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le monde sait d'ailleurs combien la police des jurandes est illusoire pour ce qui concerne la perfection des ouvrages et que, tous les membres des communautés étant portés par l'esprit de corps à se soutenir les uns les autres, un particulier qui se plaint se voit presque toujours condamné et se lasse vainement à poursuivre de tribunaux en tribunaux une justice plus dispendieuse que l'objet de sa plainte.

« Ceux qui connaissent la marche du commerce savent aussi que toute entreprise importante de trafic ou d'industric exige le concours de deux espèces d'hommes: d'entrepre neurs faisant les avances des matières premières avec les ustensiles nécessaires à chaque commerce, et de simples ouvriers, qui travaillent pour le compte des premiers moyennant un salaire convenu. Telle est la véritable origine de la distinction entre les entrepreneurs ou maîtres, et les ouvriers ou compagnons, laquelle est fondée sur la nature des choses et ne dépend point de l'institation arbitraire des jurandes. Certainement ceux qui emploient dans un commerce leurs capitaux ont le plus grand intérêt à ne confier leurs mauères qu'à de bons ouvriers, et l'on ne doit pas craindre qu'ils en prennent au hasard. On doit présumer aussi que les entrepreneurs ne mettront pas leur fortune dans un commerce qu'ils ne connaitraient pas assez pour être en état de guider et de surveiller leurs travaux. Nous ne craindrons done point que la suppression des apprentissages, des compagnonnages et des chefs-d'oeuvre expose le public à être mal servi. Dans les lieux où le commerce est le plus libre, le nombre des marchands et des ouvriers est toujours limité et nécessairement proportionné aux besoins de la consommation. Il ne passera point cette proportion dans les lieux où cette liberté sera rendue, aucun nouvel entrepreneur ne voulant risquer sa fortune dans un établissement d'un succès douteux et soumis à la concurrence de plus anciens actuellement bien achalandés. »

Voici l'un des mille graves inconvénients de la libre concurrence:

Aux travaux à la main l'on a substitué le travail de mécaniques pour le cordage, le tissage des étoffes de laine, de coton et de soie. Ce procédé centuplant la force de production, les marchés se sont trouvés encombrés, les ventes n'ont pu suflire à l'écoulement des marchandises fabriquées, empilées dans les magasins. Pour parer à cet affreux embarras l'on a eu recours à des moyens peu loyaux pour amener le bas prix des objets proposés aux acheteurs. Au lieu d'étoffes fortes, solides que nous achetions encore dans notre première jeunesse on nous présente des draps d'apparence excellente, mais du plus mauvais usage. Ainsi en est-il de tous nos tissus de laine, de til et de soie. Au défaut de force se joint le défaut plus odieux encore du faux teint, qui cause au consommateur confiant le plus grand préjudice. La fraude sur ces points n'est pas la seule : les matières sont mélangées la laine contient du coton, le coton se combine avec le chanvre et le lin Et qu'est-il arrivé de là? mille dommages pour le marchand en détail trompé par le fabricant, mille injustices pour les acheteurs indigènes; même fraude sur les objets envoyés à l'étranger, qui une fois trompé abandonne notre industrie qui, pour quelques francs, résul tals de l'injustice, se voit repoussée quand elle ose présenter de nouveaux produits. C'est là un malheur dont j'ai souvent entendu se plaindre d'excellents capitaines au long cours que j'ai eu le plaisir de compter au nombre de mes vrais amis,

Il arrive encore de cette fureur de produire indéfiniment et à bon marché, que la France est sous le coup terrible d'un luxe qui la ruine. Ce ne sont plus seulement nos familles opulentes, les habitants de certaines grandes villes, les personnes riches et forcées de représenter qui se jettent dans de folles dépenses pour satisfaire un goût elfréné de paraître. Cette contagion s'est surtout répandue au sein de nos campagnes et enlève à nos jeunes paysannes le soin de travaux utiles et lucratifs pour les précipiter dans des dépenses exagérées, causes de mille malheurs, de mille iniquités inconnus à nos bons aïeux ! Une jeune fille des champs rougira de filer, parce qu'elle aura appris à faire des broderies qui ne peuvent plus s'allier avec des occupations qui faisaient jadis, et qui font encore la gloire de la femme forte. Du luxe dans les vêtements on tombe dans le luxe des ameublements, car les articles de menuiserie, brillants, éclatants, mais sans solidité, sont facilement l'objet de la convoitise de la personne qui veut fixer sur elle T'attention. Pour suffire à ces dépenses isolément peu considérables, mais dont la réunion est ruineuse, à quel moyen a-t-on trop souvent recours? Vous le savez, vous qui en auriez fait la cruelle expérience!

Comme nous ne sommes pas systématiquement contempteurs du présent, nous dirons que nos fabricants ont apporté à la confection de certains tissus un talent qui, soutenu par une grande application, les a menés à un grand perfectionnement, comine il est arrivé à la spécialité des châles Ternaux, qui, disent les connaisseurs, approchent autant que possible des châles qui nous arrivent de Cachemire. Mais, en vérité, ce progrès est-il uniquement dù, doit-il être exclusivement attribué à l'absence des anciennes maîtrises, à la libre.concurrence? nous ne le croyons pas, et pour fixer sur ce point l'opinion publique, jetons un coup d'œil sur la libre concurrence sur le rapport des produits, des ouvriers et du salaire.

Si nous quittons l'ouvrage pour nous occuper de l'ouvrier, quelle foule de réflexions se présentent à l'esprit ! Sous le régime de la corporation, l'ouvrier était assuré de sou sort, comme membre de la société industrielle, et jouissant d'une protection efficace. La corporation était, en effet, un personnage important dans l'Etat. L'ouvrier n'était pas

isolé, sa position était nettement tracée, il connaissait ses droits et ses devoirs. Matériellement, son salaire était élevé, car c'est la corporation qui le fixait, en quelque sorte, Moralement, il vivait sous un régime hiérarchique sanctionné par la religion catholique. La corporation industrielle s'est seulement développée au sein du catholicisme, parce qu'elle est fondée sur le repos du dimanche. Chose étonnante! le travail est organisé en vue du repos, l'ouvrier n'était pas considéré comme une machine, mais comme un chrétien qui devait avoir ici-bas des préoccupations plus nobles que celles de son humble profession, ou plutôt il voyait dans sa profession même l'ordre de la Providence, et il s'y soumettait avec résignation. L'ouvrier aujourd'hui a perdu sa foi et ses habitudes religieuses, il est accessible à tous les sophismes, à toutes ces utopies, et nous en avons vu la triste preuve sous nos yeux. En 1830, nous avons vu tous les centres industriels, sous l'influence des doctrines révolutionnaires, jetés sur la rue pour y faire l'émeute et courir sus à l'autorité royale, menacer la sécurité publique; la même chose s'est vue en 1848.

Les ouvriers ont-ils gagné en importance politique? Hélas, non. Ils ont acquis l'égalite, mais l'égalité, en donnant tout à tous, donne peu à chacun; un droit aussi divisé est bien près de s'annuler. Et, en effet, les ouvriers n'ont influé en rien sur les événements; s'ils ont joué un rôle, ç'a été à leur détriment et comme instruments d'ambitions qui leur etaient étrangères. Confondus dans le reste de la nation, ils n'ont plus rien qui leur soit personnel; ils ne participent que pour leur part, et d'une manière insensible, aux sentiments et aux intérêts généraux. Nous avons dit que, au moyen âge, les arts et métiers des pauvres mettaient sur pied des armées qui luttaient contre les rois de France, que ceux de Rouen, Paris, etc., donnaient des inquiétudes au gouvernement, ainsi que ceux de Florence, etc. Dans les temps modernes, au contraire, l'action politique des ouvriers dégénère immédiatement en une anarchie encore plus fatale à eux qu'aux autres. Pourquoi cela? C'est qu'autrefois l'armée industrielle avait un ordre, une hiérarchie qui en centuplait la force et en assurait la prépondérance. Les corporations ont marqué dans notre histoire au milieu des troubles civils et religieux, elles ont paru sur la scène et ont défendu leur cause avec succès. La ligue s'appuyait sur elles, et elles dominaient les principales villes du royaume. Si plus tard elles tombèrent dans le discrédit et furent dédaignées par l'autorité royale, on peut attribuer leur disgrâce au souvenir de la ligue qu'elles rendirent puissante. On s'est récrié contre la richesse des corporations; mais que dire de l'état nialheureux d'un trop grand nombre d'ouvriers? Que penser surtout de leur état moral et religieux ? Dégagé de tout lien qui les attache à la véritable croyance, ils perdu presque toute idée de cette vertu. Ils vivent pour la plupart dans un état de dégradation si digne de pitié qu'il a servi de point de départ au cri de ralliement, aux propagations du socialisme qui a prétendu trouver dans la spoliation du riche la solution du problème qui rève l'amélioration du sort de celui qui est pauvre, qui vit dans l'indigence, dans l'affreuse misère; moyen absurde, ruineux, inventé depuis quelques jours seulement, et déjà propagé, répandu de telle manière qu'il tient toujours la société comme sur un volcan.

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D'autres moralistes voudraient que l'ouvrier fût plus instruit, et ils crient à tue-tête contre l'ignorance de la classe ouvrière ! Mais, en vérité, de quelle ignorance veut-on nous parler? Veut-on se plaindre de ce qu'ils ne connaisent pas assez les sublimes enseignements de l'Eglise catholique? Nous avouons, nous aussi que cette assertion n'est que trop fondée, mais à qui doit-on s'en prendre de cette affreux malheur? A la religion? mais elle fournit au peuple tous les moyens imaginables d'instruction. Ecoles gratuites placées dans toutes les parties les plus populeuses des villes, écoles à vil prix mises au sein de Os campagnes, et encore à la condition qu'il y sera admis un grand nombre d'enfants qui sont instruits gratuitement; ajoutons niême, à la louange des instituteurs et des institutrices, qu'ils ne refusent aucun des enfants qui leur sont présentés. Les moyens de faire instruire les enfants sont mille fois plus multipliés qu'ils ne l'étaient autrefois, et ce n'est que depuis soixante ans que l'on crie à l'ignorance de l'ouvrier! Allons donc chercher ailleurs la cause du mal, et nous la trouverons dans la position de l'ouvrier qui, devenu grand, ne voit plus autour de lui ce qui jadis le tenait attaché à Dieu, à la reliion, aux bonnes mœurs, disons même au sentiment de la nationalité française. Enfin, si nous étudions l'ouvrier sous le rapport du salaire, quel spectacle? j'avoue que, comme le disent nos philanthropes, l'ouvrier est libre de travailler ou de chomer, de se livrer au travail à son compte, ou dans l'intérêt de tel maître qu'il lui plaît de choisir. Voilà assurément un privilége; mais ce privilége lui manqua-t-il jamais!

Le temps du travail était autrefois limité, aujourd'hui une loi est intervenue, et nous savons combien souvent elle est violée.

Ne voyons-nous pas de malheureuses femmes travaillant par milliers dans des fabriques, des enfants gagnant tristement leur vie à un âge où ils ne devraient connaître que les jeux de l'enfance. Le législateur a été obligé d'intervenir pour empêcher que l'enfant ne pt être admis dans les fabriques avant l'âge de huit ans, il a dù limiter la durée du travail qui lui est imposé. Ce relâchemen: des liens de la famille n'effraye-t-il pas l'homme sérieux, l'homme qui réfléchit? La famille se dissout dans la classe ouvrière, c'est le moment de pousser le cri d'alarme. Il y a ici un mal que nos pères n'ont pas conna; l'ancien ouvrier n'avait pas seulement la grande famille de la corne

DICTIONN DES CONFRÉRIES ET CORPOR.

Jaquelle in appartenait, il avait encore la famille particulière, son foyer domestique. Sa femme travaillait chez lui, au milieu de ses enfants et du soin de son ménage; elle accomplissait gaiement sa tâche, elle n'était pas condamnée au travail monotone des manufactures. N'est-ce pas là un point important? Voyons ce qui revient du salaire de l'ouvrier de nos jours, prenons un exemple. La fabrication de la soie produit à Lyon une valeur de 200 millions de francs et occupe 175,000 ouvriers. Ce résultat paraît magnifique au premier abord, et cependant que reste-t-il à l'ouvrier de toute cette richesse? Quelle économie fait-il sur son salaire? Toute cette population est triste, inquiète. Les écononristes prêchent l'épargne; il est facile à l'économiste d'épargner sur ses traitements, mais l'ouvrier vit au jour le jour, sa destinée individuelle ne lui inspire aucune prévoyance. La prévoyance est une vertu qui excite une haute suite d'efforts, et si les masses n'en sont pas susceptibles, c'est au gouvernement à y suppléer. Le meilleur moyen de moraliser et d'instruire l'ouvrier serait le retour aux corporations fondées, basées sur la religion. Puisse ce régime revivre I on le dit contraire au développement ! erreur accréditée par l'irréflexion.

Qui ne conçoit que, pour obtenir le plus de travail et par suite le plus de bénéfice possible, l'ouvrier qui aspire à la maîtrise doit employer tous ses talents à égaler et même à surpasser celui qui, dans la même partie, a déjà une réputation acquise.

On se plaint de la rigueur des examens et des frais qu'ils entraînaient ! Mais aujourd'hui dans quelle profession peut-on se fixer sans des examens coûteux et presque ruineux? et ces examens tiennent éloignée la médiocrité, comme au temps des corporations.

§ VIII

Sceaux des confreries. -Leurs armoiries.

-

Leurs bannières, etc. Explication descriptive et symbolique.

C'est principalement au temps des croisades que se propagea l'usage de certains insignes, où bannières et étendards découpés (36) et de couleurs diverses, par lesquels les peuples européens rassemblés sur une même terre pour une cause commune se distinguaient les uns des autres, et de signes particuliers ou blasons qui faisaient reconnaître seigneurs, nobles, barons, chevaliers.

Les fêtes des tournois, si usités aux x1 et xn' siècles, en favorisèrent aussi la propagation, si même nous ne devons pas dire qu'elles les firent inventer. Dans ces solennités chevaleresques, les joûteurs, complétement cachés sous leurs épaisses armures, portaient sur leurs boucliers ou leurs cottes d'armes, des signes particuliers qui devinrent ensuite leurs blasons.

C'est à cette grande époque que se présenta sous des formes plus régulières et plus savantes, le fier symbolisme armorial, auquel vers le xiv siècle, on ajouta l'entourage des figures de bêtes féroces, de lions, de griffons, de vautours, à pose altière, qui semblaient de muettes menaces, où triomphaient l'orgueil du maître, la fierté du guerrier. Tout grand seigneur avait son écusson, sa devise, son cri de guerre.

De même manière, les gens de métiers, marchands et artisans, soit pour se reconnaître dans les solennités publiques, soit pour s'unir dans les mouvements populaires, voulurent aussi avoir des bannières, des armoiries, des devises, des cris de guerre; dans le midi, c'était Allot; chez les habitants de Comminges, Ablot. En Bourgogne, Aboc. Les devises concordaient avec le métier. Les serruriers écrivaient sur leurs sceaux ou armoiries : fidélité et secret; les apothicaires avec nous sécurité et confiance; les drapiers, merciersunis: l'amour de la patrie fut notre lien d'union. Les bannières servaient de point de ralliement et se portaient en tête du corps des artisans ou des frères de charité dans les cérémonies publiques. On représenta d'adord sur les bannières le saint patron; puis, à côté, au-dessous ou sur les revers, on plaça des blasons ordinairement composés avec les instruments du métier. Certaines corporations possédaient des bannières sur lesquelles étaient peintes en vives couleurs, ici les roues de la fortune; là des navettes, des ciseaux, des couperets, des marteaux formés en croix.

En 1467, lorsque le rusé Louis XI voulut organiser en corps de défense et de sûrele, les artisans de Paris, il les divisa en 61 catégories, auxquelles il donna une banmère portant au milieu une croix blanche, comme signe général de reconnaissance pour toutes les corporations entre elles, et au-dessous les armoiries de la profession comme signe particulier entre les membres de la même communauté industrielle; les bannières, confiées à la garde des chefs de chaque catégorie, étaient enfermées en un coffre à triple clefs, d'où elles ne pouvaient être tirées que par ordre du roi, ou de ses lieutenants dans les provinces.

Les catégories organisées par Louis XI prirent le nom de bannières, qui, dans les réu

(36) Voir D'HOZIER, grand armorial de France; DE WAILLY, Eléments de paléographie, art. sceaux; MICHELET, Origines du droit; - F. CANEL, Armorial de la Normandie; 1849; Bulletin archéologique

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de l'Association bretonne; congrès de Saint-Malo, 1849, et de Saint-Brieuc, 1852, passim.

nions ou les marches générales, se rangeaient d'après un numéro d'ordre déterminé. Tous les artisans et marchands étaient obligés à se faire inscrire au registre des bannières de leur état, à peine d'amende et même de bannissement de la ville. Chacun d'eux devait s'équiper et se fournir d'armes, dont néanmoins le port n'était permis que sur l'ordre du chef de bannière, à peine de mort, excepté toutefois en certains jours de fêtes où les artisans pouvaient porter des armes pour s'exercer à leur maniement. Les chefs de bannières ne pouvaient réunir ou faire armer leurs hommes sans un ordre émané du roi ou de ses lieutenants, sous peine de mort. Les francs bourgeois et les marchands en gros qui ne tenaient ni ouvroir, ni boutique, marchaient sous la conduite des échevins.

Les chefs de bannières devaient, en recevant leur titre, prêter le serment suivant que nous le reproduisons d'après le texte de l'ordonnance de Louis XI (37).

« Vous jurez à Dieu et sur ses saints Evangiles que vous serez bons et loyaux au roy et le servirez envers et contre tous qui pevent vivre et mourir, sans quelconque personne excepter; obeyrez au roy, à ses lieutenants, en ce qui vous sera ordonné et yrez ès-lieux qui vous seront dits et conduirez vos bannières et ceux qui se sont rangés soubzicelles en armes et habillements ainsi qu'il appartient, et vous employerez de tout votre pouvoir à faire et accomplir tout ce que, de par le roy et ses lieutenants, vous sera commandé comme bons sujects et jusqu'à la mort ; et ne ferez, ne souffrirez faire aucunes séditions, rumeurs, tumultes, commotions, entreprinses préjudiciables au roy et contre son vouloir; et se vous savez aucunes coupables machinacions, les revèlerez incontinent au roy soubz peine d'en estre punis comme rebelles; et avec ce promettez et jurez que ne assemblerez ne souffrerez assembler ne mettre en armes ceux de votre bannière, et ne les menerez, ne ferez mener en auscuns lieux pour user de quelque voie de fait sinon que par l'ordonnance du roy ou de ses lieutenants. »

On exigeait un semblable serment de chaque artisan, qui devait, en outre, jurer obéissance entière au chef de sa bannière. C'était vraiment la garde nationale de l'époque, et on découvre aisément combien elle puisait de forces dans la sévérité de sa discipline presque militaire. A Paris, la première fois que toutes ces bannières se réunirent, elles formèrent un corps de près de quatre-vingt mille hommes, passés en revue par Louis XI, accompagné du général cardinal de La Ballue et des plus hauts personnages de la cour. Ci-joint le tableau de l'ordre de la marche de ces bannières

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(37) Ordonnances des rois de France, tome XVI.

(38) Fabricants de menus ouvrages de fer, mors, gourmettes, éperons,

(59) Fabricants d'une sorte de cuirasse, en usage alors, et nommée Brigandine. Les soldats qui la portaient en ayant abusé, on les appela Brigands.

graveurs de sceaux.

Potiers d'étain, bimbelotiers.

Trentième Bannière.

Tisserands de laine.

Vingt-sixième Bannière. Bonnetiers et foulons de bonnets.

Vingt-septième Banniere.

Chapeliers.

Vingt-huitième Bannière.

Drapiers, chaussetiers.

Quarante-septième Bannière.

Quarante-huitième Bannière.

Fondeurs, chaudronniers, épingliers, balanciers, Epiciers apothicaires.

Vingt-neuvième Bannière.

Deciers, tapissiers, teinturiers de fil, sole et toile, tandeurs.

Quarante-neuvième Bannière.

Merciers-lunetiers, tapissiers-savazinois.

Quarante-cinquième Bannière.

Libraires, parcheminiers, écrivains et enlumineurs.
Quarante-sixième Bannière.

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Cette organisation s étendit a la plupart des grandes villes du royaume; Rouen, entre autres, vit aussi ses corporations se ranger sous des bannières régulières, qui faisaient à la fois sa force dans les jours de crise et son ornement dans les solennités et les réjouissances publiques.

Les artisans et marchands attachaient également une grande importance à leurs sceaux, cachets, armoiries, jetons ou médailles.

L'usage des sceaux est très-ancien et presque universel. Les Grecs et les Romains, disent les savants Bénédictins, se servaient de sceaux, non-seulement pour sceller les testaments et les lettres, mais encore leurs marchandises. Au temps de saint Melèce, en 361, on cite des bourgeois d'Antioche qui possédaient des sceaux particuliers. Les sceaux des gens de métier ou de négoce portaient souvent les instruments de la profession. Les auteurs du Trésor de Numismatique ont reproduit les sceaux de plusieurs corps d'état de Bruges, d'après des Cartulaires de 1407, sur lesquels un moulin à vent, un tonneau, trois navettes, trois ciseaux, rappelaient les corporations des meuniers, des tonneliers, des tisserands. des couteliers ou rémouleurs.

Ce qu'ils représentaient en petit sur les sceaux ou cachets, ils le figuraient dans de plus vastes proportions sur les armoiries de la bannière ou sur l'enseigne de la boutique; ils y ajoutèrent même, à la façon des grands seigneurs, des ornements en feuillage, des ban

(40) Ordonnances des rois de France tome XVI.

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