Page images
PDF
EPUB

vers la cathédrale la rue improprement appelée de la Tour-de-Maysse et connue sous le nom vulgaire et caractéristique des Quatrevingts, à cause des quatrevingts marches d'escalier qui la composent.

Par le détour de la rue de la Beylie, nous gagnons la rue Porte-Chanac, bordée d'hôtels nobles, percés de fenêtres à meneaux, ornés de moulures, marqués d'écussons au-dessus des portes, une des rares rues de la cité accessibles aux voitures. La rue Riche, habitée autrefois par des familles aristocratiques, sombre, comprise entre deux lignes de hautes maisons noires, nous mène au faubourg du Trech. Depuis un quart de siècle, de larges percées ont complètement modifié ce faubourg; l'air et la lumière y circulent. Au fond, le coquet hôtel de la Préfecture se détache sur les ombrages de son parc.

Un coin du Trech a conservé sa physionomie primitive la ruelle du Canal de l'hospice et la rue du FourNivoulet. On se croirait dans l'Espagne du Sud, dans une ville d'Orient, à Constantine, tant les maisons se sont mises à l'abri du soleil, sous leurs toitures qui avancent et s'enchevêtrent; des linges blancs, qui pendent aux fenêtres, étalés sur des perches pour sécher, achèvent l'illusion.

De l'étage supérieur du logis Devianne, un des plus hauts de l'Enclos, nous jetons un coup d'œil d'ensemble sur la ville. Les maisons se pressent sur les pentes du mamelon, en désordre, collées les unes aux autres, mêlant leurs toits de tuiles irréguliers, laissant percer de loin en loin des tours rondes ou des pavillons carrés. Les rues étroites et tortueuses se dessinent comme de minces crevasses à travers ces constructions.

Au nord, s'allonge le faubourg de la Barussie sur

l'arête de la colline, avec la chapelle arrondie de l'ancien couvent de la Visitation, les murs de la maison d'arrêt, et plus loin le massif des arbres verts du cimetière.

Au nord-est, le faubourg d'Alverge descend vers la ville; au nord-ouest, le faubourg du Fouret escalade la montagne. De l'autre côté, au pied du mamelon, s'élève la flèche svelte de la cathédrale; les quais encadrent la Corrèze d'une ligne de maisons neuves; le faubourg du Lion-d'Or réunit l'évêché et le séminaire à la ville; les faubourgs de la Barrière et de SainteClaire tapissent à mi-côte les collines de la rive droite.

Tous ces quartiers, vieux ou neufs, comprimés par un cercle de petites montagnes, se sont, développés sans symétrie, accrochés aux rochers, superposés, dans des conditions topographiques les plus défavorables à la commodité et au bien-être des habitants, mais des plus propices au pittoresque. Des jardins, plantés d'arbres à fruits, des terres en pleine culture, des bois de châtaigniers forment autour de la ville, sur les hauteurs, une verte couronne.

Nous regagnons la plaine. Après une courte station devant l'hôtel de la Renaissance Maurice-Corne, nous entrons dans la cathédrale. M. l'abbé Poulbrière, en cicérone compétent, fait aux excursionnistes les honneurs de ce bel édifice, en détaille les particularités les plus saillantes, rappelle ses origines, sa fondation en 1103 par les moines bénédictins, les constructions successives et lentes, aux XIIIe et XIVe siècles, de la nef et du clocher. L'abbatiale avait la forme d'une croix latine; son abside et son transept ont été démolis pendant la Révolution. Il ne reste aujourd'hui que la nef, dont la voûte est supportée par des piliers carrés

cantonnés de quatre colonnes accolées; elle est éclairée par des croisées en plein-cintre décorées de colonnettes, ouvertes au-dessus de la corniche. Les bas-côtés, voûtés par la nef et divisés en six travées, reçoivent le jour par des croisées également en plein-cintre. flanquées de colonnettes à chapiteaux. La porte principale de l'église, à l'ouest, est abritée sous un porche ogival que domine le clocher à trois étages surmontés d'une flèche en granit élégante et simple.

Au sud de la cathédrale s'étend le cloître, en voie de

[graphic][merged small]

restauration. Des quatre galeries à arcades qui l'entouraient, celles de l'est et de l'ouest sont seules debout.

tre

in

--ի։

La première suit une ligne légèrement brisée et passe devant la salle capitulaire. Cette salle, qui, après la sécularisation de l'abbaye, devint une chapelle consacrée à la Vierge sous le vocable de Notre-Dame du Chapitre, est remarquable par ses voûtes basses que supportent des piliers carrés et des faisceaux de colonnettes, par les nervures de ses travées, ses chapiteaux sculptés, et, surtout par les restes de peintures murales du XIVe siècle, représentant l'Entrée de Jésus à Jérusalem et la Cène. Des peintures plus modernes décorent les voûtes. La cellérerie et la trésorerie existent encore. Du réfectoire des moines, célèbre autrefois par ses vastes proportions, de la prévôté et des autres bâtiments claustraux, il ne subsiste que des débris sans importance.

Sur la place Saint-Julien, près de la cathédrale, les membres du Congrès s'arrêtent pour admirer la belle façade de la Maison de Loyac. Ses sculptures, taillées dans un grès fin, semblent faites d'hier; chiens, cerf, porc-épic, lièvre, sanglier et autres animaux cynégétiques, figurines, lions ailés, feuillages et choux fleuronnés ornent et encadrent ses fenêtres. Construite à l'aurore de la Renaissance, cette élégante maison est un des édifices les plus intéressants et les plus dignes d'attention de la vieille ville.

La promenade est terminée à cinq heures. Les excursionnistes se rendent de nouveau à l'hôtel-de-ville, où une dernière séance est tenue sous la présidence de M. le comte de Marsy.

M. Émile Fage ouvre cette séance par un discours dans lequel, après avoir regretté l'absence de M. Deloche, membre de l'Institut, président d'honneur

de la Société, il rappelle les souvenirs des grands hommes nés à Tulle et, en première ligne, celui du célèbre historien Baluze, dont il regrette qu'aucun monument ne retrace les traits dans sa ville natale.

M. René Fage donne communication d'un mémoire sur les origines de Tulle et complète les explications données par lui dans le cours de la visite qui vient d'être faite aux monuments de la ville.

Cette communication donne lieu à un échange d'observations entre quelques membres du Congrès.

M. le marquis de Fayolle insiste sur l'importance des peintures qui décorent la salle capitulaire et sur les caractères particuliers qu'elles présentent et qui semblent permettre de les rapprocher des œuvres de l'école de Sienne, du commencement du XIVe siècle.

M. le Maire de Tulle, après avoir remercié les visiteurs de l'intérêt qu'ils portent aux édifices de la ville, s'associe aux regrets qui ont été émis par plusieurs membres au sujet de certaines constructions privées qui font enclave dans le cloître.

L'administration municipale a le désir de les acheter afin d'opérer le dégagement complet du cloître, mais elle a déjà fait de nombreuses dépenses à cet égard et ne pourrait poursuivre ces travaux que si l'État lui venait en aide; aussi, M. le Maire demande-t-il au Congrès d'émettre un vœu pour que l'État intervienne et apporte son concours à la ville, afin de lui faciliter cette acquisition.

Sur la proposition de M. le comte de Marsy, le Congrès archéologique émet, par un vote unanime, un vou tendant à l'entier dégagement du cloître de la cathédrale de Tulle et exprime le désir de voir l'État,

« PreviousContinue »