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à nos regards ac plonger dans cet antique et vaste repaire de toutes les superstitions les plus bizarres et les plus barbares. Heureux de cette circonstance providentielle, le vénérable évêque choisit cet immense pays pour le théâtre de son œuvre; alors il forma comme une légion de tendres enfants; l'image de Jésus enfant devra être leur bannière; l'objet de leur zèle, les pauvres petits enfants chinois, exposés en pâture aux plus viis animaux, ou précipités dans les fleuves. Simple et modeste comme l'enfance du dour Jésus à qui elle est consacrée, l'œuvre de la Sainte-Enfance, à peine formée, ne tarda pas à inspirar l'intérêt qui s'attache au jeune âge.

SAINTE-ENFANCE.--L'œuvre encore trèsrécente de la Sainte-Enfance fut fondée à Paris, au commencement de 1843, par monseigneur Charles de Forbin-Janson, évêque de Nancy, en Lorraine, avant les événements qui signalèrent l'année 1830 (496). Ce digne prélat, l'un des membres les plus illustres de l'épiscopal français, avait été un de ceux qui avaient accueilli avec plus de bienveillance, l'œuvre de la Propagation de la foi, et l'avait propagée le plus vivement. Mais plus il était affectionné à cette œuvre, plus il regrettait que ses aumônes, quelques considérables qu'elles fussent, ne représentassent dans l'Eglise catholique qu'un tout petit nombre d'associés, aussi cherchait-il avec sollicitude quelque nouveau moyen de l'étendre davantage. Telle fut la première origine de l'œuvre de la Sainte-Enfance, née de la Propagation de la Foi, destinée à Ja répandre et à la consolider, à la perfectionner et a la perpétuer.

I.

Histoire succincte et précisedes commencements de l'œuvre de la Sainte-Enfance.

On a souvent répété et avec infiniment de raison, que le Tout-Puissant se plaît à faire éclater sa gloire par les moyens les plus faibles, et permet qu'une plante de sénevé devienne un grand arbre où les oiseaux du ciel viennent se reposer. Ainsi ce qui fait la beauté de la Propagation de la foi, c'est la faiblesse des moyens et la grandeur des résultats : il en est de même pour l'œuvre de la SainteEnfance, qui ne fait que rendre plus éclatante encore la vérité des paroles que nous citions tout à l'heure, puisqu'elle choisit dans l'Eglise ce qu'il y a de plus faible pour l'opposer à toute la puissance du paganisme et de l'erreur. Au moment où M. de Janson méditait les plans de son association, les murailles de la Chine venaient de tomber sous les efforts des Anglais, et permettaient

villes de Brest, Landerneau et Lesneven; Rennes, Nicolas Audran, imprimeur des Facultés de Droit, rue d'Estrées; petit in-4°.

(496) Suivant notre habitude, nous joignons ici quelques renseignements biographiques sur le fondateur de l'association. Charles-Auguste-MarieJoseph de Forbin-Janson naquit à Paris en 1785, et était fils du marquis de Janson, lieutenant-général des armées du roi. A peine sorti du berceau, le jeune Charles suivit ses parents en Allemagne où la noblesse française se retirait presque tout entière. A son retour dans sa patrie, il fit sa première communion, à laquelle il s'était préparé avec toute la ferveur et la pureté dont il était capable. Ses parents, qui remarquaient en lui un esprit vif, une riche imagination et un cœur palpitant pour tout ce qui est bon et vertueux, lui firent donner une éducation convenable à son rang. Admis, à vingt et un ans, comme auditeur au conseil d'Etat, le jeune de Janson eût pu arriver bien haut dans la carrière des honneurs, mais il préféra être obscur et caché dans la maison du Seigneur. Après avoir fait de brillantes études au séminaire de Saint-Sulpice, il fut ordonné prêtre à Chambéry, dans l'année 1811. Il resta quelque temps dans ce diocèse en qualité de vicaire-général, et même un moment fut supérieur du séminaire. A l'époque de la restauration, M. l'abbé de Forbin

II.

Etablie à Paris, comme nous l'avons dit, la pieuse association s'établit rapidement dans les paroisses, trouva de nombreus associés dans les catéchismes, et même aux fonts baptismaux, pénétra dans les communautés religieuses, anima d'une émulation toute nouvelle les maisons d'éducation. Dès le mois de mai de la même année elle était représentée par un conseil central, dont les présidents et vice-présidents d'honneur étaient NN. SS. l'archevêque de Paris, feu l'archevêque de Strasbourg et l'évêque de Versailles, actuellement archevêque de Rouen. Le nombre de ses membres, leurs lumières et l'élévation de leur rang, soit daus l'Etat, soit dans l'Eglise, attestaient hautement les espérances que cette œuvre naissante donnait déjà à d'autres qu'à celui qui l'avait fondée et conçue. Parmi ceux qui n'avaient pas hésité à en faire partie étaient MM. les supérieurs des diverses sociéles de la Compagnie de Jésus, de Saint-Lazare, des Missions étrangères, de Picpus, et le supérieur général des frères des Ecoles chré tiennes; et l'accession de ces hommes recommandables et si bien instruits des vrais besoins des contrées auxquelles se dévoue la Sainte-Enfance, suffisait seule pour es Janson revint en France, et s'occupa, avec le fameus abbé de Rauzan, de l'établissement des missions, de ces missions qui firent beaucoup de bien, comm nous aimons à le reconnaître, mais qui auraiek produit plus de bien, surtout auprès des jeunes gens, si elles avaient eu un caractère politique moins tranché. Après plusieurs années passées dans les missions, l'abbé de Janson voyagea dans l'Orient, passa à Smyrne, à Jérusalem, et dans les autres lieux célèbres de ce pays signalé par tant de mracles. Revenu en France, l'abbé de Janson devini évêque de Toul et de Nancy, primat de Lorraine. Il occupa ce siége jusqu'en 1850, époque à laquelle, par suite de circonstances fàcheuses, il le quitta pour aller parcourir les contrées du nouveau monde et y répandre la semence de la parole divine. C fut à son retour en France qu'il s'occupa de jeter les premiers fondements de l'OEuvre de la Sainte-Enfance, et dès lors il ne vécut plus que de cette pensée et de l'espoir de la réaliser. Nous donnons, dans l'article ci-dessus, le récit de ses longues fatigues qui finirent par mettre un terme prémature à sa laborieuse carrière. Atteint d'une maladie mortelle, il est transporté dans un des domaines de sa famille, et là, il rend son âme à son Créateur, entre les bras de son frère et du guide de sa conscience...

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attester l'utilité et l'importance, et pour lui assurer la plus sage direction. Fondée en France par un évêque, l'oeuvre de la SainteFrance trouva dans les évêques ses premiers propagateurs protecteurs; plusieurs s'empressèrent de l'établir dans leurs diocèses, la recommandèrent de diverses manières au clergé et aux fidèles, l'établirent authentiquement par des mandements et créèrent dans leurs villes épiscopales des conseils particuliers chargés de correspondre avec le conseil central.

llest vrai de dire cependant que quelquesuns crurent devoir attendre avant de parler en sa faveur; mais, loin de la repousser, ils la laissèrent s'établir dans leurs diocèses. Peu avant son dernier jour, M. de Janson déclarait que le plus grand nombre des évêques de France lui avaient donné, nonseulement leur adhésion, mais leur concours efficace. « Les suffrages que nous avons recueillis, écrivait-il à son Em. le cardinal préfet de la Propagande, ne nous ont été accordés qu'après de mûres réflexions; car, ce qu'il faut surtout remarquer, c'est que de ces hommes vénérables, chefs de notre Eglise de France, qui se sont associés à notre ceure, il n'en est point qui ne porte dans son cœur l'œuvre de la Propagation de la foi; il est si loin de leur pensée de nuire en rien à cette œuvre et d'en contrarier le progrès, que plusieurs d'entre eux ne sont venus à nous, tels que NN. SS. de Chartres, de SaintClaude et de Digne, qu'après avoir bien. reconnu et proclamé, dans leurs lettres pastorales, l'utilité de notre œuvre pour celle de la Propagation de la foi. Tous ces prélats croient donc ainsi que nous, que c'est une moisson nouvelle que notre œuvre lui prépare, et que les enfants que nous initions, dans un âge si tendre, au dévouement de la charité chrétienne, ayant ouvert leurs âmes aux sublimes jouissances du sacrifice en vue de Dieu et de leur prochain, ne pourront, plus tard les en sevrer, et qu'elles continue ront dans la Propagation de la foi, ce qu'elles auront commencé de faire dans la SainteEnfance. »

LL. E. S. les nonces de Sa Sainteté portèrent un jugement également favorable sur cette œuvre si intéressante et daignèrent la recommander verbalement, et par écrits, en France, en Belgique, en Hollande et en Suisse. Un grand nombre de missionnaires, de vicaires apostoliques, voulurent bien se faire ses apôtres, soit dans les diverses parties de l'Europe; en Italie, en Angleterre; soit dans les contrées infidèles où ils portaient la lumière de l'Evangile, en Amérique et dans l'Orient. Mgr Tosati, prélat tout dévoué à la Sainte-Enfance, lui prédisait de grands succès dans les Etats-Unis, de même que NN. SS. Hughes, évêque de New-York, et Purcell, évêque de Cincinnati. Ainsi donc se réunissait, pour propager l'œuvre de la Sainte-Enfance, les suffrages de ceux qui se trouvaient le plus haut et le mieux placé pour l'apprécier.

Mais si l'œuvre de la Sainte- Enfance

trouva de l'empressement parmi les pasteurs, elle n'en trouva pas moins parmi les fidèles; et dans plus d'un diocèse, d'une paroisse, l'évêque et le curé n'eurent pas à proposer la sainte association. C'étaient les associés qui les prévenaient, les priaient de recevoir leurs noms et leurs aumônes, et de les diriger selon les règlements. Bientôt l'œuvre eut des associés dans les conditions les plus diverses, des princes assis sur les marches du trône, comme dans la religieuse Belgique, et des orphelins dans les asiles de la charité; elle recueillit les faciles aumônes du riche et l'épargne laborieuse du pauvre. Peu de mois après sa fondation, le sou par mois qu'elle demande à ses associés avait produit (qui l'aurait cru?) une somme de 25,000 francs, qui furent déposés aux mains des vicaires apostoliques de la Chine. Elle allait donc au mieux l'oeuvre de la Sainte-Enfance, et l'accueil favorable que lui avaient fait les prélats français surtout la dispensait de toute autre recommandation. Õui, cela eût suffi pour une œuvre qui ne se fût appuyée que sur le secours des hommes; mais le propre des œuvres de Dieu, et de celles qui sont inspirées par lui, c'est de souffrir contradiction et obstacle, contradictions et obstacles dont elles triomphent tôt ou tard. Nous avons dit les progrès si rapides de l'œuvre or à cet ins tant même de sa diffusion, son fondateur, qui parcourait le midi de la France, pour vaincre quelques incertitudes qui s'y montraient, à l'endroit de l'oeuvre de la SainteEnfance, son fondateur, disons-nous, succombait à Montpellier. A ce même moment l'euvre était encore à peine organisée précisément à cause de la rapidité de ses progrès et de l'activité employée pour sa propagation. Les correspondances n'étaient pas encore établies; une administration régulière n'avait pas été formée en France même, le but que se proposait l'œuvre et les moyens qu'elle devait employer n'avaient pas encore été bien expliqués partout, et les préventions que rencontrent partout les euvres nouvelles se fortifiaient des fausses idées que l'on s'en faisait. M. de Janson n'était plus: son crédit, ses largesses, ses éloquentes prédications, ses courses rapides n'alimentaient plus l'œuvre de toute sa vie. Les restes refroidis du pontife étaient descendus dans le tombeau, mais Dieu semblait permettre que de ce cœur glacé par la mort s'échappassent encore quelques-unes de ces flammes pures qui l'avaient consumé. On n'avait point à chercher des associés, à leur rappeler leurs engagements, à ranimer leur zèle; eux-mêmes de toutes parts offraient leurs souscriptions et leurs abonnements avec une sorte d'importunité. Cependant, on commençait à désespérer, et, de plusieurs diocèses, les trésoriers envoyaient à l'œuvre de la Propagation de la foi les aumônes qu'ils avaient reçues pour la Sainte-Enfance. Ce fut à ce moment extrême que Dieu suscita un évêque, déjà bien connu par son zèle, mais à qui on osait à peine demander

ce nouveau genre de dévouement, monseigneur l'archevêque de Chalcédoine. Ce prélat accepta donc la présidence de l'œuvre de la Sainte-Enfance, et MM. les supérieurs des Missions entourèrent l'œuvre d'un nouvel intérêt, et plusieurs d'entre eux, en continuant à faire partie du conseil, voulurent bien en même temps être membres du bu

reau.

L'heureux rétablissement de l'œuvre de la Sainte-Enfance fut reçu avec joie par tous les associés fidèles de la France, et sur tout de la Belgique et de l'Italie. Ce qui ne contribua pas peu surtout à ranimer l'œuvre, ce fut surtout la circulaire de Mgr l'archevêque de Chalcédoine, dont la voix fut accueillie partout avec non moins de respect que celle de son prédécesseur. De telle sorte qu'il arrivait, qu'après la mort de M. de Forbin-Janson, l'œuvre de la SainteEnfance se trouvait plus fortement constituée qu auparavant, l'administration devenait plus régulière, la correspondance plus suivie. D'ailleurs sur plusieurs points les évêques de France élevaient de nouveau la voix et recommandaient chaudement l'œuvre qu'avait fondée 1 évêque de Nancy et de Toul.

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Le vénérable évêque de Lucon, qui aujourd'hui n'est plus, écrivait de sa main défaillante. « qu'il regrettait infiniment de n'avoir pas reçu plus tôt des nouvelles de la Sainte-Enfance. Comme l'œuvre de la Propagation avait réclamé contre elle, n'entendant plus parler de rien, ne sachant plus à qui faire passer les fonds, il avait autorisé le trésorier de la Sainte-Enfance, dans son diocèse, à faire ses versements dans la caisse de la Propagation de la foi; il craignait même qu'on n'eût répandu le bruit de la dissolution de la première. Cependant elle avait eu du succès dans son diocèse; les mêmes apprenaient à leurs enfants à faire leurs offrandes pour sauver de petits Chinois, en même temps qu'à faire le signe de la croix. Rien n'était plus touchant..... Il allait obvier aux faux avis qui auraient pu être donnés. Car, ajoutait le pasteur vénéré, il est toujours fàcheux de contrarier les bonnes inspirations du peuple, quand il a goût à une œuvre d'un aussi excellent prix. »

Depuis la mort du prélat, M. l'abbé Soyer, vicaire capitulaire, « est heureux d'annoncer que les progrès de l'œuvre seront toujours vus avec plaisir dans ce diocèse, à moins

d'événements tout à fait imprévus; il a la confiance que cette ceuvre ne nuira en rien à celle de la Propagation de la foi. M. l'abbé Gelot, économe du séminaire, est chargé de la correspondance. »

Le 20 avril 1845, Mgr l'évêque d'Or léans écrivait à Mgr l'archevêque de Chalcédoine : « Orléans a été une des villes de France où, quelque temps avant que d'aller jouir au ciel du fruit de ses travaux apostoliques, mon noble et saint ami, monseigneur de Forbin-Janson est venu établir l'œuvre des petits infidèles: je lui avais promis mon faible soutien, et je serai heureux de contribuer, autant qu'il dépendra de moi, au développement de cette œuvre admirable. Malheureusement l'ecclésiastique qui avait bien voulu se charger de la dinger ici a été appelé ailleurs pour le service d'une grande cure, et je n'ai pu m'occuper encore de son remplacement. Mais je donnerai tous mes soins à ce que sa place soil remplie pour établir les relations nécessai res entre le conseil de l'œuvre et les fidèles de mon diocèse. »

Nous allons terminer la série des appro bations données par l'épiscopat français en citant un fragment de la lettre si touchante de Mgr de Marguerye, évêque de SaintFlour. « Qu'il nous soit perinis, nos trèschers frères, dit le pontife, d'entretenir votre piété d'une œuvre admirable que nous nous reprocherions de vous laisser ignorer plus longtemps. C'est l'OEuvre de la SainteEnfance. Un des plus illustres pontifes de notre Eglise gallicane s'est pris d'une tendre commisération pour une multitude d'inno centes victimes de la barbarie d'un peuple si vainement fier de sa fausse sagesse, et son cœur d'apôtre a jeté au milieu de ses frères un immense cri de douleur: miser cor super hand turbam. Oh! que j'ai grande pitié de tant de pauvres petits enfants qui périssent en Chine et dans les autres pays idolâtres. La Belgique et la France ont déjà répondu au noble appel de Mgr de Forbin --Janson, évêque de Nancy et de Toul. Plusieurs de nos vénérés collègues dans l'épiscopat onl parlé à leurs diocèses de cette pieuse as sociation, spécialement proposée à l'âme compatissante de la jeunesse chrétienne, Jeune sœur de la grande œuvre catholique de la Propagation de la foi, ne craignez pas, notre cher père, qu'elle arrête le développement régulier de son ainée, et que, par suite d'un zèle qui ne serait pas selon la science, elle finisse par nuire à ses succès. Non, et la connaissance des documents relatifs à cette œuvre vous prouvera que tout y a été combiné dans la pensée de procurer à la grande association de nouvelles conse lations avec de nouvelles ressources, et de lui préparer même une plus nombreuse génération de souscripteurs.

« Nous laissons à nos bien-aimés coopérateurs, N. T. C. F., le soin de vous instruire de la nature, des moyens et des avantages de cette œuvre, selon quils jugeront dans leur sagesse qu'elle pourra être établie dans

leurs paroisses, sans nu.re en aucune manière à l'œuvre principale de la Propagation de la Foi, appelée à faire encore de nouveaux progrès dans certaines localités, et toujours si digne de nos sympathies et même de notre préférence. Toutefois vous ne pourrez entendre, sans verser des larmes, le récit que nous font les missionnaires des cruautés exercées dans l'empire chinois sur les pauvres petits enfants, que des parents dénaturés vouent à l'infamie et à la mort. Des milliers de victimes périssent chaque année et deviennent la proie des animaux immondes, sont jetées sur de vils fumiers, précipitées dans les fleuves ou vendues pour être destinées aux plus infâmes prostitutions. En vain l'humanité outragée pleure comme Rachel sur le sort de ces êtres innocents qui trouvent la mort dès leur entrée dans la vie. En vain la religion, cette tendre mère de tous ceux qui sont faibles et malheureux, voudrait les recueillir dans son sein et les marquer au front du sceau régénérateur du baptême: ils périssent sans que l'eau sainte puisse couler sur leurs fronts, et avant qu'un bras sauveur ait pu les soustraire à la mort. Et des femmes, entrailles maternelles, frémissez! des femmes se rencontrent dont le salaire se mesure sur le nombre des enfants étouffés par leurs mains! Nouveau Vincent de Paul, Je zélé créateur d'une œuvre réparatrice a dit, non plus seulement à une simple assemblée de personnes charitables, mais à tous les catholiques au coeur noble et généreux : « Or sus, mes amis, voulezvous que tant de petites créatures périssent? Prononcez-Leur sort est entre vos mains. >> On ne vous demande qu'une obole, 60 centimes par an. Mais avec cette obole que d'enfants baptisés et devenus pour vous des anges protecteurs ! Combien d'autres élevés dans la vraie foi, qui, grâce à vos aumônes, seront peut-être un jour les apôtres indigènes de la Chine, quand aura sonné pour elle l'heure de la résurrection à la double vie du catholicisme et de la civilisation. — Chers et bien-aimés enfants de notre diocèse, que nous aimons tant à bénir, et qui aimez aussi à vous presser, radieux et recueillis, autour de notre personne, vous aurez donc aussi votre apostolat ; l'œuvre de la Sainte-Enfance sera la vôtre. Dans la liste civile de vos menus plaisirs, vous ferez la part destinée au rachal de pauvres petits enfants, dont vous serez les véritables sauveurs, titre qui vous rendra heureux de renoncer à une légère satisfaction, de vous imposer un sacritice pour grossir l'intéressante collecte qui vous placera au rang des apôtres. Car par elle d'infortunées créatures seront arrachées à la mort; des enfants seront donnés à l'Eglise et des élus à la cité des saints; et, quand vous paraîtrez au tribunal suprême, ils formeront votre cortége, plaideront votre cause, et vous mériteront d'entendre de la bouche de Jésus-Christ ces douces paroles : « Venez les bien-aimés de mon Père, possédez le royaume qui vous a eté préparé dès le commencement du monde,

car, je vous le dis en vérité, tout ce que vous aurez fait au plus petit de vos frères, c'est à moi-même que vous l'avez fait: Venite, benedicti Patris mei, possidete paratum vobis regnum a constitutione mundi... Amen dico vobis, quandiu fecistis uni ex his fratribus meis minimis, mihi fecistis (Matth., XXV). »

Tous les évêques ne furent pas favorables d'abord à la Sainte-Enfance, et quelques-uns firent longtemps attendre leurs réponses à la circulaire de Mgr de Chalcédoine'; mais il n'y eut qu'un diocèse où cette circulaire fut refusée et non distribuée.

Souvent le modèle ou du moins l'émule de la France dans les œuvres de la foi, la Belgique, ne fut pas moins empressée à adopter la Sainte-Enfance, et elle n'a pas été moins constante à la soutenir. Maintenant l'œuvre est représentée non-seulement dans la capitale du royaume par Mile Evain, trésorière générale, mais encore par des correspondants dans les principales villes, Namur, Liége, Verviers, Anvers, Louvain, Gand, Bruges et Tournay. D'ailleurs, depuis le mois d'octobre 1845, l'organe le plus justement accrédité du clergé, le Journal historique et littéraire de Liége, n'a pas craint de s'élever contre les malveillantes insinuations et les faux bruits que l'on répandait contre l'œuvre de la Sainte-Enfance. Quoique les circonstances ne soient pas aussi favorables dans les Etats prussiens, l'œuvre a ses associés et ses trésoriers à Aixla-Chapelle, à Cologne, à Coblentz et à Trèves entin à Mayence, aux portes même de l'Allemagne, elle a trouvé un propagateur aussi actif qu'intelligent, dans le jeune et zélé pasteur de Saint-Christophe, en même temps rédacteur de la Feuille catholique du dimanche, à la rédaction de laquelle concourent plusieurs ecclésiastiques des diocèses de Fulde, Limbourg, Mayence, Spire. Ce digne pasteur s'est chargé de traduire en Allemand les publications de l'œuvre et de les faire imprimer à Mayence, d'où, comme d'un nouveau centre, elles pourront se répandre en Alsace, en Suisse, en ¡Bavière et dans les autres parties de l'Allemagne.

IV.

But de l'œuvre de la Sainte-Enfance. - Son organisation. Indulgences qui lui sont accordées.-Conditions pour en faire partie. Etat actuel de l'œuvre.

Arracher à la mort une multitude d'enfants nés de parents infidèles, enfants que le caprice et la inisère, les superstitions et la barbarie la plus hideuse et la plus dénaturée détruisent (par milliers et par centaines de milliers, soit dans les eaux des fleuves où les abimes de la mer, soit sous la dent des chiens et des pourceaux; avant tout, par le baptême ouvrir le ciel au plus grand nombre possible de ces êtres infortués, déshérités en naissant de l'affection paternelle; préparer un moyen sûr et puissant de régénérer les nations idolâtres, en donnant une éducation chrétienne à ceux qu'on

aurait sauvés de la mort, plus tard faire de ces enfants rachetés des instruments de salut, comme maîtres et maîtresses d'école, médecins et sages-femmes, catéchistes, prêtres même et missionnaires indigènes tel est le but de l'œuvre de la Sainte-Enfance. Le christianisme seul pouvait penser à do telles choses, et ce n'est pas un de ses moindres bienfaits d'avoir protégé et de protéger tous les jours la faiblesse de l'enfance et de la réintégrer dans ses droits. On sait que ces meurtres d'enfants, si ordinaires encore aujourd'hui en Chine, étaient chose passée en coutume chez les peuples anciens, et c'est là que nos premiers apologistes, les Justin, les Tertullien ne craignent point de reprocher hautement au paganisme. (Sancti JUSTINI Prima apol.. nombre 27; TERTULLIANI Apologetica, nomb. 9.) Les pères avaient le droit excessif de vie ou de mort sur leurs nouveau-nés, pouvaient les immoler ou les vendre, ou les jeter sur la voie publique. Or, à la Chine, cet état de choses si déplorable et si malheureux est encore dans toute sa vigueur aujourd'hui, et à ceux qui croiraient pouvoir en douter nous donnerons pour preuves, non pas seulement les lettres de nos admirables et courageux missionnaires, mais les observations qui ont été publiées par des écrivains qui ont voyagé dans ce pays. Voici comment s'exprime P. Dobel, conseiller russe, dans un ouvrage ayant pour titre Sept années en Chine. «Beaucoup d'habitants pauvres de Canton sout contraints, par excès de misère, à abandonner leurs nouveau-nés.... Ces malheureuses créatures apaisent souvent la voracité des chiens... Les pauvres, pour se faire un état, élèvent des jeunes gens dont ils font des comédiens, et des filles qu'ils livrent au désordre, et ce sont deux des états les plus lucratifs du pays.

M. Mouly, lazariste, supérieur de la mission de Pékin, doune les détails suivants sur les pauvres enfants exposés, filles et garçons S'ils ont, dit-il dans une lettre du 16 octobre 1837, quelque maladie que Ton juge incurable, alors, par superstition, les parents ne veulent pas les laisser mourir chez eux.... Ils les abandonnent dans la rue après les avoir bien noircis pour les rendre méconnaissables, et quand ils seraient bien beaux, les infidèles les laisseraient par indifférence ou par superstition.»>

De tels récits ne font-ils pas frémir la nature d'épouvante, et n'y a-t-il pas de quoi remuer au fond des âmes tous les sentiments de la plus noble philanthropie, et de quoi électriser le cœur de l'homme et du chrétien. Aussi feu Mgr le cardinal-évêque d'Arras, dans une lettre pastorale en date du 9 octobre 1843, invite-t-il, de la manière la plus pressante, ses diocésains à faire partie de cette sainte association. Sur la fin de sa lettre, il s'écrie: « Revêtez vous donc comme des élus de Dieu, saints et bienaimės, d'entrailles de miséricorde. O mères chrétiennes, qui chérissez vos enfants, voulez-vous attirer sur eux et sur vous les

bénédictions du ciel? Associez-les, même dès le berceau, à une œuvre aussi sainte et aussi méritoire; accoutumez-les, dès le matin de la vie, à goûter la plus douce et la plus pure des jouissances, celle de faire le bien; à mesure que leur intelligence se développera, faites-leur comprendre qu'il y a dans des contrées lointaines une multitude de petits enfants comme eux, moins bénis de la Providence, qui leur tendent des mains suppliantes, en les conjurant de ne pas les abandonner à leur triste sort; mais de devenir, par une légère aumône et une courte prière, leurs sauveurs, leurs protecteurs et en quelque sorte leurs pères. Vos enfants émus,attendris,sentiront leurjeune cœur tressaillir d'une pensée d'amour; leur nom, écrit sur la liste des bienfaiteurs de l'enfance infidèle, comme sur un livre de vie, sera un éclatant témoignage de leur reconnaissance envers Dieu, et bientôt, grâce à leur petite aumône et à leur innocente prière, il y aura une grande joie de plus dans le ciel et une foule d'infortunés de moins sur la terre. »

L'œuvre de la Sainte-Enfance est dirigée par un conseil central qui a président et vice-président. Ce conseil est séant à Paris. Il se compose d'un président et d'un viceprésident d'honneur, du président de l'œuvre, de vnigt-quatre membres tant ecclésiastiques que laïques, dont MM. les supérieurs, ou les délégués des communautés qui envoient des missionnaires dans les pays infidèles, font partie, ainsi que le frère supérieur général des Ecoles chrétiennes.Parmi les vingt-quatre membres sout choisis: un vice-président de l'œuvre, un trésorier et un vice-trésorier, un secrétaire et un vicesecrétaire. Au conseil central seul appartient la direction générale de l'œuvre, la répartition des fonds; elle est fixée à la majorité des membres présents du conseil, qui ne peuvent être moins de neuf, et qui règlent les sommes à envoyer aux diverses missions, sans jamais sortir de la spécialité de l'œuvre.

Par un rescrit du 10 janvier 1847, Sa Sainteté Pie IX « accorde à tous les associés de l'œuvre de la Sainte-Enfance, de quelque diocèse qu'ils soient, une indulgence plé nière 1° en faveur des associés vivants, à gagner le jeudi dans l'octave de l'Epiphanie, (ou le jour même de l'octave, si elle arrive le jeudi); 2° pareillement indulgence plénière, applicable aux défunts, à gagner le jeudi de la deuxième semaine après Pâques. ou à tel autre jour de cette octave ou de cette semaine, qui seront désignés par l'é vêque du lieu, pourvu que, ayant observé tout ce qui est prescrit d'ailleurs, ils assistent ce jour-là au saint sacrifice de la messe, et prient dévotement pour les associés suit vivants, soit défunts. » Comine ou le remarque. ces indulgences sont accordées à deux cou ditions particulières à la Sainte-Enfance: 1 Les associés, pour gagner ces indulgences, doivent assister à chacune des deux messes plus haut mentionnées et prier dévolement aux intentions de l'œuvre; 2° les messes

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