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considérable, le mettait à l'abri de toute attaque, tandis que sur le versant opposé une triple enceinte de murailles le défendait de toute surprise.

Il existe encore une partie notable de ces fortifications, et la pioche des démolisseurs n'a pu réussir à entamer les deux énormes tours qui défendent l'entrée principale.

« L'entrée du château était précédée d'une place d'armes, avec une salle à l'extrémité; d'une cour en préau, entourée d'un mur crénelė dont il ne reste aujourd'hui que des traces, mais qui portait encore naguère son, chemin de ronde. Les constructions du château sont très-irrégulières, mais un plan savamment conçu présida à leur érection; malheureusement aujourd'hui elles sont en très-mauvais état de conservation: les murs sont démolis en grande partie, les pierres taillées des portes et des fenêtres ont été arrachées, et leurs débris amoncelés aux pieds des murs, ont recouvert presque en entier le rez-de-chaussée du château. A l'extrémité, contre les murs, on voit une série d'arcades à plein cintre, alternant avec des arcades en tiers-point, et des meurtrières de 2 mètres de long et étroites, régulièrement espacées. La porte d'entrée est la partie la mieux conservée et par suite très-intéressante à étudier à cause de ses moyens de défense. Elle se trouve dans un passage de 2 mètres de large, cintré en arc surbaissé, ménagé entre deux tours, dont l'une est à éperon et l'autre en circulaire. En avant du passage est d'abord la herse, retenue par un mur à arc en ogive, puis après quelques mètres la porte proprement dite, à cintre aussi ogival, et qui était défendue, indépendamment de la herse, par un trou en machicoulis carré, percé dans la voûte du couloir. Un escalier pratiqué dans l'épaisseur des murs permettait de l'enceinte du château, d'arriver à ce machicoulis et aux amarres de la herse; le tout est encore parfaitement conservé. La tour à éperon a dans le bas une salle carrée, voûtée en berceau et sans autre ouverture

qu'un trou pratiqué à la voûte. L'autre tour, au rez-dechaussée, a une salle circulaire voûtée en cul de four, et trois meurtrières: un couloir menait à cette salle et à une autre rectangulaire, qui lui était antérieure, et qui par un autre conduit permettait de défendre la porte, comme les meurtrières de la première salle défendaient la herse. Au premier, cette tour a une salle très-irrégulière, qui était reliée à un escalier tournant dans la seconde tour, qui menait à des étages démolis. La porte et les premiers ouvrages pris, les assiégés pouvaient se retirer dans une seconde. enceinte, où était le donjon, malheureusement détruit; dans cette dernière enceinte était aussi la chapelle '. >>

Dès le XIe siècle les seigneurs de Penne comptaient parmi les plus puissants; plus tard cette vicomté passa aux mains des comtes de Toulouse, et ceux-ci confièrent leurs archives aux solides murailles du château. De nos jours, ces restes imposants appartiennent aux d'Ouvrier de Bruniquel.

Les habitants peuplent ses ruines de revenants, et racontent à ce sujet une foule de légendes; l'une d'elles mérite d'être citée : « Le dernier des sires de Penne mourut après une lutte acharnée, dans laquelle il vengea d'avance son trépas, en plongeant le fer dans la poitrine de son rival, le sire de Bruniquel. La lutte fut tellement acharnée, les deux adversaires se serraient de si près, qu'on trouva le lendemain dans l'Aveyron leurs deux cadavres étroitement liés l'un à l'autre dans une étreinte suprême ?. »

Un souvenir plus ancien et plus véridique rapporte qu'au XIIIe siècle, Adelays de Penne avait été touchée par les chants d'un noble troubadour, Raymond de Jourdain, vicomte de Saint-Antonin, mais la croisade vint mettre un terme à leur bonheur. Raymond partit pour la guerre sainte

Rossignol, Congrès archéologique d'Albi, p. 470.

2 Notice historique des chemins de fer, p. 66. geur dans le département du Tarn, p. 123.

Compayré, Guide du voya

et fut laissé pour mort sur le champ de bataille. La nouvelle de son trẻpas parvint à la belle Adelaïs, et celle-ci ne pouvant supporter sa peine, se réfugia dans un cloître. Raymond guérit de ses blessures et revint, mais pour apprendre qu'Adelaïs venait de prononcer des vœux éternels. A son tour il se retira dans la solitude, et y serait mort dans la douleur, si son cœur sensible n'avait trouvé de douces consolations auprès d'une noble dame.

Voici une des nombreuses pièces écrites par Raymond Jourdain en l'honneur de sa dame.

Lo clar temps vei brunezir

E'ls aujelets esperdutz,

Que l'fretz ten destregtz e mutz,

E, ses conort de jauzir.
Donc eu que de cor sospir

Per la gensor re qu'anc fos

Tant joios,

Son qu'ades mes vis.

Que folh, e flor s'espandis.

Sos amics son e serai
Aïtan quant la vida ni dur,
E no crezatz que m'pejur
Enans mi meillurarai
Quel pais on el'estai

Azor soplei et acli

Ab cor fi,

E lai vir saven,

Mos olhs, tan l'am finamen.

Ailas tan destressa m'fai

De lei vezer tor e emur!

Mais d'aisso m'en assegur
Per un messatgier qu'ieu n'ai

Moc car que saven lai vai;
E conorta m'enaissi,

Qu'endrez mi

Non au ni euten,

Prec d'amic ni de paren.

Le sombre hiver attriste la nature,
Du doux printemps oubliant les plaisirs,
A fond des bois privés de leur verdure,
Sans amour, sans voix, sans plaisir,
Les oiselets tremblent sous la froidure,

Et moi dont le cœur amoureux,

Aime la plus belle des belles,

Comme aux beaux jours des fleurs et des feuilles nouvelles,
Je chante, j'aime et suis heureux.

L'amour ardent qui dévore mon âme,
J'en fais serment, ne peut jamais finir,
De jour en jour augmentera ma flamme,
Et quand viendra. mon suprême soupir,
J'expirerai tout entier à ma dame;
Absence, différent séjour,

Ne peuvent rien sur ma tendresse,
Et vers les lieux heureux qu'habite ma maîtresse,
Mes yeux se dirigent toujours.

Créneaux maudits, jalouse citadelle,
Qui dérobez chaque jour à mes yeux
Les doux appas, les charmes de ma belle,
Mon cœur franchit vos remparts odieux,
Et suit les pas d'un messager fidèle ;
En vain jaloux de nos amours,

Parents, amis, voudraient me ravir ma maîtresse,
Je les brave comme vos tours.

Le village est assis au pied du château et son énorme donjon paraît encore l'abriter sous sa puissante masse. Il conserve l'aspect de nos anciennes villes fortifiées, où le peu d'espace laissé entre les murailles d'enceinte obligeait à des chefs-d'œuvre d'entassement les architectes d'autrefois; aussi en parcourant la longue rue qui serpente sur le flanc de la montagne, l'artiste trouvera mille sujets d'études, sans que jamais nulle construction moderne ne vienne détonner au milieu de cet amas pittoresque de murs en pans de bois,

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