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photographie, des formes du torse, du pied replié et des plis de la draperie et des anneaux de l'Hydre, rappelleraient bien la manière de l'artiste... Il serait bien intéressant que votre curieuse trouvaille rencontrât un asile digne d'elle dans l'un de nos musées normands, celui de Rouen, par exemple. On a recueilli et réparé précieusement des fragments de statues antiques, qui n'avaient pas son importance au point de vue de l'art. Une statue de Puget, il n'y a qu'en Normandie que cela court les champs. C'est une très bonne occasion que celle du prochain Congrès archéologique de Caen pour mettre au jour une si heureuse découverte. »

Il nous a paru à propos, en effet, de vous soumettre ce problème. L'Hercule de la Londe appartient à la grande école française du XVIIe siècle. La nature de la pierre, le sujet représenté, les dimensions du personnage, tous ces caractères appartiennent à l'œuvre que Puget exécuta au Vaudreuil, en 1660. A vous, Messieurs les membres du Congrès archéologique, d'apprécier les raisons qui militent si fortement en faveur de l'attribution que nous faisons, et de rendre, s'il y a lieu, au grand sculpteur marseillais, une de ses œuvres capitales dont la trace était perdue depuis longtemps.

L'ABBÉ PORÉE,

Inspecteur de la Société française d'Archéologie.

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NOTICE

SUR

UN VITRAIL DE SAINTE-FOY DE CONCHES

REPRÉSENTANT

LE TRIOMPHE DE LA VIERGE

Au nombre des sujets allégoriques que les peintresverriers de la Renaissance se sont plu à reproduire, il en est un, vraiment caractéristique de son époque; c'est ce que l'on pourrait appeler les Triomphes. Le sujet prêtait à une riche mise en scène, dans laquelle le verrier, coloriste avant tout, pouvait grouper de nombreux personnages, les revêtir d'opulentes couleurs, et faire résonner les notes les plus éclatantes de sa palette.

Cette donnée des marches triomphales empruntée à l'antiquité avait déjà inspiré les artistes italiens de la fin du xv siècle. Après eux, les graveurs français retracèrent des scènes de même genre, tirées du « Songe de Poliphile », ouvrage qui exerça dans notre patrie une influence considérable sur toutes les branches des arts. Sur les murailles de l'hôtel de Bourgtheroulde à Rouen,

la sculpture traduisit en bas-reliefs les Triomphes de Pétrarque, que la gravure popularisa au XVIe siècle (1).

La peinture sur verre devait s'emparer à son tour de cette idée païenne des triomphes et y puiser une de ses inspirations les plus heureuses. On peut voir à SaintPatrice (2) et à Saint-Vincent de Rouen (3), à SainteFoy de Conches, le parti que d'habiles verriers ont su tirer d'un motif plein de ressources.

Que les peintres-verriers aient pu s'inspirer des gravures qui illustraient les livres d'Heures d'Antoine Vérard, de Simon Vostre, de Geoffroy Tory; qu'ils aient trouvé là, toutes prètes, des scènes religieuses convenant parfaitement à un vitrail d'église, cela est évident. Mais, non contents de s'inspirer de l'œuvre des graveurs, les verriers n'ont-ils pas parfois copié absolument les gravures; et ne faudrait-il pas rechercher dans les livres d'Heures de la première moitié du XVI siècle les dessins originaux, on pourrait presque dire les cartons de nos plus celèbres verrières de la Renaissance?

Cette thèse, nous le savons, n'est pas nouvelle. On a dit et répété que Enguerand Le Prince, Jean et Nicolas Le Pot, Robert Pinaigrier et d'autres, empruntaient leurs plus beaux cartons à l'œuvre de Raphaël, d'Albert Dürer, voire même de Michel-Ange; mais ce sont là des afirmations dont la preuve est encore à faire. Nous croyons que nos verriers français cherchaient de préfé

(1) Congrès archéologique de France, t. XLII, p. 374.

(2) Voyez H. Langlois, Essai sur la peinture sur verre, 1832, p. 51 et suivantes.

(3) Voyez A. Pottier, Description d'une verrière de l'église de Saint-Vincent de Rouen, 1862.

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rence dans leur pays les éléments de leurs grandes compositions décoratives.

La preuve que nous présentons à l'appui de notre dire nous a été fournie par l'une des verrières de l'église de Sainte-Foy de Conches.

Ce vitrail, placé dans la nef collatérale, côté du nord, représente le Triomphe de la Vierge Marie, par laquelle le monde a connu Jésus-Christ vainqueur du paganisme (1).

Au premier plan, la sainte Vierge, grave et fière comme une madone espagnole, portant une palme à la main, sort du PALAIS VIRGINAL, assise sur un char traîné par des licornes; à ses pieds est un lis en fleur, emblème de la virginité. Un ange dépose sur sa tête une couronne dont sept étoiles forment les fleurons.

On voit, à droite du char, les DAMES CAPTIVES, les mains garrottées, symbole de la servitude du péché, et près d'elles l'Amour, son carquois sur l'épaule, mais son flambeau renversé et les mains liées derrière le dos. Le démon sous la figure d'un horrible monstre, se tord écrasé sous les roues du char triomphal.

A droite de la verrière, se trouve un groupe nombreux dans lequel le correspondant de Pierre Le Vieil (2) le docteur Semelaigne (3), l'abbé Bouillet (4) ont vu les rois de Juda, et, parmi eux, David avec sa harpe. Nous ne saurions admettre cette interprétation. Tous ces personnages qui se tiennent à l'écart du cortège

(1) Le tympan de la fenêtre est occupé par la scène du chapitre de l'Apocalypse. La femme vient de mettre au monde l'enfant que Dieu et les anges enlèvent à la fureur du Dragon. (2) L'Art de la peinture sur verre, p. 59.

(3) Essai sur l'histoire de Conches, 1868, p. 210.

(4) Essai sur l'église Sainte-Foy de Conches, 1875, p. 17.

triomphal représentent le paganisme vaincu. Celui du premier plan, revêtu d'une longue robe, est un prêtre des faux dieux; le souverain à la couronne d'or, portant une lyre sous son bras, c'est Néron, l'artiste, le plus cruel des persécuteurs; on distingue encore un poète couronné de lauriers, des soldats casqués. Tout ce groupe qui se tient debout sur les ruines d'un temple jonché de débris de colonnes, considère d'un œil de dédain ou de fureur le triomphe de la vérité.

Le char triomphal est escorté par LES 7 VERTvs. La Tempérance tient une aiguière, la Prudence un serpent et un miroir; la Force se reconnaît à la colonne qu'elle porte sur l'épaule, et la Justice à ses balances et à son glaive. La Charité est peinte sous les traits d'une femme portant un petit enfant à son bras et en conduisant un autre par la main; l'Espérance tient l'ancre symbolique; la Foi élève la croix et se tourne vers le groupe des pa ens endurcis comme pour les chasser loin de sa présence (1).

En avant des sept vertus, dans l'immense cortège qui se dirige vers le TEMPLE D'HONNEVR, on remarque LES 7 ARTS LIBÉRAVX Sous la figure de femmes richement vêtues. L'une tient un gonfanon sur lequel on lit: THÉOLOGIE; l'Astronomie porte un globe céleste; la Musique et l'Arithmétique deux petits étendards où se trouvent de la musique notée et des chiffres arabes. La tête du cortège, qui pénètre dans le Temple d'honneur, est formée d'hommes et de femmes jouant de la trompe et portant des palmes.

(1) Ecce crucem Domini; fugite partes adversae, vicit leo de tribu Juda. Bréviaire romain. Office de l'Invention de la SainteCroix.

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