et depuis plusieurs années nous n'avons plus à déplorer la perte de véritables richesses artistiques. Ce meilleur état de choses, nous le devons au bon goût du clergé et à son initiation aux connaissances archéologiques. Pour ce qui est de la construction dans ces derniers temps, nous pouvons citer l'église de Saint-Martin de Brest comme un monument très remarquable par son style et sa correction. L'intérieur de l'église des RR. PP. jésuites de Brest, également, est un bijou dans le style du XIIe siècle. Et si dans nos églises de campagne on est contraint d'être plus modeste, on peut dire cependant que la plupart de nos nouvelles constructions ne sont plus de malheureux pastiches, mais sont réellement inspirées des monuments du moyen âge, et que la source du beau n'est pas encore tarie dans notre pays. J.-M. ABGRALL, Prêtre. II NOTICE SUR LES ŒUVRES ARCHÉOLOGIQUES DE FEU JAMES MILN MESSIEURS, Pendant l'automne de 1873, attiré par la réputation des monuments celtiques du Morbihan, un étranger se rendait un jour à Carnac, porté par une voiture d'Auray, où il se proposait de retourner, après avoir jeté un premier coup d'œil sur les célèbres alignements. Un peu avant d'atteindre le bourg, son regard rencontra le mont Saint-Michel. Abandonnant son véhicule sur la route, le voyageur gravit cette butte. Du sommet il remarqua, grâce aux ombres produites par les rayons obliques du soleil couchant, de nombreux accidents de terrain dont les alentours lui semblèrent parsemés. Cette vue suffit pour lui faire soupçonner que ces accidents pouvaient recouvrir des substructions enfouies depuis de longs siècles. Ce fut sous l'empire de ces impressions qu'il gagna l'hôtel des Voyageurs. Au dîner, il y rencontra des amateurs de nos vieux monuments, qui le confirmèrent dans ses appréciations. La compagnie et la maison lui plurent, et, en sortant de table, il donna l'ordre à son conducteur de retourner seul à Auray. Quant à lui, il avait pris la résolution de passer là quelques jours pour étudier la topographie locale et, en particulier, tout l'ensemble des monuments si nombreux qui recouvrent cette contrée. Mais, dépassant les étroites limites de son projet, il vit les jours, les mois, les ans se succéder, et il demeurait toujours comme enchaîné à ce pays, que, sans y penser, il finit par faire sien. Ce voyageur n'était autre que M. James Miln, Écossais d'origine, libre de tous liens et à la tète d'une belle fortune. Après avoir passé un assez grand nombre d'années dans les contrées du Levant, il s'était fixé dans son pays natal et s'y livrait avec succès à des recherches archéologiques, lorsque, pour lui fournir des termes de comparaison, un vieil ami lui conseilla de visiter notre Bretagne et particulièrement les antiquités de Carnac. Ayant, comme je viens de le dire, dressé là sa tente, il ne tarda point à réunir des ouvriers et à commencer des explorations qui, si elles ont duré sept années et coûté des sommes vraiment considérables, lui ont, en retour, procuré de bien grandes et bien vives satisfactions, car elles ont été couronnées de succès qui ont souvent dépassé son attente. Ce sont ces œuvres qui ont rempli les sept dernières années de sa vie que je me propose d'exposer devant vous, au début de ce Congrès, où, en le nommant membre du bureau, la Société française d'Archéologie lui avait réservé une grande place, très bien méritée et qu'il eût parfaitement occupée, si la Providence n'en avait autrement disposé. Parmi les accidents de terrain qu'il avait remarqués du mont Saint-Michel, ceux des Bossenno l'avaient plus spécialement frappé. Ce fut par eux qu'il débuta. Dès les premiers jours de 1874, ses ouvriers les attaquaient, demandant à ces monticules, recouverts de broussailles, leurs secrets depuis si longtemps ignorés de tout le monde. Poursuivie sans défaillance, malgré de nombreux obstacles, suscités tour à tour par les proprié⚫taires et les fermiers, leur complète exploration prit le reste de cette année, l'année suivante tout entière et ne se termina qu'en 1876. Si le travail eut une longue ✔durée, si les dépenses furent considérables, les résultats fournirent une légitime compensation. Au milieu de ces champs, on avait découvert les ruines d'une belle villa gallo-romaine, dont les appartements inférieurs restaient parfaitement reconnaissables; et il avait là, sous les yeux, tout à la fois et les traces de l'occupation de ce pays par les conquérants mêmes de Rome, et la preuve manifeste, dans les pierres rougies et brûlées par le feu, de la destruction violente d'un de leurs établissements. De ces dernières particularités, nombreuses en Bretagne, pour ne pas dire générales, il concluait que cette destruction devait se rapporter à l'époque de la chute de l'empire, alors que, affranchis d'une longue et dure servitude, les Armoricains se ruèrent avec rage sur tout ce qui aurait pu perpétuer le souvenir de leurs cruels tyrans. Pendant qu'il explorait ainsi les buttes des Bossenno, une circonstance fortuite le conduisit à une nouvelle découverte. Il nous l'apprend lui-même en ces termes: << Un soir du mois d'avril 1875, en longeant, dit-il, le mont Saint-Michel, du côté du midi, je remarquai au pied du tumulus, par un effet de lumière, des mouvements de terrain qui attirèrent mon attention. En examinant de plus près le sol, je ne tardai pas à trouver quelques petits fragments de briques romaines à la surface et quelques pierres qui paraissaient aussi être disposées régulièrement au milieu du gazon. De plus, le mur de séparation du champ voisin paraissait bâti avec des pierres ayant servi à des constructions antérieures. » Ces remarques le déterminèrent à pratiquer des fouilles en ce point, et il eut la bonne fortune de pouvoir constater que, postérieurement à l'érection de ce magnifique tertre, une construction gallo-romaine s'était élevée sur son flanc méridional et avait été, plus tard, remplacée elle-même par un établissement du moyen âge, probablement par un monastère des premiers temps du christianisme dans cette contrée. Les résultats de ses heureuses explorations dans les champs des Bossenno et au pied du mont Saint-Michel se trouvent consignés dans une splendide publication faite par lui en 1877, sous ce titre: Fouilles faites à Carnac (Morbihan). Les Bossenno et le mont Saint-Michel. En caractères elzéviriens et sur un papier de luxe, ce volume de format in-4° est enrichi de nombreuses illustrations, dues aux plus habiles graveurs de Paris et représentant la villa des Bossenno, le monument conventuel du mont Saint-Michel et les objets recueillis dans les deux fouilles; quelques-unes des planches sont même de superbes chromolithographies. Deux éditions parurent à la fois : une en anglais, à Édimbourg; l'autre en français, à Paris. La première s'est rapidement épuisée. De la seconde, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un exemplaire, que M. Robert Miln, frère de l'auteur, m'a chargé d'offrir en son nom à ce Congrès. Quand j'y aurai associé une autre œuvre non moins remarquable, je reviendrai sur cette publication. Après s'être un peu reposé en Écosse et en Angleterre, |