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Les constructions nouvelles qui purent alors être faites offraient une imitation des précédentes. Les traditions ne se perdirent point entièrement, et Mabillon a publié un document précieux (1) prouvant que certains édifices du premier ordre avaient conservé, au VII. siècle, les mêmes distributions qu'auparavant.

Nous allons d'abord étudier les édifices destinés à réunir un nombre plus ou moins considérable de personnes consacrées à la vie religieuse et vivant en commun.

Constructions monastiques.

L

Es moines ont emprunté les dispositions principales de leurs maisons conventuelles aux maisons romaines, c'est-à-dire aux maisons de campagne et aux maisons de ville.

Le cloître représente le péristyle des maisons de ville, la partie réservée à la vie intérieure.

Il répond aussi à la villa urbana, ou cour d'honneur des villa. La cour de la ferme, ou première cour, répond à la villa rustica des maisons de campagne romaines.

Le tablinum, ou lieu de réception des maisons romaines, et la salle qui y correspond dans les villa furent transformés en salle capitulaire dans les abbayes; les cuisines et les salles à manger, placées sur le côté des cours dans les maisons romaines, conservèrent cette place dans l'architecture monastique.

Un seul élément nouveau, l'ÉGLISE, vint se substituer à certaines dépendances de l'habitation antique et forma toujours un des côtés de la cour du cloître de telle sorte que les maisons conventuelles, après s'être développées parallèlement à l'église, venaient, en retour d'équerre,

des limites de distance en distance et traça ainsi l'enceinte, obvier à toute pour contestation. Frodoard, Hist de l'église de Reims. Collection de M. Guizot, p. 168, t. V.

Ce récit offre beaucoup d'analogie avec celui que l'on fait à Noron, près Bayeux, relativement à l'origine des fossés du bois du Vernay, que la tradition attribue à saint Regnobert.

(1) Rer. Ital., t. II.

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1. Église.

3. Salle capitulaire.

9. Réfectoire,

12 Préau du cloître, répondant à la cour B de la villa gallo-romaine.

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Plan d'une maison de campagne romaine. A. Première cour rustica. B. Cour d'honneur, urbana, entourée des nombreuses pièces de l'habitation précédées d'un crypto-portique ou corridor.

A

Plan du cloître ou cour centrale d'une abbaye du XIIe siècle.

A. Emplacement de la première cour de l'abbaye, répondant à l'area rustica des maisons romaines,

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s'appuyer, d'un côté, sur le transept ou le sanctuaire; de l'autre, sur la partie occidentale de la nef.

En résumé, les abbayes avec leurs bâtiments claustraux représentant l'urbana ou prætorium, au milieu desquels on voit le cloître et le préau, frappante imitation d'un portique et d'un xyste, avec leur basse-cour comprenant tout ce qu'exige une exploitation, et de vastes magasins pour serrer les récoltes; avec leur parc entouré de murs, etc., etc., offrent une image des grandes villæ romaines, dans lesquelles l'exploitation rurale était réunie au prætorium.

Le plan d'une villa romaine et celui d'une abbaye de la fin du XIIe siècle, placés en regard page 8, rendront facile la comparaison que je viens d'établir.

Sans doute, dans l'origine, les religieux n'observèrent pas dans leurs bâtiments la régularité qu'ils adoptèrent plus tard; leurs logements durent être d'abord groupés un peu confusément autour d'un oratoire; mais, à mesure que la vie en commun s'organisa, ils durent chercher un plan qui répondît le mieux, par sa disposition et la facilité des communications, aux exigences de la règle et du travail quotidien : ce fut, comme je le disais, dans celui des grandes habitations rurales de l'époque romaine qu'ils purent le trouver.

Dès le temps de saint Martin de Tours, de saint Hilaire de Poitiers, de saint Ambroise de Milan, de saint Honorat, des monastères existèrent dans les diverses parties de la France.

Plus tard, saint Benoît, qui vivait au VIe siècle, devint le législateur de ces établissements religieux dans l'Occident. La règle qu'il avait écrite en Italie fut généralement adoptée (1). Alors l'unité de la règle dut singulièrement favoriser l'unité de plan pour les maisons religieuses et leurs dépendances. Si elles différaient suivant leur importance et le nombre des personnes qu'elles renfermaient dans leur sein, suivant l'étendue de terres qui leur étaient concédées et le mode de culture auquel ces terres étaient soumises, elles offraient toujours une disposition se rattachant à un type, à un principe uniforme, que ne détruisait pas l'extension plus ou moins grande des accessoires.

Il me serait facile d'établir, par un grand nombre de documents, que

(1) Saint Benoît mourut en 545; saint Colomban, en 615.

les abbayes ont offert dans les premiers siècles du moyen-âge les principales dispositions qu'elles avaient dans les siècles suivants : j'emprunterai à la Chronique de l'abbaye de Fontenelle (depuis abbaye St-Wandrille (Seine-Inférieure) un passage prouvant qu'il en était ainsi dans cette abbaye comme dans beaucoup d'autres.

Gervold, qui gouverna pendant dix-huit ans le monastère de Fontenelle, à la fin du VIIIe siècle (de 787 à 806), et qui avait été chargé par le monarque de fonctions importantes (1), fit réédifier l'infirmerie, les cuisines, le chauffoir, et plusieurs autres parties de l'abbaye (2). Andegise, qui devint abbé en 823, entreprit des travaux plus considérables. La Chronique de Fontenelle donne sur les constructions de cet abbé des détails du plus haut intérêt: il fit bâtir un dortoir ayant 208 pieds de longueur sur 27 pieds de largeur et 64 pieds de hauteur. On voyait, au milieu de ce dortoir, une pièce en saillie ayant un pavé composé de pierres artistement disposées (probablement une mosaïque) et dont le plafond était décoré de peintures. Les fenêtres étaient vitrées : le chêne avait été employé pour toutes les boiseries (3).

Andegise fit construire un autre édifice qu'il divisa en deux parties; l'une servait de réfectoire, l'autre de cellier. Les murs et les lambris

(1) Hic nempe Gervoldus, super regni negocia Procurator constituitur per multos annos, per diversos portus ac civitates exigens tributa atque vectigalia, maxime in Quintawich (Quintovic, port de mer en Picardie). Chronicon Fontanellense, cap. XVI, apud Spicilegium d'Achery, in-4°, t. III, page 230; apud Bouquet, t. V, p. 315.

(2) Caminatam fratrum à fundamentis ædificavit... domum etiam infirmantium fratrum emendare studuit, Coquinam fratrum jam penè dirutam in majori elegantia reparavit. Sacrarium Ecclesiæ à fundamentis ædificavit, Scholam in eodem cœnobio esse instituit. Chronicon Fontanellense, caput xvi, apud Spicilegium d'Achery, édit. in-4o, t. III, p. 230.

(3) Edificia autem privata ab ipso cœpta et consummata hæc sunt: In primis dormitorium fratrum nobilissimum construi fecit, longitudinis pedum ducentorum octo, latitudinis verò vigenti septem: porrò omnis ejus fabrica porrigitur in altitudine pedum sexaginta quatuor; cujus muri de calce fortissima ac viscosa, arenaque rufa et fossili, lapideque tofoso ac probato constructi sunt. Habet quoque solarium (probablement un appartement en saillie au milieu de la façade) in medio sui pavimento optimo decoratum, cui desuper est laquear nobilissimis picturis ornatum. Continentur in ipsa domo desuper fenestræ vitreæ, cunctaque ejus fabrica, excepta maceria, de materia quercuum durabilium condita est: tegulæque ipsius universe clavis ferreis desuper affiæ; habet sursum trabes et deorsum.

du réfectoire furent peints par Maldalulfe, peintre habile de l'église de Cambrai (1).

Un troisième corps-de-logis, appelé la grande maison, s'éleva plus tard par les soins du même abbé; il renfermait un appartement avec cheminée et touchait d'un côté au réfectoire, de l'autre au dortoir: comme ces deux derniers bâtiments devaient être, d'après la Chronique, en contact avec l'église, du côté du nord, il est facile de tracer le plan du couvent de Fontenelle à cette époque: il devait se composer d'une cour carrée enclose au midi par l'église, à l'est par le dortoir, à l'ouest par le réfectoire, au nord par un grand bâtiment dont on n'indique pas la destination.

Il est probable qu'il y avait à l'ouest une seconde cour renfermant les magasins, les écuries, les granges et les autres dépendances du couvent.

Le long des constructions dont la Chronique de Fontenelle nous donne une description si intéressante, et à l'intérieur de la cour, se trouvaient des portiques construits par ordre d'Andegise et dont le toit et la charpente reposaient sur des pilastres.

On le voit, dès cette époque, les maisons conventuelles étaient disposées à peu près comme elles l'ont été dans les siècles suivants. L'église bordait d'un côté la cour du cloître. Cette disposition, que nous retrouvons dans toutes les abbayes qui subsistent, paraît avoir été trèsanciennement consacrée.

(1) Post quod ædificavit aliam domum quæ vocatur refectorium, quam ita per medium maceria ad hoc constructa dividere fecit, ut una pars refectorii, altera foret cellarii de eadem videlicet materia similique mensura sicut et dormitorium, quam variis picturis decorari in maceria et in laqueari fecit à Madalulfo egregio piclore Cameracensis ecclesiæ. -Tertiam nempe fecit domum egregiam construi, quam majorem vocant, quæ ad Orientem versa ab una fronte contingit dormitorium, ab altera adhæret refectorio: ubi cameram et Item ante caminatam, necnon et alia plurima ædificari mandavit....... dormitorium refectorium, et domum illam quam majorem nominavimus, porticus honestos cum diversis pogiis ædificari jussit, quibus trabes imposuit, ac juxta mensuram eorumdem tectorum in longum extendit. In medio autem porticus, quæ ante dormitorium sita videtur, domum cartarum constituit. Domum vero, qua librorum copia conservaretur quæ græcè pyrgiscos dicitur, ante refectorium collocavit, cujus regulas clavis ferreis configi fecit.

Chronicon Fontanellense, apud Spicilegium d'Achery, tome III, p. 238, 239, 240.

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