d'en déterminer la règle. Force est donc de reconstruire ce que le temps a fait disparaître, de suppléer au silence des écrivains par la pénétration des textes si admirablement gravés sur la pierre ou le marbre.nseq << Comme on le suppose bien, les études auxquelles nous nous livrons plus particulièrement varient avec le pays où se tient le Congrès. Tandis qu'à Arles, en 1876, et à Vienne, en 1879, l'époque romaine jouait un rôle prépondérant, ici, tout naturellement, ce sont les temps dits préhistoriques qui rempliront la plus grande partie de nos discussions. Et comment en serait-il autrement en présence des célèbres monuments qui couvrent votre sol et seront le but de deux longues et belles excursions? Pour répondre à une question du programme, vous aurez, Messieurs, à rechercher la destination de quelques-uns d'entre eux. On vous demande de porter principalement votre attention sur les menhirs, qui n'ont pas, comme les dolmens, encore livré leur secret. Sans vouloir à ce sujet préjuger en rien vos conclusions, me sera-t-il permis de rappeler que, grâce à un ensemble de faits nouveaux, les expressions trop usitées d'âge de la pierre, âge du bronze, âge du fer, paraissent devoir moins désigner des époques déterminées dans les temps et chronologiquement successives pour l'humanité tout entière, que des phases de développement dont la longueur aurait varié selon les races, les milieux et les circonstances? D'où il faut conclure que, pour connaître l'état social d'une population existant il y a deux à trois mille ans, nous n'avons rien de mieux à faire que de porter nos regards vers certaines contrées de l'Afrique ou de l'Asie. Les Khassias, par exemple, élèvent de nos jours encore des menhirs; pour savoir à quelles intentions répondit jadis sur notre propre sol l'érection de ces monuments, il suffira de savoir à quelle intention les Khassias d'aujourd'hui les élèvent. Ce sont, nous disent les voyageurs, des monuments votifs. Tenons donc pour autant de monuments votifs les menhirs que nous rencontrons sur notre propre sol. << Si des temps préhistoriques nous passons au moyen âge, la même méthode ne laissera pas que de nous être d'une grande utilité. L'un de ceux qui m'écoutent, dans une communication faite à la Sorbonne, il y a quinze ans environ, a déclaré ne pas comprendre pourquoi, en différents endroits du Morbihan, deux grandes croix de pierre s'élevaient, pour ainsi dire, côte à côte. Pourquoi n'en serait-il pas en Bretagne comme en Anjou? Or, dans cette dernière province, les doubles croix ne sont pas rares; elles servent de délimitation à deux paroisses, et la coutume veut qu'à certains jours on se rende processionnellement au lieu qu'elles occupent. << Mais, Messieurs, notre mission n'est pas seulement d'expliquer, elle est encore de protéger. Or j'ai le chagrin de le dire, jamais peut-être on n'a plus détruit que depuis quelques années. Sous prétexte de restauration, la plupart de nos édifices achèvent de perdre tout caractère historique, et c'est vraiment une ironie que de les classer dans une catégorie où ils n'ont plus le droit de figurer. Après avoir proscrit le xvu et le xvIIIe siècle, qui, cependant, avaient bien leur mérite, voici maintenant que l'on s'attaque aux âges plus anciens. Il faut à toute force rendre un édifice à son unité première, c'est la formule et la manie du jour. Ainsi, d'une part, on rechange les balustrades de Reims, et de l'autre, n'osant pas les supprimer tout à fait, on dérobe derrière une sorte d'écran les chapelles de Saint-Denis. Puis, par une contradiction singulière, le principe si hautement préconisé chaque fois qu'il s'agit de réparer certaines parties endommagées, est généralement méconnu quand l'occasion se présente de continuer un monument inachevé. Les cathédrales de Clermont, de Moulins et de Digne sont là pour attester ce que j'avance. << Quoi qu'il en soit, tout cela est peu de chose encore si on le compare aux actes de sauvage destruction dont nous sommes parfois témoins. Un château qui passait à juste titre pour l'une des plus brillantes conceptions du génie français est tombé récemment sous les coups de spéculateurs éhontés; ses débris ont été dispersés aux quatre coins de l'horizon, et, chose triste à penser! rien ne nous garantit contre le retour de pareils faits sur un point quelconque de notre sol. Car, Messieurs, remarquez-le bien, les gens qui ont dépecé le château de Montal et livré aux fureurs de l'enchère ses admirables débris sont prêts à recommencer partout où ils supposeront avoir quelque chose à gagner. Ils n'agissent pas par ignorance, loin de là, mais uniquement pour alimenter le marché de la curiosité. Tel qui ne se dérangera pas pour aller voir une merveille d'architecture sera heureux de posséder dans son cabinet un débris insignifiant d'un monument quelconque. C'est pour satisfaire cette déplorable manie que Montal a été sacrifié, et nul doute que bientôt d'autres châteaux aussi remarquables ne soient condamnés à subir le même sort. En réalité, les véritables coupables sont donc les collectionneurs, car sans eux toute la presse n'eût pas eu à faire entendre le cri d'indignation auquel vous avez sûrement répondu. «Mais je vois, Messieurs, que j'abuse de vos instants, et sans doute, vous attendez avec impatience que le Congrès aborde enfin sérieusement l'examen des questions de son programme. Je ne vous demanderai plus que quelques minutes, et cela pour rendre un public hommage au collègue éminent que nous avons perdu il y a six mois à peine. Bien qu'assez tardivement adonné à nos études, M. Miln avait conquis unrang distingué dans la science, et son nom demeurera attaché principalement aux belles découvertes de Carnac. Le livre qu'il a écrit à cette occasion peut être regardé d'ailleurs comme un type d'informations consciencieuses, et longtemps on admirera les magnifiques illustrations dont il a accompagné ses recherches. Puis, en dehors de ces considérations, une chose me touche au plus haut degré. M. Miln, qui était étranger, a donné à nos compatriotes un noble et salutaire exemple. Il a montré aux hommes de loisir, aux hommes riches, quel emploi profitable ils pouvaient faire de leur temps et de leur fortune. Car Messieurs, apporter sa pierre à l'édifice que nous construisons avec tant de peine, c'est, comme disait récemment un écrivain bien connu, M. le comte de Vogué, dans son éloge de Mariette, rendre un éminent service à l'humanité. << Non seulement, Messieurs, vous déplorez en M. Miln la perte du savant dévoué, du chercheur perspicace, mais aussi de l'homme de bien dont le cœur généreux explique les sympathies de tous ceux qui avaient pris, dans son pays d'adoption, l'habitude de le considérer comme l'un de leurs plus chers compatriotes. Toutefois par ses œuvres il sera encore parmi nous, et l'un de ses fidèles collaborateurs, dépositaire de ses travaux, saura nous les interpréter. << Et maintenant, en terminant, qu'il me soit permis, dès le début de la session, de remercier tous ceux qui ont bien voulu, d'une manière quelconque, prêter leur concours à l'organisation du Congrès. Grâce à M. le maire de Vannes, grâce aux membres de la Société polymathique, parmi lesquels je suis heureux de nommer M. l'abbé Luco, M. Rosensweig et M. Le Gall de Kerlinou, toutes les difficultés du premier moment se sont aplanies avec rapidité, et nous avons pu donner rendez-vous dans les murs de Vannes non seulement aux archéologues des différentes parties de la France, mais encore à ceux des pays étrangers. Enfin, dans mes remerciements, je ne saurais oublier le Conseil général du Morbihan, qui a tenu à temoigner de sa sympathie envers nos études, non plus que M. le président du tribunal, qui nous offre danscette enceinte une confortable hospitalité. » Ce discours est vivement applaudi. M. Burgauld répond au nom de la ville de Vannes, qui se félicite, cette année-ci, de donner l'hospitalité au congrès. Puis la parole est à M. Fontès, président de la Société polymathique du Morbihan. MONSIEUR LE DIRECTEUR, MESSIEURS LES MEMBRES DU CONGRÈS, << Permettez-moi, au nom de la Société polymathique du Morbihan, que j'ai la bonne fortune de représenter devant vous, comme son président de cette année, de vous remercier de l'honneur que vous lui avez fait en choisissant pour théatre de votre session la vieille cité où elle se livre à ses modestes et consciencieux travaux. C'est non seulement un honneur, c'est encore un titre de gloire qu'elle peut inscrire dans ses archives. C'est, |