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266 1098. INVASION DANS LE VEXIN.

dant lorsque, près de mourir, il fut exhorté par ses confesseurs, à réparer ses torts et à rendre les biens injustement acquis, il refusa en disant que ses fils feraient à cet égard ce qu'ils jugeraient convenable. Mais ceux-ci gardèrent dans la suite tout ce que leur père avait acquis, soit par héritage, soit par rapine et par oppression.'

Tel était le principal vassal du roi de France dans le Vexin, qui favorisa l'invasion de Guillaume-le-Roux. Ce prince chargea Robert de Bellême d'élever une forteresse à Gisors, et continua, en septembre 1098, de ravager le pays jusqu'à Pontoise et Chaumont, où il eut plusieurs engagemens très vifs avec les Français, qui s'attachèrent surtout à démonter les cavaliers de l'armée anglo-normande, en tuant leurs chevaux à coups de flèche. Le roi Philippe ne se montra point dans cette guerre.

Cependant les Français se maintinrent dans leurs châteaux-forts, tels que Montfort, Épernon et Maules; Guillaume ne put que dévaster le Vexin, et jugea prudent de terminer en automne

Henr. Huntingd. Epist.

GUERRE CONTRE HÉLIE DE LA FLÈCHE. 267

1098 la campagne par une trève, et de rentrer en Normandie.'

Quand les troupes furent de retour dans le duché, Robert de Bellême reprit les hostilités contre le comte du Maine, Hélie de la Flèche. Celuici marcha avec ses gens d'armes contre son ennemi, l'attaqua sur le territoire de Rouillée, auprès d'Alençon, et le mit en fuite, après avoir faits prisonniers plusieurs chevaliers qui ne purent recouvrer leur liberté qu'en payant de fortes rançons. Pour prendre sa revanche, Robert engagea le roi d'Angleterre à se mettre enfin en possession du Maine; le roi fournit en effet des secours à Robert, et le mit à même de fortifier toutes les places qu'il possédait dans ce comté: de là Robert fit des excursions dans le pays, ravagea les champs, et traîna les hommes dans les cachots de ses donjons. Il tendit des embûches à Hélie, qui était sorti avec sept chevaliers du château de Dangeul, et fut assez heureux pour le surprendre et le faire prisonnier avec sa faible escorte. Il le conduisit aussitôt à Rouen devant le roi. Guillaume-le-Roux, charmé de cette cap

Order. Vital, lib. 10.

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1099.

SIEGE ET PRISE

ture, convoqua ses barons, et il fut convenu que les vassaux se rangeraient aussitôt sous les bannières du suzerain pour marcher à la conquête du Maine. Il arriva beaucoup de Français, de Flamands et de Bretons pour prendre part à cette expédition'. En juin 1099, l'armée se rassembla dans la ville d'Alençon, et de là le roi se porta avec elle sur le Maine. Fresnai-sur-Sarthe fut la première place forte qu'elle investit. Ce fort était défendu par Raoul, vicomte de Beaumont. Il demanda et obtint une trève jusqu'à ce que le sort de la capitale, le Mans, fût décidé. D'autres places, occupées par Geoffroy de Mayenne, Rotrou de Montfort et d'autres chevaliers obtinrent la même trève; Pains de Montdoublau livra la place de Balon, à quatre lieues du Mans, qui était la clef du pays. Guillaume la donna à garder à Robert de Bellême, dont l'aïeul Guillaume avait autrefois trouvé la mort dans la prison de cette ville pour s'y être révolté contre le duc de Normandie.*

L'armée arriva ensuite devant la place du Mans, que Foulques, comte d'Anjou, le même que la

Order. Vital, lib. 10.

2 Wace, Roman de Rou, tom. I.

DE LA VILLE DU MANS.

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belle Bertrade avait délaissé pour le roi de France, défendait avec beaucoup de valeur. N'étant pas préparé à attaquer une place que Guillaume-leConquérant avait munie de plusieurs tours très fortes, son fils Guillaume-le-Roux fut obligé de se retirer; mais il reparut après la moisson; il était temps, car Foulques pressait vivement le siége de Balon, qu'il voulait reprendre, et dans laquelle étaient enfermées et enchaînées plusieurs centaines de prisonniers manceaux et angevins. A l'arrivée des Normands il se retira dans la place du Mans; cependant les Manceaux, craignant tous les maux d'un siège et d'un assaut de la part des ennemis, demandèrent à capituler, et il fut convenu que le Mans et les autres places du Maine se rendraient au roi d'Angleterre, qui, de son côté, rendrait la liberté à Hélie de la Flèche et aux autres prisonniers.'

En conséquence, Guillaume-le-Roux envoya Robert de Montfort avec 700 hommes complétement armés, occuper le donjon du Mans; les autres tours et le reste de la ville furent occupés par un millier de soldats. Le clergé vint conduire

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LE ROI PART DE NOUVEAU

le roi à la cathédrale, et l'étendard anglo-normand fut hissé sur la cime du fort. En vain Hélie de la Flèche, délivré de la prison, s'offrit à devenir le comte du roi; sur l'avis du comte de Meulan, Guillaume-le-Roux refusa ses services, et Hélie se retira tristement dans les châteaux-forts qui lui restaient, afin de s'y mettre en sûreté. Les autres places du Maine reconnurent toutes le roi d'Angleterre pour leur suzerain; Guillaume, comte d'Évreux, Gislebert de l'Aigle, et d'autres barons normands furent chargés du gouvernement et de la justice du pays.

il

La conquête paraissant être achevée, le roi retourna en Angleterre, mais il n'y fut pas longtemps. Un jour, étant à la chasse dans l'immense forêt neuve plantée par Guillaume-le-Conquérant à la place de plus de 60 paroisses détruites, reçut un message de Robert de Bellême : celui-ci invoquait ses secours contre les Manceaux, qui, en juin, avaient reçu Hélie de la Flèche dans leurs murs, en forçant les Anglo-Normands de se renfermer dans le donjon. Robert de Bellême se

Order. Vital, lib. 10.

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