Page images
PDF
EPUB

le fourneau de l'hypocauste; plus loin, vers l'extrémité du bâtiment, est une autre construction qui se détache du même bâtiment et désignée sur le plan par ces mots : evaporatio fumi.

Il est évident que, pour arriver à cette issue, la fumée devait passer sous le pavé de la grande salle; mais, pour que toute espèce de doute cesse à cet égard, on lit dans le plan, au milieu de cette pièce, ces mots subtus calefactoria, que l'on peut traduire: au-dessous du pavé les conduits du calorifère.

Je ne serais nullement surpris que quelques hypocaustes eussent encore existé au XIIe siècle, mais je n'en ai pas la preuve. Toujours est-il que les cheminées devinrent communes dans le XIe siècle ; qu'elles se multiplièrent au XIIe, et qu'alors on dut abandonner complètement le système que nous avaient légué les Romains pour le chauffage des maisons.

Dans le plan de St-Gall, les latrines et la salle des bains forment deux petits bâtiments à l'extrémité du dortoir, qui occupe l'aile orientale des bâtiments du cloître (1). Les latrines étaient encore, au XVIIe siècle, placées de même dans un très-grand nombre d'abbayes, d'après l'examen fait des vues du Monasticon. Le plan de St-Gall, qui, par sa légende détaillée, indique la destination principale de chaque pièce au IXc siècle, est, je le répète, un document de la plus haute importance.

Les chanoines qui vécurent en commun autour des cathédrales, adoptèrent aussi à peu près la disposition des abbayes; car ils avaient un cloître, une salle capitulaire, un réfectoire, des magasins, un tribunal ou officialité, des écoles, des dortoirs ou des maisous particulières groupées dans le même quartier.

Palais, halles et autres monuments publics.

L

Es écrits laissés par les moines nous fournissent quelques lumières sur l'état des bâtiments claustraux du VIII et du IXe siècle; mais nous n'avons pas la même ressource pour les autres constructions civiles, et nous sommes réduits à des conjectures relativement à l'étendue et à la disposition des palais des grandes habitations privées et des édifices publics. On peut supposer que ces différents ouvrages avaient retenu

(1) On distingue sur le plan, des sièges (sedilia), au nombre de neuf, ce qui montre que les latrines du IXe siècle étaient disposées comme celles du XIX®.

quelque chose de la magnificence romaine; qu'ils offraient beaucoup d'analogie avec les édifices de même destination auxquels ils avaient succédé.

On voit à Ravenne, près de l'église St-Apollinaire intra-muros, une construction en briques regardée comme un reste du palais de Théodoric.

[graphic][merged small]

Si la maçonnerie en briques, avec des couches de ciment fort épais, offre les mêmes caractères que les constructions du VIe siècle existant dans la même ville, les petites colonnes ou arcatures qui décorent la partie supérieure de cette façade sont peu caractérisées et ressemblent à nos colonnes romanes ordinaires. Du reste, cette espèce de façade offre une disposition symétrique des portes et des arcades qui confirme jusqu'à un certain point la tradition. Ainsi, trois portes existent au rez-de-chaussée; l'une est encore ouverte, les deux autres sont bouchées.

Au-dessus de la porte centrale une niche semi-circulaire, voûtée, paraît avoir été destinée à recevoir une statue; quatre arcatures décorent la muraille de chaque côté de cette niche, reposant sur des colon

[ocr errors]

nettes portées par des consoles et sur des saillies de la muraille représentant des contreforts (1).

Charlemagne, qui sut imprimer l'impulsion à tout ce qu'il y avait de grand et d'utile, avait pris goût pour les arts dans les voyages qu'il avait faits en Italie et dans les autres parties de ses États. Pendant les intervalles de ses diverses expéditions, il s'occupa de réaliser les idées que lui avaient inspirées ses voyages. Il fonda plusieurs villes nouvelles, båtit des ponts, répara beaucoup d'anciens édifices publics (2).

Le palais de Charles, à Aix-la-Chapelle, était un ouvrage remarquable, composé d'une vaste maison autour de laquelle se trouvaient des corps-de-logis considérables pour les hommes attachés à la cour, c'est au moins ce qu'indique le passage suivant du moine de St-Gall, écrivain contemporain :

« Les demeures de tous les gens revêtus de quelques dignités, dit-il, « furent construites, d'après les plans de Charlemagne, autour du « palais, et de telle manière que l'empereur pouvait, des fenêtres de « son cabinet, voir tout ce que ceux qui entraient ou sortaient faisaient « de plus caché. »

« Les habitations des grands étaient de plus suspendues pour ainsi a dire au-dessus de la terre; non-seulement les officiers et leurs servi«teurs, mais toute espèce de gens, trouvaient sous ces maisons un << abri contre les injures de l'air, la neige et la pluie, et même des « fourneaux pour se défendre de la gelée, sans que toutefois ils pussent se soustraire aux regards du vigilant Charles (3). »

L'exemple donné par le souverain ne peut jamais être stérile: les grands s'empressèrent d'imiter Charles sur différents points du royaume, et l'architecture se releva de la décadence dans laquelle elle était tombée. Eginhard, secrétaire de Charlemagne et surintendant des bâtiments de l'Empire, secondait avec empressement les vues de son maître ; il

(1) Dans une des deux portes aujourd'hui bouchées qui s'ouvraient primitivement à droite et à gauche de l'entrée centrale, on a incrusté une baignoire en porphyre transformée en sarcophage : cette baignoire avait été trouvée près du mausolée de Théodoric, d'où l'on avait conclu, sans autre preuve, qu'elle avait renfermé les cendres de ce prince; on alla même jusqu'à affirmer le fait dans une inscription gravée sur la muraille où elle se trouve maintenant en

châssée.

(2) V Séroux d'Agincourt, Histoire de l'art par les monuments.

(3) Vie de Charlemagne, par le moine de St-Gall; apud Bouquet, t. V, p. 119. Collection de M, Guizot, t. III. p. 214.

avait étudié l'architecture dans les ouvrages de Vitruve (1); il était versé dans tous les détails de cet art et avait dirigé les travaux entrepris à Aix-la-Chapelle, pour la reconstruction du palais et de la basilique. Nous le voyons, dans une de ses lettres, commander de faire des briques de deux espèces, dont il indique soigneusement à l'artisan la grandeur, l'épaisseur et la forme. Les plus grandes devaient avoir 2 pieds sur tous sens, quatre doigts d'épaisseur (2).

A cette époque, en effet, on plaçait des chaînes de briques dans les

murailles, comme on l'avait fait sous la domination romaine; l'usage d'employer la brique par zones horizontales paraît même s'être prolongé jusqu'au XIe siècle, dans quelques localités.

Il est certain également que, sous Charlemagne, on ajusta, dans les édifices les plus riches, des colonnes romaines arrachées aux monuments antiques on remarquait des chapiteaux très-curieux au palais d'Ingelheim, situé à quelques lieues au-dessous de Mayence. Aujourd'hui le palais d'Ingelheim est détruit; mais plusieurs de ces chapiteaux ont été déposés dans le musée de Mayence.

En Italie, le palais ducal de Spolette était considérable et sa distribution rappelait celle des grandes maisons romaines, comme le prouve une citation faite par Mabillon dans les Annales bénédictines, p. 410.

D'après le document qu'il cite, et qui se rapporte à l'année 844, ce palais offrait d'abord un antichambre ou vestibule, proaulium; secondement, la salle de réception, salutatorium ; troisièmement, le consistoire, consistorium, grande pièce, espèce de tribunal où les causes étaient entendues et jugées; quatrièmement, le trichorum, espèce de réfectoire ainsi nommé parce qu'il contenait trois tables pour trois ordres de convives; puis les zeta hiemales et les zetæ æstivales, ou chambres d'hiver et chambres d'été.

(1) C'est ce que prouve une des lettres d'Eginhard, imprimée dans le t. VI de Dom Bouquet, p. 376.

(2) Volumus ut Egmunalo de verbo nostro præcipias, ut faciat nobis latere quadratos habentes in omnem partem duos pedes manuales, et quatuor digitos in crassitudinem, numero LX, et alios minores similiter quadratos habentes in omnem partem unum semissem et quatuor digitos, et in crassitudine digitos tres, numero CC. Misimus tibi per hunc hominem de semine lapitri, etc. Eginhardi abbatis epist. XXXVIII, Apud Bouquet, t. VI, p. 379.

[ocr errors][merged small]

Septièmement, l'episcautorium, où l'on brûlait des parfuns;
Huitièmement, le bain chaud;

Neuvièmement, le gymnase, pièce destinée à la discussion et à divers exercices corporels ;

Dixièmement, la cuisine, où les aliments étaient préparés ;

Onzièmement, le columbum, réservoir où les eaux venaient se rendre; Douzièmement, l'hippodrome, destiné aux courses de chevaux (1). Cette indication sommaire ne peut tenir lieu de plan et ne mentionne, d'ailleurs, que les pièces principales ; mais elle suffit pour montrer l'importance du palais et l'identité de sa distribution avec celle des palais gallo-romains.

HALLES ET PONTS. Je ne connais pas de halles ni de ponts qui remontent avec certitude à la période que nous étudions, mais on peut sans crainte affirmer que les halles ressemblaient à celles des XIe et XII siècles. Les ponts, dont un bel exemple a longtemps existé à Mayence dans le pont bâti sur le Rhin par Charlemagne, devaient peu différer de ce qu'ils avaient été auparavant et de ce qu'ils furent après.

ARCHITECTURE RURALE. — -Les grandes exploitations rurales étaient évidemment construites à l'image de celles que les maisons religieuses s'étaient annexées.

Le plan de St-Gall nous fournit des renseignements précieux sur l'architecture rurale du IXe siècle, et c'est un document qu'on ne

[ocr errors]

a

(1) « In primo proaulium, id est locus ante aulam; in secundo salutatorium, id est locus salutandi officio deputatus, juxta majorem domum constitutus ; a in tertio consistorium, id est domus in palatio magna et ampla, ubi lites et causæ audiebantur et discutiebantur, dictum consistorium a consistendo, quia ibi, ut quælibet audirent, et terminarent negotia, judices vel officiales • consistere debent ; in quarto trichorum, id est domus conviviis deputata, in « qua sunt tres ordines mensarum, et dictum est trichorum a tribus choris, « id est tribus ordinibus commessantium; in quinto zeta hyemales, id est camera hiberno tempori competentes; in sexto zetæ æstivales, id est ca⚫ meræ æstivo tempori competentes; in septimo episcautorium et triclinia accubitanea, id est domus in qua incensum et aromata in igne ponebantur, << ut magnates odore vario reficerentur, in eadem domo tripertito ordine « confidentes; in octavo therma, id est balnearum locus calidarum; in nono • gymnasium, id est locus disputationibus, et diversis exercitationum generibus deputatus; in decimo coquine, id est domus ubi pulmenta et cibaria co• quuntur; in undecimo columbum, id est ubi aquæ influunt; in duodecimo hippodromum, id est locus cursui equorum in palatio deputatus. »

[ocr errors]
« PreviousContinue »