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M. Denain était alors dans toute la force de son talent: la fortune des lettres le tenta de nouveau. La carrière qu'il y devait suivre était tracée d'avance par ses études de prédilection et par ses sentiments religieux. M. de Genoude l'associa à sa vaste entreprise de la traduction des Pères de l'Eglise. Quelques années plus tard, M. de Salvandy le nommait bibliothécaire de l'Arsenal. C'est à cette période de 1840 à 1850 que se rapportent les principaux ouvrages littéraires de M. Denain. Les écrits de saint Cyprien, de Tertullien, de saint Anselme furent reproduits par lui dans notre langue, avec ce style noble, cette forme ample et majestueuse qui convenaient si bien à l'interprétation des sublimes défenseurs du christianisme naissant. Ces ouvrages, dédiés à la reine Marie-Amélie, valurent à leur auteur une grande médaille d'or de la part du gouvernement de Louis-Philippe.

Comme tous les écrivains de son époque, M. Denain prêta sa collaboration à plusieurs journaux, mais il ne leur consacra guère que des articles de littérature. La politique n'eut jamais pour lui beaucoup d'attrait. Homme de principes, il n'était pas homme de polémique. Son esprit de paix et de conciliation, son équité naturelle lui donnaient peu de goût pour cette arène où les passions jouent un plus grand rôle encore que les convictions, et où il est quelquefois si difficile de s'engager dans un parti, sans manquer à la justice.

L'année 1850, avec sa nouvelle loi sur l'enseignement, rouvrit à M. Denain les portes de l'Université. Il fut nommé Recteur de la HauteMarne; puis, en 1853, appelé avec le même titre dans notre département d'Eure-et-Loir. Mais on ne tarda pas à reconnaître que la création d'une académie par département, en morcelant l'autorité, lui avait ôté sa force et ses ressources. L'Université rentra dans des limites plus favorables à l'unité administrative, et M. Denain, comme la plupart de ses collègues, vit changer son titre de Recteur en celui d'Inspecteur d'académie.

A partir de cette époque, M. Denain appartient définitivement à l'Instruction publique et à notre département : c'est là qu'est marquée désormais sa carrière d'action. Détourné de ses travaux, qui avaient fait sa réputation et son bonheur, par les détails chaque jour plus compliqués des fonctions administratives, il accepta cette position avec un courage qui pouvait passer pour une véritable vocation. Il sut toujours élever son caractère à la hauteur de ses devoirs, et il nous a été donné à tous de reconnaître ce que son âme renfermait d'amour du bien. Les fonctionnaires de l'enseignement ont trouvé en lui un administrateur intègre, un chef bienveillant, et un exemple de vie laborieuse et d'immolation de soi-même.

Ajoutons que M. Denain sut faire profiter à ses fonctions mêmes ses talents d'écrivain. Jamais il ne laissa échapper l'occasion de faire entrer dans le cœur des élèves ou des instituteurs placés sous son inspection ces belles leçons qui coulaient avec tant de facilité de son esprit si riche de souvenirs, et de son cœur si plein de bons désirs. Ses allocutions

nombreuses, et pourtant toujours variées, toujours fécondes, resteront parmi nous comme des modèles de sagesse, et en même temps de goût et d'élégance.

M. Denain aimait notre Société qu'il avait contribué à fonder. Si d'autres soins ne lui permettaient pas de prendre une part active à ses travaux, c'était pour lui un bonheur d'assister à nos réunions. Quelquefois même il nous fit confidents de ses irrésistibles retours à la poésie, qu'il appelait le péché de sa jeunesse, et nous n'avons pas oublié cette belle paraphrase de la parabole de l'Enfant prodigue qu'il lut, il y a peu de temps, au sein de cette assemblée.

Une existence si bien remplie a été pour tous de trop courte durée. Nous n'en voulons d'autre preuve que le deuil qu'inspire généralement la mort de M. Denain; le vide qu'il laisse dans sa famille, et parmi ceux que ses fonctions mettaient en rapport avec lui; enfin les témoignages si flatteurs, et pourtant si vrais, rendus à sa mémoire par le chef honorable de ce département qui avait été à même d'apprécier la droiture de son cœur, l'élévation de son esprit et les ressources de son dévouement.

La séance est levée à cinq heures.

NOUVEAUX MEMBRES ADMIS.

Membres titulaires :

MM. MICHEL (Léonce), professeur de huitième au collège de Chartres; présenté par MM. Barois et Laigneau.

PRODHOMME, Secrétaire de la mairie de Châteaudun; présenté par MM. Merlet et Lefèvre.

FOLLIE, capitaine du génie, à Chartres; présenté par MM. de Vésian et Joliet.

OBJETS OFFERTS A LA SOCIÉTÉ:

Étude littéraire sur les tragédies de Schiller, traduction de M. Th. Braun, par M. Paillart. (Don de l'auteur.)

De l'Art chez les peuples primitifs, par M. Léon Fallue. (Don de l'auteur.)

Bulletin de la Société d'Archéologie de Seine-et-Marne, 3 et 4 année. (Envoi de la Société.)

FIN DU TOME III.

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