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précédent; il y avait là une sorte d'étrangeté qui a pu embarrasser le savant physiologiste. Ne trouvant pas tout de suite une explication plausible, il a préféré garder le silence jusqu'à ce qu'il eût trouvé la solution de ce problème. L'idée très simple que j'ai eu la hardiesse de produire ne lui sera pas venue apparemment à l'esprit; cette idée, je l'ai exposée plus haut: un chef africain, jeté par les vents sur la côte américaine par le 40° degré nord, aura été enseveli dans le tumulus avec tout ce qui lui appartenait.

Si M. de Hass, à la séance de la Société ethnologique de New-York, ou plutôt le journal américain qui en rend compte, a prêté à cette société une opinion qui n'est pas la sienne, c'est un tort sans doute; si l'on vous a prêté à vous-même, savant ami, un jugement qui n'est pas le vôtre, c'est certainement aussi une faute que je regrette infiniment et que j'étais loin de soupçonner; mais l'on ne saurait en rien inférer contre les réflexions que je viens d'exposer.

Quant à la personne de M. de Hass et à celle de M. Tomlinson (le propriétaire du tumulus), je dois naturellement m'abstenir, d'autant plus que la question scientifique vient d'être traitée en dehors de toute considération personnelle. En résumé, je dois vous remercier de m'avoir fourni l'occasion de développer les motifs de l'opinion que je m'étais formée sur cette intéressante matière, laquelle touche de près au sujet si important de l'origine de la population et de la civilisation américaines.

Agréez, etc.

JOMARD.

RUINES ROMAINES

CHEZ LES BENI-OUAGUENNOUN (KABYLIE).

(Le Fundus Petrensis.)

J'ai publié très sommairement, il y a peu de temps, la découverte que je venais de faire de ruines importantes chez les Beni-Ouaguennoun, tribu berbère qui occupe une portion considérable et accidentée du Sah'el kabyle, entre la mer et la vallée du Sebaou, proche Dellys (1).

Des recherches ultérieures me donnent lieu de supposer que ces vestiges pourraient être ceux du Fundus Petrensis dont parle Ammien Marcellin, et conséquemment de nature à fixer l'attention des archéologues.

Revenant du T'nîn ou marché du lundi des BeniQuaguennoun et me rendant au village de Makouda, je suivais un abrupt sentier qui me conduisait vers un immense rocher dont les hautes parois verticales se dressaient comme les gigantesques murailles d'un manoir féodal des anciennes légendes: c'était le pic d'Azrou Tasiouan't (le rocher des milans) 2) dont la bizarre structure géologique fait immédiatement naîtrę dans l'esprit l'idée d'une citadelle naturelle. J'eus bientôt atteint le chemin qui, suivant cette montagne, traverse les vergers et les jolis jardins de Makouda: ce

(1) Lettre à M. Berbrugger sur quelques ruines romaines à Makouda (Kabylie). (Revue africaine, tome III, p. 232.)

(2) Sur la carte du Dépôt de la Guerre, ce point est désigné sous le synonyme arabe de Kef-Makouda.

chemin passe près d'une fontaine (Tala B'Ourti, la fontaine du jardin) (1) construite avec des pierres de grand appareil, parfaitement taillées, et des dalles avec traces de mortaises qui éveillèrent mon attention. Arrivé à Makouda, je m'enquis de l'origine de ces matériaux, et, d'informations en informations, je ne tardai pas à apprendre qu'ils provenaient, ainsi que beaucoup d'autres épars dans les environs, de vastes ruines situées sur le sommet du rocher au pied duquel sont construites les maisonnettes kabyles.

Le lendemain je résolus de tenter l'ascension du pic d'Azrou; accompagné de quelques indigènes, je pris l'étroit sentier qui d'abord, en se profilant parallèlement au massif montagneux, conduit au haut, à environ un kilomètre du village, à Tasetam Takoral't (l'arbre de l'assemblée). On me montra quelques pierres taillées et un énorme bloc de rocher à peine dégrossi, dans lequel avait été taillée une auge ou cuve dont les bords, usés par le temps, ont à peine 30 centimètres de hauteur; une ouverture y était ménagée. On se demande comment cette masse, véritable ébauche cyclopéenne, se trouve là... Un éboulement seul peut donner l'explication plausible de ce phénomène.

Après avoir quelque temps encore escaladé les flancs. de l'Azrou, par un sentier parfaitement abrité, les Kabyles me firent voir une excavation (a direction ouest) (voir le plan ci-après, fig. 1): c'était, dit la tradition locale, une des portes de la ville; à vingt pås en-. viron se trouve une autre issue parallèle. C'est alors

(1) Ourti, jardin, du latin hortus.

que l'on arrive sur la plate-forme et qu'apparaissent les premiers vestiges de ruines. Ce sont partout de grandes et belles pierres taillées qui devaient se rejoindre, par d'autres blocs que l'on retrouve épars, à un réduit d'environ 3 mètres de face, construit en pierres parfaitement assemblées (B); une sorte de meurtrière s'ouvre sur l'ouest, de façon à plonger sur la large entrée de la vallée du Sebaou jusqu'à Drâ-bel-Kreda.

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Le sol, couvert de ronces et de ruines, devient fort difficile. Ce ne sont, de tous côtés, que des pierres amoncelées ou éparses; les plus petites ont fourni aux Kabyles les matériaux de la bourgade de Makouda et de la Zaouïa dont les terrains occupent la partie sud des ruines. Nombre d'assises encore superposées indiquent suffisamment les traces de l'enceinte existant sur

toute la face ouest. C'est au sommet que se trouvaient les habitations, réduits, etc., qui devaient être considérables relativement à toutes les autres ruines que j'ai observées dans la région kabyle où la conquête romaine avait étendu sa domination et créé des postes militaires. Là sont amoncelés des pierres, des fragments de briques, de poteries, couvrant des pans de murailles, sans que rien ne puisse indiquer la profondeur de ce sol complétement recouvert par les décombres et envahi par une robuste végétation. J'ai pu cependant reconnaître, non sans quelque peine, deux chambres (CD) contigues d'environ 10 mètres de côté, adossées à la muraille nord-est. De ce point l'enceinte, sur une longueur de 80 mètres, est la continuation de la crête du rocher qui se dresse à pic et domine cette partie du plat pays occupé par les fermes ou azibs des BeniOuaguennoun.

Fontaine berbère sur le pic d'Azrou.

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En venant sur la face orientale, beaucoup moins encombrée que les deux autres, les Kabyles me montrèrent

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