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SÉANCES TENUES A TROUVILLE-SUR-MER

(Calvados).

1re. SÉANCE,

Sous la présidence de M. de GLANVILLE, inspecteur de la Seine-Inférieure.

Deux séances ont été tenues à Trouville dans la journée du 5 septembre 1848, à l'occasion d'une réunion de l'Association normande: elles ont eu lieu dans le beau salon du Cercle, en présence d'un grand nombre de dames et de baigneurs. On remarquait parmi ces derniers M. Lasnier, conseiller d'Etat, membre du conseil-général des manufactures, et ancien député de la Loire, M. Binard, président à la Cour d'appel de Caen, M. le comte d'Hautpoul, maire de Trouville, M. Gaugain, trésorier de la Société, membre de l'Institut des Provinces, MM. Le Cour, Allaume, Le Métayer Des Planches, un grand nombre d'autres archéologues et plusieurs autres notabilités. Voici le résumé de la 1. séance.

M. de Caumont indique l'objet de la réunion. - M. de Cacheleu écrit au sujet d'une voie antique qui, tendant de Trouville à Montfort, traversait l'arrondissement de Pont-l'Evêque.

M. Billon, de Lisieux, demande 50 fr. pour la restauration du clocher de Drubec; il s'agit de déboucher des fenêtres et de rétablir des meneaux...

M. Billon entretient la Société de la restauration des vitraux de St.-Etienne, près Pont-l'Evêque; M. Cordier des réparations à surveiller à l'église de Branville, et M. Beaudouin, de l'église (aussi à réparer) d'Auvillars près Bonnebosc.

M. Alleaume des Mottes, de Pont-l'Evêque, signale les beaux vitraux de Pont-l'Evêque pour lesquels la fabrique ne peut rien faire, vu les dépenses que lui a coûtées la réparation de l'orgue, recommandable par son ancienneté. La ville n'est pas plus riche que la fabrique.

La Société française recommandera ces vitraux au gou

vernement.

L'attention de l'assemblée est ramenée sur quelques voies romaines.

On signale d'abord celle dite Le Vieux chemin de Bernay, qui tend à Quilly-le-Vicomte.

M. de Caumont recommande aussi l'étude d'une voie ancienne venant du sud, passant à Manerbe, à Torquesne, et dont la direction devient ensuite incertaine. Va-t-elle à Trouville ou à Villers-sur-Mer ? on la connaît sous le nom de Chemin des âniers.

M. Billon rend compte des soins qu'il a pris pour la conservation de la curieuse église de Sainte-Marie-aux-Anglais.

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Les fonds alloués précédemment, par la Société française ont été employés à placer quatre tirants en fer pour arrêter l'écartement des murs, à réparer les toitures et à opérer. des déblais.

M. d'Urville signale des ruines à examiner dans un herbage de Dives; un autre membre indique des ruines que l'on pourrait fouiller à Fierville.

Mme. Philippe-Lemaître lit un excellent article sur quelques granges dîmières du département de l'Eure, entr'autres

sur les granges de l'abbaye du Bec: des dessins de trois de ces édifices passent sous les yeux de l'assemblée.

M. Raymond Bordeaux indique, aux environs d'Evreux, quelques granges monumentales qu'il pourra dessiner : celle de la Bonneville, celle de Gauville-la-Campagne, celle de la Commanderie; il signale à Mme. Philippe la grange à lancettes ogivales qui existe auprès de l'église du TheilNollent.

Il annonce aussi que M. César Daly a entrepris, de son côté, un travail sur les granges dîmières de la Touraine. Ce sujet envisagé pour la première fois par M. de Caumont, est donc tout-à-fait à l'ordre du jour.

La lecture de Mme. Philippe-Lemaître est suivie de celle de la notice adressée par M. Frédéric de Cacheleu, sur la voie antique dite la rue Moulière.

M. Lemétayer assure que la rue Moulière se dirige sur Barneville, avec peut-être un embranchement sur Trouville, quoique Villerville lui paraisse un point de tendance plus problable encore que Trouville, puisque c'est à Villerville que se fait la pêche des moules et qu'à Trouville on n'a jamais découvert aucun objet d'origine romaine, malgré toutes les constructions et tous les changements faits dans cette localité depuis quelques années.

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M. Gaugain lit deux lettres: l'une de M. Anatole de Barthélemy, faisant savoir que, sur la demande de M. Geslin de Bourgogne et l'avis du comité de Bretagne le gouvernement a classé l'église Notre-Dame de Lamballe; l'autre annonçant que M. Langlois ancien fabricant de porcelaines, se propose de fonder une manufacture de vitraux à Bayeux.

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M. de Glanville lit la note suivante sur une découverte de médailles faite près de Rouen.

NOTE DE M. DE GLANVILLE.

Dans une commune du département de la Seine-Inférieure, appelée St.-André-sur-Cailly, M. de Valori faisant exécuter des travaux dans sa propriété, mit à découvert, il y a quel que temps, deux tronçons de colonnes romaines, d'un diamètre de 0.39 à la base, ce qui suppose, d'après les lois de l'architecture antique, une hauteur de 4m. 32, en y comprenant le piédestal et l'entablement. Ces deux colonnes devaient servir à orner l'entrée principale d'une habitation romaine. De grosses pierres leur servaient de fondation et annoncent un entrecolonnement de 3m. Après avoir franchi un cryptoportique ou péristyle, on entrait dans une salle pavée de dalles de pierre de 0m. 68 de largeur, sur 0m. 04 d'épaisseur, puis on passait dans de petits appartements disposés à la suite les uns des autres, dont les murailles, revêtues d'un enduit épais, étaient peintes de couleurs diverses où dominaient le rouge et le bleu. Un canal en pierres, qui passait au-dessous du pavage, devait être destiné à l'écoulement des eaux. Il serait donc permis de voir là des salles de bains, d'autant plus que nous avons cru remarquer les débris d'un fourneau, destiné à chauffer. l'eau. Malheureusement les fouilles n'ont point été poussées assez loin pour permettre de former un jugement positif et de faire un plan général de cette villa, qui devait avoir une certaine importance. Dans ces ruines, comme dans toutes celles de même origine, on a trouvé au milieu du charbon et des cendres des morceaux de tuiles et de poterie et les fragments d'une dalle de pierre commémorative, dont il nous a été impossible de restituer l'inscription; nous en avons fait un estampage.

Tout près de là se trouve un amphithéâtre, reconnu il

y a déjà long-temps, par notre savant confrère E. Gaillard, dont le petit axe est de 46m. Le grand offre une longueur de 70m. jusqu'à un point où l'ellipse est tronquée et où il n'a jamais probablement existé d'enceinte.

Un chemin creux, qui passe pour une voie romaine, sépare cet amphithéâtre d'un terrain où se trouvent de nombreux débris romains. Il y a peu d'années encore, m'a-t-on dit, une mosaïque existait à quelques centimètres sous le sol, et faisait par sa solidité le désespoir des laboureurs.

L'un d'eux, plus vigoureux que les autres, enfonça plus avant le soc de la charrue et fit revenir à la surface une partie de ce pavage. Aujourd'hui le sol est jonché de petits cubes blancs et noirs, qui entraient autrefois dans le dessin de ce précieux travail, qu'un instant a suffi pour détruire.

Dans le voisinage, d'autres traces de constructions se révèlent à chaque instant et annoncent qu'en cet emplacement existait autrefois une réunion d'habitations considérable.

Le bourg de Cailly, dont la commune de St.-André n'est qu'à 2 kilomètres de distance, fut jadis une position romaine importante et bien connue. Il n'est pas étonnant de retrouver dans les environs d'autres habitations, qui devaient naturellement se relier à la position principale.

Après avoir esquissé rapidement les preuves certaines du séjour en ces lieux du peuple roi, je dois signaler une particularité assez remarquable. Avant la domination romaine, les Gaulois avaient aussi habité ces mêmes lieux, chéris de tous les âges, et c'est sur les débris fumants de leurs modestes habitations que les fiers vainqueurs du monde étaient venus dresser leurs splendides villas. C'est du moins ce que semblent prouver plusieurs découvertes successives, au

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