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HOSTILITÉS DANS LE VEXIN.

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passer en Normandie, où d'autres projets devaient s'exécuter. Il ne pardonnait pas au roi de France de soutenir son fils rebelle, Robert Courteheuse, qui n'avait pas rougi de faire avec des Français des incursions dans sa patrie, pour se vengér de la sévérité de son père'. Les hostilités continuaient entre Français et Normands; elles partaient surtout du Vexin, qui avait été autrefois cédé au duc de Normandie, mais que le roi de France avait repris pendant les troubles de la minorité de Guillaume'. Celui-ci avait eu toujours la volonté de s'emparer de ce district: seulement il avait ajourné l'exécution de son dessein jusqu'à ce que l'état de l'Angleterre ne lui donnât plus d'inquiétude.

Quand il fut de retour de l'Angleterre, il poussa avec plus d'activité les hostilités sur les frontières; mais il tomba malade à Rouen, et fut obligé de garder long-temps le lit. Il avait acquis trop d'embonpoint. On raconte que le roi de France, ayant appris son infirmité, dit en plaisantant: Quand donc ce gros homme accouchera-t-il?

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« Auxilio Philippi regis in Normannia predas agebat. » Th. Walsingham Ypodigma Neustriæ, ad ann. 1076-7.

• Orderic Vital, lib. 6.

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et que Guillaume, à qui on rapporta cette plai santerie, dit en colère: Quand j'aurai accouché, je ferai mes relevailles à Notre-Dame de Paris, avec. 10,000 lances en guise de cierges! Des historiens modernes ont cru voir dans la raillerie du roi de France la seule cause des cruautés qu'exerça bientôt après Guillaume sur le territoire français; mais on peut se rappeler que l'inimitié entre les deux rois était plus ancienne, et que plusieurs motifs avaient contribué à l'exciter. Depuis quelque temps, des bourgeois de Mantes franchissaient les limites de la Normandie, et faisaient des incursions dans le pays d'Evreux, enlevant les bestiaux, et emmenant comme prisonniers les hommes pour les forcer à se racheter. Au mois de juillet, Guillaume, pour se venger, envoya Asselin Goët avec des troupes, détruire les moissons et arracher les vignes des Mantais; puis le lendemain, pendant que les bourgeois allaient voir le dommage causé par les Normands, il arriva lui-même à

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DE LA VILLE DE MANTÈS.

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l'improviste, avec ses gens d'armes, et se précipita avec les Mantais, pêle-mêle, dans leur ville. Il brûla impitoyablement le château, les églises et maisons; beaucoup d'habitans périrent dans les flammes'; mais en conduisant son cheval à travers les décombres, il reçut un choc du pommeau de la selle qui lui fut fatal. On le reporta malade à Rouen, et là son mal empira bientôt, au point de lui laisser entrevoir sa fin prochaine. Il sentit alors qu'il ne lui restait qu'à se préparer chrétiennement à la mort ; c'est ce qu'il fit en appelant auprès de lui des évêques et des abbés pour prier avec eux, et ses deux fils Guillaume et Henri, pour leur adresser des conseils. Quant à son fils Robert, il ne paraît pas que la maladie de son père ait pu le déterminer à retourner en Normandie, pour recevoir sa bénédiction : il resta dans l'étranger.

Nous possédons un récit très détaillé des derniers discours et des derniers momens du roi d'Angleterre. Ce récit, que l'on conservait au

'Roman de Rou, vers 14210 et suiv. Orderic Vital, lib. 7. Ibid.

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Fragmentum ex antiquo libro monást. Sti. Stephani Cadom &

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trefois dans l'abbaye de Caen, dont Guillaume était le fondateur, paraît avoir été écrit par l'un des prêtres qui le préparèrent à la mort; il se ressent un peu de la déclamation d'un prédicateur de ce temps, et du goût des clercs d'alors pour l'amplification. Le fond en doit être vrai néanmoins, et offre beaucoup d'intérêt : aussi Orderic Vital l'a intercalé à peu près tout entier dans sa chronique.'

Pour n'être pas incommodé du bruit de la ville de Rouen, le roi s'était fait porter au prieuré de Saint-Gervais, situé sur une colline au nord de la ville; l'église existe encore avec ses restes de construction romaine, et avec la vieille crypte où ont été enterrés les premiers évêques de Rouen ; mais aujourd'hui l'enceinte de la ville s'étend du côté du nord, au-delà de Saint-Gervais. Là il reçut les soins de Gislebert Mamerot, son ancien

Gulielmo Conquest., inséré dans Anglica, Normann., Hibern., Cambrica a veteribus scriptor. Francfort, 1603, in-fol.

'On pourrait croire que le fragment en question est tiré au contraire de l'Hist. eccles. d'Orderic Vital, si Wace, qui ne pouvait connaître cet auteur, et qui en diffère si souvent, ne rapportait pas les mêmes détails; ce qui paraît prouver que tous deux ont puisé à une source commune, qui doit être le fragment cité.

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médecin, qu'il avait fait, comme nous avons vu, évêque de Lisieux. Gontard, abbé de Jumièges, était médecin aussi, et assistait l'évêque de Lisieux, avec d'autres clercs qui pratiquaient la médecine'. La relation de ses derniers momens, dont il a été question plus haut, donne un très long discours que Guillaume, dit-on, prononça, et dans lequel il récapitula les principaux événemens de son règne. Il ne faut voir probablement dans ce prétendu discours que le résumé de toutes les conversations que Guillaume eut avec les assistans pendant les six semaines de sa maladie, et des volontés qu'il dicta ou déclara durant ce temps. Des notaires étaient là pour écrire ses dernières dispositions. Il assigna d'abondantes aumônes et des dons aux couvens, églises, prêtres et pauvres sur les trésors qu'il avait amassés; il envoya de l'argent à Mantes pour que le clergé rebâtît les églises que dans sa fureur il avait réduites en cendres. Du reste, il disait avec satisfaction qu'il n'avait jamais fait tort à l'église, ni opprimé le clergé1. Mais le souvenir de ses cruautés commises

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