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de ce côté, dans l'enceinte épiscopale, s'ouvre dans la dernière travée.

Je pourrais citer beaucoup d'autres constructions qui, dans quelques évêchés, remontent au XIIe siècle, mais ce ne sont là que des débris. Il est très-difficile de rétablir le plan des palais épiscopaux du XII siècle on peut affirmer seulement que les bâtiments qui les composaient étaient disposés autour d'une cour, de manière à former un carré plus ou moins régulier; et que des arcades ou galeries couvertes servaient quelquefois, comme celles des cloîtres, à circuler à couvert et à communiquer d'une pièce à l'autre.

HALLES.

Édifices publics.

Deux sortes de halles me paraissent avoir existé dès le XIIe siècle les premières ressemblaient aux granges des abbayes; c'étaient de vastes bâtiments en forme de parallélogramme dont la charpente, fort large et très-élevée, couvrait tout l'édifice. Des poteaux en bois, quelquefois des colonnes en pierre, divisaient, comme dans les granges, l'intérieur en trois nefs.

Les marchandises exposées en vente (grains, viandes, étoffes, objets d'industries diverses) se groupaient dans les diverses parties qui leur étaient assignées. Ces bâtiments étaient habituellement sur des places, isolés de tous côtés et percés de plusieurs issues pour la circulation.

Les secondes se composaient d'une galerie ou appentis le long d'une enceinte de murailles avec une place au centre; quelques-unes de ces places étaient fermées comme des cloîtres et l'on y entrait par des portes. Les plus grands marchés de ce genre réunissaient les deux systèmes, c'est-à-dire qu'ils offraient des hangars adossés à des murs tout autour de la place, et, au centre, des bâtiments couverts comme les halles dont j'ai parlé plus haut.

Henri II, roi d'Angleterre, avait fait construire des halles dans plusieurs villes de son royaume, mais aucune, que je sache, n'a subsisté jusqu'à nous. D'après la relation que fait Joinville d'une fête qui eut lieu à Saumur, le 24 juin 1241, pendant le séjour de saint Louis dans cette ville, et du banquet royal qui se tint sous des halles construites par Henri II, nous pouvons nous faire une idée de ce monument et de ses dimensions considérables.

Le roy (dit Joinville) tint cette fête ès halles de Saulmeur et disoit « l'en (1) que le grand roi Henri d'Angleterre (2) les avoit faictes pour les grans festes tenir; et les halles sont faites à la guise des ⚫ cloistres de ces moines blancs (3). Mès je crois que de trop loing il « ne soit nuls cloistres si grans. Et vous diray pourquoy il le me semble ; car à la paroy du cloistre où le roy mengeoit qui estoit environné de chevalliers et de serjans qui tenoient grand espace, mangeoient à « une table vingt que évêques, que arcevêques. Et encore après les « évêques et arcevêques, mengeoient en costé cele table la royne « Blanche sa mère, au chief du cloistre de cele part là où le roy ne mengeoit pas. Et si servoit à la royne le comte de Bouloigne qui puis fut roy de Portingal, et le bon comte de Saint-Pol et un Alemant de l'aâge « de dix-huit ans que en disoit que il avoit esté filz de Sainte Elisabeth de Thuringe; dont l'on disoit que la royne Blanche le bésioit au

« front par dévotion, pour ce que elle entendoit que sa mère li avoit « maintes fois bésié.

. Au chief du cloistre d'autre part estoient les cuisines, les bouteilleries, les paneteries et les despenses de celi cloistre, qui servoient « devant le roy et la royne de char (4), de vin et de pain. Et en toutes <«<les autres elez (5) et en praël (6) du milieu, mengeoient de cheval«liers de si grant foison que je ne scé le nombre; et dient moult de « gens que ils n'avoient oncques veu autant de seurcotz et d'autres « garnimens de drap d'or que il y en ot (7) là, et dient que il y en ot bien trois mille chevalliers (8). »

On voit, par cette description, que les halles du XIIe siècle étaient d'une étendue considérable; celles de Saumur prouvaient encore la magnificence de Henri II et son goût pour les constructions civiles.

HOSPICES. - Parmi les monuments publics du XIIe siècle, les hospices avaient une assez grande importance dans certaines villes : nous trouvons encore, dans les grandes salles de ces édifices, la même disposition générale que dans les granges et les halles. Le principal corps-de-logis,

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celui qui était destiné aux voyageurs et aux malades, était ordinairement divisé en trois nefs; la nef centrale restait libre, le plus ordinairement; les lits étaient rangés le long des murs dans les bas-côtés.

La façade extérieure, très-simple, offrait pour ornements des arcatures et des fenêtres; les corniches étaient traitées comme celles des églises.

L'ancien Hôtel-Dieu de Caen, détruit en 1827, et dont voici la façade

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Façade de l'ancien Hôtel-Dieu de Caen, détruit en 1827.

occidentale, était un exemple précieux dont je m'applaudis d'avoir

conservé le souvenir, en le faisant dessiner avec soin au moment où il allait disparaître. Il datait de la deuxième moitié du XIIe siècle, ce qu'attestaient les moulures des archivoltes et le mélange perpétuel des pleins-cintres et des ogives.

La grande salle de l'Hôtel-Dieu de Caen présentait un bâtiment trèsallongé, terminé par deux gables; celui par lequel on entrait, et qui bordait une des principales rues de la ville (voir la page 89), avait été garni, vers le XVIe siècle, de petites loges en saillie qui masquaient une partie du mur; mais on distinguait très-bien deux portes en ogive garnies de zigzags, et un rang d'arcades, bouchées pour la plupart, et légèrement aiguës (petites lancettes) qui occupaient la partie moyenne de l'édifice et qui évidemment remontaient à l'époque de la fondation. J'ai trouvé, dans les gables de grands édifices civils du XIIe siècle et du XIIIe, des arcades bouchées de cette forme, disposées de la mème manière.

L'intérieur était voûté et divisé en trois nefs, deux rangs de colonnes monocylindriques soutenaient, au milieu de la salle, les arceaux et les arcades des voûtes dans lesquelles la forme de l'ogive était nettement accusée, et qui offraient absolument le même système que les voûtes des églises à la fin du XIIe siècle. Ces deux rangs de colonnes isolées, qui se prolongeaient parallèlement, divisaient longitudinalement la salle en trois nefs à peu près égales en largeur (voir la page 94). Des colonnes groupées trois à trois correspondaient, dans les murs latéraux, aux colonnes cylindriques du centre et recevaient, des deux côtés de l'édifice, la retombée des arceaux; ces colonnes n'avaient pas encore la maigreur qu'elles prirent au XIIIe siècle, et leurs chapiteaux annonçaient aussi l'époque de la transition ou de la 2e moitié du XIIe siècle.

Les fenêtres qui éclairaient cette vaste salle étaient allongées et légèrement pointues au sommet: c'étaient des lancettes, mais des lancettes de la première époque, et qui, ainsi que les colonnes et leurs chapiteaux, tenaient autant du style roman que du style ogival. Deux petites arcades en ogive accompagnaient ces longues ouvertures; elles avaient été pratiquées uniquement pour l'ornement de la salle et comme accompagnement des longues fenêtres qui ne garnissaient pas assez les murs, car elles étaient fermées et ne recevaient aucune lumière de l'extérieur.

A l'extrémité du parallelogramme étaient un autel et un sanctuaire où l'on célébrait l'office le dimanche, de sorte que tous les malades pouvaient y assister sans quitter leur lit.

Les constructions accessoires de la grande galerie que je viens de décrire (cuisines, magasins, cloître, logement des religieux) étaient disposées à côté et alentour, au nord et au midi. Le moulin était du

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côté du midi, sur un bras de la rivière d'Orne, qui a été comblé depuis

1827.

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