuait en détail : les Normands l'alimentaient par leurs vexations; de tous côtés se commettaient des meurtres, des spoliations, des vengeances atroces; la misère régnait partout où les Normands avaient dépossédé les Anglo-Saxons; à la suite des conquérans, les épidémies et la famine venaient atteindre ceux que leur glaive avait épargnés; dans les villes prises de vive force, beaucoup de maisons étaient détruites; on en prenait les débris pour construire des forts; on chassait des monastères les moines qui s'étaient prononcés contre les Normands; on se distribuait les maisons restées debout et les manoirs désertés; les veuves même des Anglo-Saxons qui avaient succombé devenaient la propriété des conquérans.

En portant ses conquêtes en avant, Guillaume avait chargé Robert de Comines d'occuper Durham, qui n'avait pas encore vu de Normands; Robert emmena avec lui cinq cents hommes,

Order. Vital, lib. 4.

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quelques historiens disent même douze cents. Il fut bien accueilli par les bourgeois, et alla loger à l'évêché; mais, pendant la nuit, les AngloSaxons concertèrent sa mort et celle de tous les Normands qui l'accompagnaient. Ils les massacrèrent en effet dans les maisons; une partie de cette nouvelle garnison se réfugia dans l'évêché; les bourgeois y mirent le feu, et tous ceux qui étaient dans cet édifice périrent au milieu des flammes. Cette trahison fut célébrée comme un triomphe par les Anglo-Saxons. Edgar reparut au milieu d'eux, et les conduisit au siége d'York, où ils voulaient détruire la forteresse bâtie par les Normands. Guillaume arriva assez tôt pour les forcer à lever le siége; il les dispersa, et ne fit grâce à aucun de ceux que l'épée des Normands rencontra. Cependant les indigènes ne perdirent pas courage. Il leur arriva des navires d'Irlande; une flotte danoise vint aussi afin de seconder leurs efforts pour la délivrance de l'Angleterre. York fut attaqué de nouveau, et pris d'assaut, quoique Guillaume y eût fait élever récemment un second fort; les Normands y furent

Orderic Vital, lib. 4.

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